La logique de l'amanite

Par Denis Arnoud @denisarnoud

La logique de l'amanite de Catherine Dousteyssier-Khoze aux édtions Grasset (Rentrée littéraire 2015)



   Nikonor Pierre de la Charlanne est centenaire, il vit seul dans son château. Ce vieux nobliau corrézien pour meubler ses longues soirées de solitude entreprend de rédiger ses mémoires. Il veut poser ses souvenirs sur le papier avant qu'il ne soit trop tard.
   "Pour des raisons qui deviendront claires beaucoup plus tard, j'entreprends de rédiger un volume de mémoires, comme disent les Anglais. Nous sommes le 1er février, j'ai probablement quelques semaines de répit devant moi avant d'être rattrapé par les événements."
  Nikonor est le fils d'un noble de Corrèze passionné de mycologie et d'une anglaise. Il hérite de son père son goût pour les champignons. Mais alors que la passion de son père était plus académique et plus globale, l'intérêt de Nikonor se porte exclusivement sur les cèpes et les amanites. Il est attiré par leur esthétique et leurs propriétés. 
   L'homme nous raconte sa vie, son enfance typique de la noblesse au début du XXème siècle. Il revient sur ses expériences avec ses différents précepteurs qui défilent, ne restant jamais bien longtemps et il nous décrit sa haine farouche et étrange pour sa soeur jumelle Anastasie. Au fur et à mesure que l'on avance dans le livre, le personnage devient de plus en plus inquiétant et de plus en plus attachant.
    Passionné comme on l'a vu de mycologie, mais aussi de littérature, car quand il ne part pas à la recherche de ses précieux champignons, notre héros passe son temps à lire, Nikonor émaille son récit de références mycologiques et littéraires érudites. Son récit est également saupoudré d'expressions anglaises (héritage de sa mère) et le moins qu'on puisse dire est qu'il maîtrise à la perfection l'art de l'understatement britannique.
    Avec La logique de l'amanite, Catherine Dousteyssier-Khoze nous offre un roman jubilatoire. Un récit à la langue riche, relevé d'une bonne dose d'humour noir à l'anglaise. On sent le plaisir que l'auteur a pris à écrire ce roman et on se délecte à sa lecture. Un bon plat de champignons, savoureux mais vénéneux à souhait. Le seul reproche que je puisse faire à ce roman tient à son début, les références scientifiques à la mycologie y sont un peu trop nombreuses, mais une fois ce cap passé, quel régal !
  "Baudelaire s'est lourdement trompé en ratifiant le mythe de l'île tropicale. Tout un pan de l'histoire littéraire est à récrire. Il eût tellement mieux fait d'aller cuver ses excès de jeunesse dans quelque forêt continentale moussue. Ne serait-ce qu'à Fontainebleau ou Tronçais. Ce ne sont pas des forêts exceptionnelles, j'en conviens, on est loin de la qualité végétale des forêts corréziennes ou russes mais, malgré tout, elles valent bien les forêts tropicales primaires de l'île de la Réunion."