En acquérant une liseuse, le monde merveilleux des classiques tombés dans le domaine public s'est ouvert à moi ; j'ai donc commencé par combler une de mes plus grosses lacunes puisque j'ai enfin lu Le Cid !
Tout le monde connait Le Cid, que ce soit seulement le nom de la pièce de théâtre, de son auteur, de ses personnages, quelques répliques archi-connues ou ou par cœur. Beaucoup de gens l'ont étudié à l'école, sont tombés dessus au bac et l'ont associé à une lecture scolaire imposée et barbante. Moi, je suis miraculeusement passée à côté pendant plus de vingt-deux ans. Malgré sa brièveté, je n'ai jamais pris le temps de le lire et ai jugé bon de faire deux ans de prépa sans jamais avoir ouvert Le Cid. Bref.
Chimène et Rodrigue s'aiment et, alors que tous les astres semblent enfin alignés et que leur union peut enfin se concrétiser, une querelle éclate entre leurs deux pères. Déshonoré par le père de Chimène qui a fait tomber son épée, le père de Rodrigue demande à son fils de le venger en tuant le Comte -le père de Chimène. Rodrigue vengera-t-il son père en tuant le père de Chimène ? Choisira-t-il le devoir qu'il doit à son père ou l'amour qu'il porte à Chimène ?
Le Cid, c'est tout d'abord pour moi une maîtrise parfaite de la langue française. La langue de Corneille est absolument magnifique, délicieuse à suivre et impressionnante de perfection. Grâce à un sens de la concision impressionnant et en utilisant les justes mots, Corneille parvient à exprimer une multitude d'idées et d'émotions. Comme beaucoup d'entre vous j'imagine, j'ai retrouvé dans les lignes de Corneille tous les exemples que j'associais à des figures de style lorsque je devais les apprendre : « va, cours, vole et nous venge » pour la gradation (Don Diègue, Acte 1, scène 5), « va, je ne te hais point » pour l'antithèse (Chimène, Acte 3, scène 4), etc. Si ça m'a fait sourire de relire toutes ces répliques que je connaissais déjà par cœur, j'ai surtout beaucoup apprécié de les redécouvrir réintégrées dans le contexte de l'intrigue et dans le texte complet. Ces répliques ont alors dépassé le cadre scolaire auquel je les associais et on cessé d'être juste des exemples des figures de style pour devenir réellement porteuses de sens. Redécouvertes ainsi, ces citations ont d'autant plus d'impact sur le lecteur.
Mais Le Cid, ça a surtout été pour moi la découverte d'un texte littéraire très fort et très complet, riche de nombreux thèmes et de nombreuses réflexions. La vieillesse, pour commencer. Si la douleur de Rodrigue est assez difficile lorsqu'il doit choisir entre l'honneur et l'amour, j'ai trouvé celle de Don Diègue (son père) lorsqu'il est déshonoré par Le Comte insoutenable. La première réplique de l'extrait qui suit donne selon moi tout le ton à la souffrance de Don Diège. Plus qu'une question d'orgueil, j'ai vraiment senti sa souffrance réelle et particulièrement triste.
« Ô rage ! ô désespoir ! ô vieillesse ennemie !N'ai-je donc tant vécu que pour cette infamie,Et ne suis-je blanchi dans les travaux guerriersQue pour voir en un jour flétrir tant de lauriers ? »Acte 1 scène 4, Don Diègue
Enfin, il y a la question du temps. Peut-il tout guérir ? C'est ce que semble suggérer Don Fernand dans la dernière scène du dernier acte : « Laisse faire le temps, ta vaillance et ton Roi », « le temps assez souvent a rendu légitime / ce qui semblait d'abord ne se pouvoir sans crime ».
Evidemment, j'ai adoré le fait que ce soit une tragédie. Peut-être que vous le savez déjà, peut-être pas, mais j'adore les tragédies : être toujours dans l'attente de l'événement tragique, voir les personnages tiraillés, les voir faire des choix, hésiter entre l'honneur et l'amour... « A vaincre sans péril on triomphe sans gloire » (Le Comte, Acte 2, scène 2). J'aime beaucoup également la force et la noblesse des sentiments qui les anime, leur intelligence, leur intégrité, bref, leur humanité.
« Il semble toutefois que mon âme troubléeRefuse cette joie et s'en trouve accablée.Un moment donne au sort des visages divers,Et dans ce grand bonheur je crains un grand revers. »Chimène, Acte 1 scène 1
Le Cid a donc été une très belle (re)découverte pour moi. Je suis ravie d'avoir comblé cette lacune et de connaître enfin la pièce la plus connue de Corneille ! Sans avoir été un coup de cœur -je sais que Le Cid ne va pas changer ma vie, j'ai adoré cette pièce et lui ai donné un 5/5. C'est sans aucun doute un des livres qu'il faut avoir lu dans sa vie, que ce soit pour la qualité de la langue, la portée de l'histoire ou sa culture générale. D'une fluidité incroyable, il se lit très, très vite : vous n'avez aucune excuse ;-)