Où est le droit ? Okorenetrit ? – Pierre GOPE

Le Thème.

A quel niveau se situe la Justice ?

Où est le droit ? Okorenetrit ? – Pierre GOPE

Une Citation.

Imaginez toujours que quelqu’un a besoin de vous pour le délivrer de sa solitude.

L’histoire en quelques mots.

Au coeur d’une tribu kanak en Nouvelle-Calédonie, Corilen, une jeune fille, a été violée par Seretac, un jeune homme de son clan. Qui aura autorité pour faire justice ? La coutume traditionnelle ou la justice française ? La pièce en deux actes commence quelques jours après l’agression et s’achève des années plus tard.

Ce que j’en ai pensé.

Okorenetrit ? signifie Où est le droit ? en langue Nengone.

Voici une pièce de théâtre calédonienne qui m’a beaucoup étonnée.En lisant le dossier complémentaire, Corilen est assimilée à Antigone. Cette comparaison n’est pas anodine puisqu’elle s’élève contre son père, Cango le Grand Chef (Un petit air de Créon peut-être?). Celui-ci lui interdit de faire intervenir la Justice française après que le Conseil coutumier ait accepté le pardon oral de Seretac. Face à cette souffrance qu’on lui a infligée et pour défendre la coutume kanak qui est, selon elle et d’autres personnages, galvaudée, utilisée à tort et à travers, Corilen s’oppose violemment face à son père, et porte plainte auprès du tribunal de Nouméa.

Elle propose une réflexion très intéressante sur les rapports entre ces deux entités. Elle éveille les consciences en mettant face à face les représentations et implications de chacune ainsi qu’un aperçu des conséquences sur chacun des partis. La force de cette pièce est justement de ne donner aucune réponse à l’un ou à l’autre. Où est le droit ? constate une perte de repères, une perte de valeurs et ce, dès 1991 !

Il vous faut savoir que le sexe, entre autres, est tabou au sein des tribus mélanésiennes kanak. Cette pièce a d’ailleurs été un véritable coup-de-poing autant à sa sortie que lors de ses représentations notamment parce que les scènes de viol sont abordées très franchement. Par ailleurs, une autre problématique est mise sur le tapis à savoir le refus d’endosser sa propre responsabilité avec une accusation fréquente des substances telles que l’Alcool et le Cannabis… Au niveau de la forme, certains dialogues manquent clairement de naturel, et se révèlent donc assez lourds à suivre. Seul mon intérêt pour le propos m’a aidé à achever ma lecture. Qu’importe le lieu ou l’époque, les échanges se doivent d’être révélateurs d’un contexte que ce soit dans les paroles, les silences ou les tournures, etc… Ce que je n’ai pas trouvé dans ce cas présent. A l’inverse, les didascalies, d’ordinaire si descriptives, s’avèrent être poétiques. Jugez plutôt : « Elle se libère de ses tentacules, et s’enfuit dans la nuit noire du désespoir« , ou encore « Corilen et Sérétac n’échangent aucun regard. Leurs regards se meurent en dedans d’eux-mêmes. » Et contrairement aux dialogues, ces quelques phrases sont finalement assez proches du réel en reflétant l’ambiance de certains discours coutumiers entendus… Finalement, c’est un beau mélange que j’ai apprécié de découvrir, qui sert une réflexion pertinente sur les conséquences que possèdent notre système lorsqu’il s’installe dans certaines communautés.

Où est le droit ? Okorenetrit ? – Pierre GOPE