Sexe, nations et pourvoyeurs d’asphalte…, par Jean-Pierre Vidal…

Par Chatquilouche @chatquilouche

Daumier

— Le sexe est une scène sur laquelle chacun essaie désespérément de jouer le rôle de l’autre. Mais comme ils ne s’entendent pas sur le choix du metteur en scène, leurs personnages se superposent plus qu’ils ne se coordonnent ou ne se complètent.  C’est ce qu’on appelle une bête à deux dos :  chacun ne s’y montre jamais que de face.  Comme un affront.

— Là où autrefois se fondaient des nations ou des classes, il n’y a plus désormais qu’insignifiants espaces privés, mais ouverts à tous les vents médiatiques et sommés d’être conformes.

— Un petit esprit est quelqu’un qui se satisfait de ce qu’il est, de ce qu’il sait. Sur le plan intellectuel, la satiété et le contentement sont les péchés suprêmes.

— La prière de l’employé moderne : notre paie qui êtes aux cieux, que votre chèque soit certifié, que votre échéance vienne, que votre encaissement se fasse sur la terre comme aux cieux.

— L’Amérique n’est pas un pays, c’est un cancer de l’esprit. Et qui fait des métastases dans le monde entier.

— La nudité au théâtre est toujours un peu superfétatoire. Car la scène dénude plus sûrement que tous les déshabillages.

— La simplicité, de nos jours, n’est ni une conquête sur le multiple enfin maîtrisé, ni une ascèse :  c’est un laisser-aller dans lequel on se vautre comme en une soue.

— Dès que le souci de plaire s’immisce dans le processus de sa création, l’artiste devient un amuseur et fait du même coup du récepteur de ses œuvres un badaud sans conscience. Notre siècle obsédé de succès immédiats et faciles appelle ainsi « artistes » les histrions, les pitres et les brutes qu’il mérite et qui sont aux véritables artistes ce que le prurit ou la démangeaison sont à la passion.

— De nos hommes politiques, nous attendons au fond deux choses contradictoires :  qu’ils soient les petits magouilleurs de comtés et les pourvoyeurs d’asphalte que nous adorons mépriser plus ou moins secrètement ou ces fantasmes ambulants où nous aimons nous voir grandis lors de funérailles applaudies.

— Le métissage, quand il est, comme aujourd’hui, obligatoire, devient semblable au bariolage rayé des uniformes des forçats.

Notice biographique

Écrivain, sémioticien et chercheur, Jean-Pierre Vidal est professeur émérite de l’Université du Québec à Chicoutimi où il a enseigné depuis sa fondation en 1969.  Outre des centaines d’articles dans des revues universitairesquébécoises et françaises, il a publié deux livres sur Alain Robbe-Grillet, trois recueils de nouvelles (Histoires cruelles et lamentables – 1991, Petites morts et autres contrariétés – 2011, et Le chat qui avait mordu Sigmund Freud – 2013), un essai en 2004 : Le labyrinthe aboli – de quelques Minotaures contemporains ainsi qu’un recueil d’aphorismes,Apophtegmes et rancœurs, aux Éditions numériques du Chat qui louche en 2012.  Jean-Pierre Vidal collabore à diverses revues culturelles et artistiques (SpiraleTangenceXYZEsseEtcCiel VariableZone occupée).  En plus de cette Chronique d’humeur bimensuelle, il participe occasionnellement, sous le pseudonyme de Diogène l’ancien, au blogue de Mauvaise herbe.  Depuis 2005, il est conseiller scientifique au Fonds de Recherche du Québec–Société et Culture (F.R.Q.S.C.).

(Une invitation à visiter le jumeau du Chat Qui Louche :https://maykan2.wordpress.com/)