Ce qui ne nous tue pas... de Carole Declercq aux éditions Terra Nova (Rentrée littéraire 2015)
Le 12 mai 2012, Sebastian Von Wreden se fait agresser par des hooligans à la fin d'un match de foot. Bilan : des côtes cassées et le visage salement amoché. Sa mère, haute fonctionnaire au gouvernement fédéral allemand n'ayant pas le temps de s'occuper de lui, décide de le conduire à la demeure familiale. Sebastian, connaît très mal sa famille, les relations entre sa mère et sa grand-mère étant très tendues.
Constatant le désir de Sebastian de mieux connaître sa famille, sa grand-mère, Marianne, lui raconte son histoire. Une histoire qui nous transporte à Paris pendant la deuxième guerre mondiale.
Janvier 44 à Paris. Les Parisiens attendent avec impatience un débarquement des troupes alliées qui les libèrera de l'occupation allemande qu'ils subissent depuis quatre ans. Les réseaux de la résistance s'organisent pour préparer le terrain à ce débarquement tant attendu. Le réseau Poitiers, en charge du renseignement, surveille le capitaine Von Wreden, officier à l'Abwehr, le service du contre-espionnage allemand. Cet homme a un péché mignon : les femmes, brunes à la peau laiteuse de préférence. Quand Marianne, membre d'un réseau étudiant, entre dans la pièce dans laquelle son frère a été convoqué par le réseau, les dirigeants n'ont plus aucun doute, c'est elle qu'il leur faut. Elle correspond parfaitement aux goûts du capitaine.
"Voyons, comment présenter en restant polis ? "Bonjour, mademoiselle, nous allons vous fourrer dans le lit d'un officier allemand au beau milieu d'un service de contre-espionnage. Autant vous dire : un panier de crabes. Votre mission sera de tenir le plus longtemps possible, bien qu'il n'aime pas prendre ses aises avec une fille en particulier. Vous devrez photographier les rapports qui vous seront indiqués, contourner la sécurité, nous les faire parvenir sans vous faire prendre, éventuellement lui trouver la peau avec un engin fourni par la maison s'il vous surprend - on vous montrera comment faire le plus de dégâts - et vite vous carapater sans que nous ayons les moyens de vous faire de la souricière." Présenté comme ça elle ne pouvait pas dire non. On pouvait même se laisser aller à lui demander, puisqu'elle parlait allemand, de leur communiquer les petits extras qu'elle entendrait."
Marianne, jeune "oie blanche" qui n'a "vu le loup" qu'une fois, accepte la mission. Nini, habituée de ce genre d'exercice est chargée de la former. Très vite, le jeune capitaine est attiré par la belle brune. Marianne aurait pu tomber plus mal, le capitaine est charmant et bien fait de sa personne mais c'est un ennemi et la jeune femme ne perd pas de vue sa mission. Elle va se retrouver face à un choix cornélien entre son attirance, son amour pour Maximilian et son devoir
Ce qui nous tue pas... c'est le roman de l'engagement, celui de ces femmes qui pour défendre leur patrie n'ont pas hésité à faire don de leur corps. Ces femmes qui comme Nini à la libération ont été insultées, traitées de femmes à boches, violées tondues, souvent par des résistants de la dernière heure trop heureux de masquer leur passé trouble par ce déchaînement de violence. C'est un roman d'apprentissage : Marianne, jeune femme de l'aristocratie délaissée par ses parents trop occupés par leurs mondanités, va devoir apprendre à survivre, à résister, à se battre en ses temps de guerre où toutes les passions humaines sont exacerbées. C'est un roman d'amour, celui d'une rencontre entre deux être que tout aurait dû opposer. Ce roman contient tous les ingrédients du roman populaire dans ce qu'il a de plus noble, il est porté par style vif , brillant plein de verve et d'humour qui donne encore plus de force au récit. Vous l'aurez compris ce premier roman a été pour moi un coup de coeur, je vous le recommande vivement.
"Nini n'eut pas le droit à une tonte en public avec un écriteau et un bain salvateur dans une fontaine parisienne. Elle fut enfermée dans une cave avec deux femmes à Boches authentiques, dont une qui avait déjà eu deux enfants de son soldat de deuxième classe. Toutes les fois où elle voulut ouvrir la bouche pour parler, on la frappa à coups de poings. Une prémolaire se déchaussa. L'ossature de son visage se morcela. Ses lèvres éclatèrent à plusieurs reprises et ses yeux passèrent par toutes les couleurs de l'arc-en-ciel. Elle fut violée jusqu'à trois fois par jour pendant une semaine. Et quand tous ces héros glorieux de la Libération eurent fini d'exercer leur traitement purificateur sur ces Françaises infestées par la vermine boche et estimèrent qu'elles pouvaient repasser sans danger de contamination, dans le patrimoine national, on la relâcha complètement folle de douleur sur le pavé parisien.