L'album ne sort que dans quelques jours, mais je n'ai pas su résister, et voici donc déjà une petite critique du premier volume de la nouvelle Batgirl. Pourquoi cette hâte? Parce que j'ai tellement le sentiment qu'on se paye ma poire que je voulais faire vite, et bien. Tout d'abord, dites au revoir (jamais adieu, avec les comics) à la Barbara Gordon que vous aimiez. Celle d'avant les New 52 (en chaise roulante, avec le pseudo d'Oracle) et celle d'après (rétablie et virevoltante dans Gotham, face aux menaces dramatiques qui hantent la ville). La nouvelle Barbara n'a pas trop le temps pour ces acrobaties car entre consulter son smartphone, surfer sur Internet et même s'inscrire sur un site de rencontres, vous comprendrez que son agenda est bien remplie. La série Batgirl change de cap et prend un virage en épingles qui l'envoie directement dans le décor : place à un truc ultra jeuniste, qui récupère tous les codes et les stéréotypes de la génération moderne des moins de seize ans, et plante les habitués qui vont se sentir floués. Ici notre héroïne a une nouvelle colocataire, et un gros problème : retrouver un cambrioleur qui a "emprunté" des effets personnels compromettants chez elle (durant une fête arrosée. Batgirl se murge donc avec ses amies!) et combattre la menace d'un site internet, le "Black Book", en fait une application perverse qui se propose de dévoiler les horribles petits secrets de chacun, à coups de photos ou vidéos volées, au risque de violer l'intimité des victimes. Bref, de la cyber délinquance dans un monde ultra connecté. Ce n'est pas nouveau car en tant qu'Oracle, Barbara avait déjà un rôle plus ou moins semblable, et sa mémoire photographique qui lui permet de stocker instantanément tous ses souvenirs contribue au propos de l'histoire. C'est le ton qui me dérange, la narration (et les dessins qui vont avec). Black Canary aussi fait son apparition chez la fille du commissaire Gordon. Son appart et ses effets personnels ont été détruits dans un incendie, et elle va emprunter quelques jours le canapé de son amie (amie... façon de parler car en ce moments les deux demoiselles sont à couteaux tirés) pour se refaire une santé. C'est bizarre mais Dinah est normalement une femme plus mûre et dure, capable de gérer ce choc sans aller pleurnicher chez une gamine à peine majeure. Mais les New 52, parfois, je vous jure, c'est dur à avaler...
The killing Joke : Tragédie pour Barbara Gordon
Et puis il y a ce texto que reçoit Barbara... quelqu'un sait pour Batgirl, et un contrat semble avoir été placé sur sa tête. Là voici alors aux prises avec deux demoiselles à bord de motos surgonflées, et inspirées par un animé japonais confidentiel. Heureusement que Barbara fait la rencontre providentielle d'une amie de fac, dont le frère gère un laboratoire pouvant lui permettre de mettre la main sur du matériel fort utile... C'est ensuite une exposition photographique, et une fausse Batgirl, version Dazzler/transgenre, qui vient occuper la scène, et jouer au vilain de service lors d'une scène qui emprunte autant à l'absurde qu'à la folie de masse.
Bon, je ne suis que rarement aussi péremptoire et radical, mais là je dis stop. C'est mauvais, très mauvais. Tout d'abord car nous sommes bien au delà de la frontière du "out of character". Cette nouvelle version de Batgirl est simplement une tentative racoleuse et mal ficelée de draguer le public le plus jeune, avec l'apparition irritante et surfaite de captures d'écran de portables, pour faire avancer un récit finalement plat et aux enjeux fort modestes. Les événements s'enchaînent sans grande crédibilité et la vie personnelle de Barbara est une débâcle : elle est abordée sous l'angle le plus caricatural et débile possible, comme une teenager écervelée dont les agissements super-héroïques masquent des aspirations à l'eau de rose. Barbara utilise les équivalents Dc d'Instagram, Twitter, Tinder... et alors, en quoi cela peut-il suffire pour produire une série de qualité et audacieuse, autre chose qu'un fourre-tout générationnel sans inspiration? Cameron Stewart et Brenden Fletcher ne nous donnent pas les bonnes réponses. Babs Tarr illustre le tout en se conformant parfaitement au ton de la série, ce qui est à la fois une qualité et un défaut. Qualité car avoir une partie graphique aussi raccord avec le scénario, c'est louable. Défaut car je me contrefiche royalement de ce scénario, et de ce qu'est devenu le titre Batgirl. Un nouveau Tome 1 qui ne fera que vous faire regretter les précédents (Gail Simone tu es bien loin désormais...) et qui est à l'image de la couverture : le regard droit pointé sur son nombril, le selfie impitoyable d'une époque où la superficialité se voudrait être un art, et non l'antichambre du néant. A lire aussi :The killing Joke : Tragédie pour Barbara Gordon