Sachez juste, avant d'aborder ce second tome, si vous avez adoré (ou détesté) le premier en raison de sa violence débridée et de sa vulgarité assumée, que cette suite passe la vitesse supérieure et qu'on baigne tout à tour dans le carnage et le stupre le plus décomplexé. La bande des trois finit par se recomposer, et voici à nouveau Jesse Custer, pasteur possédé par l'entité Genesis et à la recherche de Dieu pour lui "botter les fesses", sa compagne Tulip, à la gâchette facile, et le vampire Cassidy, que rien ne semble pouvoir tuer si ce n'est les rayons du soleil. Ensemble, ils vont se heurter à une association de malfaiteurs/illuminés de tout premier ordre, le Graal. Cette bande de cinglés a acquis un pouvoir immense au fil des siècles, et pas mal de politiciens du monde entier lui mangent dans la main. A sa tête, nous trouvons un gros tas de gélatine amateur de desserts crémeux et de meurtres de masse, une sorte de Pape apocryphe, un certain D'Aronique. La raison d'être du Graal est de préserver la pureté de la lignée originelle du Christ, en isolant et protégeant ses descendants au fil de l'histoire, pour un jour asseoir le Messie à la tête de l'humanité, lorsque viendra l'apocalypse (prévue dans Preacher pour l'an 2000, la série n'est plus si jeune, les amis). Le problème c'est qu'isoler tous ces descendants, et les faire se reproduire entre eux pour des raisons de pureté de l'espèce, ça donne des crétins consanguins comme ce gamin déjanté supposé devenir le guide de tous les croyants, et que Garth Ennis s'amuse à présenter comme un débile obsédé. C'est aussi l'heure des luttes intestines au sein du Graal puisque Starr, un allemand plus éveillé que ses supérieurs, fomente en secret un changement de cap pour l'organisation. Il a besoin de Jesse Custer comme son nouveau Messie personnel, et compte l'employer pour diriger les masses, notamment grâce à son pouvoir de persuasion sur la voix. Mais ses méthodes sont assez discutables, notamment le kidnapping et l'agression arme au poing. Du coup Cassidy se retrouve enlevé, torturé et régulièrement éclaté en petits morceaux par le Graal, alors que Jesse et Tulip arrivent à la rescousse au volant d'une voiture volée, et baisent tout au long du parcours dans les motels de passage. Garth Ennis, quoi, vous l'aurez amplement deviné. Ah oui, petite précision importante, le Qg du Graal, appelé Massada, se trouve dans le sud de la France, ce qui permet à nos charmants personnages de venir nous rendre visite. Toujours aussi provoquant, et abrasif, donc. Comme lorsque Jesse Custer s'immisce dans une soirée très privée, organisée par Jesus De Sade, dont le patronyme est éloquent. Dans cette soirée, ce sont les notables et les pervers de la société qui se donnent rendez-vous, pour se livrer à la débauche la plus totale, aux turpitudes les plus répugnantes. La punition sera bien entendu à la hauteur du sacrilège. Preacher réserve aussi de beaux moments intimistes, et n'est pas seulement un réservoir à scènes gores ou cinglées. Comme lorsque Garth Ennis entreprend de nous raconter le passé du vampire Cassidy, ou bien nous apprend ce qu'il est advenu du père de Jesse, durant son séjour au Viet-Nam, et des amitiés qu'il y a nouées. Car mine de rien, l'amour, les bons sentiments, l'entraide fraternelle et la solidarité, sont des valeurs qui transparaissent régulièrement de ces pages au vitriol. Dans le monde de Preacher, le sordide cache aussi de beaux élans poétiques, pour peu qu'on puisse les voir, derrière le macabre, l'ironie, la provocation. C'est toujours Steve Dillon qui illustre ces épisodes. A défaut d'être un dessinateur perfectionniste ou brillant quand il s'agit de soigner les détails (pour dire, rien à voir avec les peintures de Glenn Fabry, l'auteur des somptueuses couvertures, commentées en fin de volume dans les bonus), son trait caricatural et sans fioriture permet de suivre ces aventures foldingues avec une grande lisibilité, et offre une caractérisation attachante des personnages. L'édition d'Urban Comics est un véritable bijou que tous les fans de doivent de posséder dans leurs bédéthèques. On y trouve aussi et encore le courrier des lecteurs tenu par Ennis lui même, la traduction des lettres que sa série recevait à l'époque, et les réponses aussi jouissives que le comic-book lui même. Preacher laissera difficilement insensible le lecteur moyen. De la haine à l'adoration, tout le spectre des émotions pourrait bien y passer. De notre coté, on se contentera de vous dire que ça se range à la lettre, comme immanquable ou irrévérencieux. A lire aussi : Preacher : Livre 1