Miroitements – Erwin Mortier

Le monde a tellement changé… Derrière des lendemains de rêves se cachent d’effroyables détresses. Face à ces bouleversements futurs, Edgard se sent démuni. Alors il cherche le réconfort dans la compagnie de ses cinq amants. Grâce à eux, il panse quelque peu ses blessures les plus profondes et les stigmates que porte sa chair. Edgard, rescapé de l’enfer de 14-18 ne s’en est jamais tout à fait délivré, jamais tout à fait absous…

Le passé resurgit dans la mémoire d’Edgard… Il se souvient de ce bord de l’eau où adolescent, il se promenait nu avec ses amis, eux aussi déshabillés, que de plus il s’était ému du corps de Jean dans un hôtel à Marseille, de Pierre, son plus fidèle amant ou encore des mains caressantes de Noburu à Osaka. Mais il se remémore surtout Matthew, son grand amour, mari de sa sœur… Et dans cette valse charnelle, le narrateur s’épanche, relate sans gêne ni honte, le souvenir sulfureux de ces amants, de ces peaux jadis caressées, à une époque où l’homosexualité était bannie, condamnée.miroitements Ainsi Edgard fait fi de ce que les bien pensants considèrent délit et se laisse porter par ses pulsions, aimera en secret, vivra de fougues et de passion, sous le joug de la bourgeoisie catholique flamande, prête à lancer le couperet fatal.

L’auteur nous dessine un portrait d’homme qui, pour oublier l’Histoire et ses meurtrissures, trouve asile dans l’amour et le désir. L’écriture est étincelante et voluptueuse. Le récit coule langoureusement comme une rivière dans les prés et les lieux croisés sont magnifiquement décrits, la poésie s’immisce entre les lignes, où séjournent mélancolie et désarroi.

Une promenade douce et sensuelle dans l’intime d’un personnage meurtri par les blessures de la guerre, qui trouve le nirvana auprès d’amants effrénés et interdits…

« Nos corps sont collants de sueur, de vapeurs de notre haleine, de nos pores, de nos sécrétions. »

Miroitements d’Erwin Mortier, éd. Fayard

Date de parution : 26/08/2015