Le parcours semé d'embûches de Batwoman

Par Noisybear @TheMightyBlogFR

Batwoman est la première super-héroïne lesbienne à avoir eu sa série régulière dans les comics mainstream. Elle est ainsi devenue le symbole des gays et lesbiennes fan de comics. Pourtant avant d'arriver là, le chemin ne fut pas évident. Voici l'histoire d'amour et de désamour entre l'héroïne et son éditeur, DC Comics.

Il est important de ne pas confondre les deux Batwomen, Kathy Kane et Kate Kane. La première, Kathy, a été créée en 1956 par Edmond Hamilton et Sheldon Moldoff. L'éditeur Jack Schiff avait en effet demandé aux auteurs de créé une héroïne succestible de plaire à Batman en réponse aux allégations d'une relation homosexualité entre le chevalier noir et le premier Robin, Dick Grayson. Ces suppositions infondées et considérées comme néfastes avaient été lancées par Fredric Wertham dans son livre Seduction of the Innocent (dont je vous en parlais plus en détails ici). La seconde, celle qui nous intéresse aujourd'hui, est apparue pour la première fois en 2006 dans la série hebdomadaire, 52, écrite par Grant Morrison, Mark Waid, Greg Rucka et Geoff Johns. Mais le premier rapport entre la nouvelle Batwoman et le public se fera via la presse. En effet, DC Comics réalise une campagne promotionnelle dans la presse généraliste annonçant les nouveaux personnages créés à la suite de Infinite Crisis, l'event écrit par Johns, qui amena la série hebdomadaire 52 et l'événement One Year Later dévoilant tous les deux un monde sans Superman, Batman ni Wonder Woman. Des nouveaux personnages, Batwoman sort du lot puisqu'elle est annoncée d'emblée de jeu comme lesbienne. C'est assez ironique de la part de DC de faire de la nouvelle Batwoman un symbole de la représentation LGBT alors que la première avait été créée pour des raisons presque homophobes.

Il faut attendre quelques mois après l'annonce, dans 52 #7, afin de découvrir Katherine 'Kate' Kane en civil sous les crayons de Ken Lashley. Elle est présentée comme une riche héritière et l'ex-compagne de Renee Motoya, ancienne inspectrice de Gotham Central qui avait sombré dans l'alcoolisme et qui fait sa rédemption grâce à Vic Sage alias The Question. Pour le moment, le personnage n'est pas très intéressant et sa double identité n'a pas été dévoilée. Il faut attendre deux semaines plus tard, dans le numéro 9, afin de découvrir Kate dans son costume et en action.

La série hebdomadaire était composée de plusieurs intrigues en parallèle, celle qui fait se rencontrer Batwoman et Renee Motoya aura une grande place et s'avérera être l'une des plus importantes. Ce coup de projecteur permettra à Greg Rucka, co-créateur du personnage, de pouvoir lui écrire une première aventure solo dans les pages de Detective Comics, l'un des mensuels habituellement consacré à Batman.

Publié en 2009 dans les épisode 854 à 857 du mensuel, Elegy est le premier "vrai" arc de Batwoman. Rucka est rejoint par le dessinateur J.H. Williams III remarqué sur ses collaborations avec Warren Ellis ( Desolation Jones), Grant Morrison ( Seven Soldiers, Detective Comics) et Alan Moore ( Promethea). Batwoman devient alors l'une des rares personnages à avoir son aventure solo dans Detective Comics. L'éditeur profite des conséquences de Final Crisis et de l'arc de la série Batman, Battle for the Cowl, dans lesquels Batman est passé pour mort afin de proposer une histoire consacrée à son homologue féminin. Le scénariste y travaille d'avantage le caractère de Kate pendant que Williams redéfinit presque sa gestuelle. Ainsi, nous nous éloignons quelque peu de la riche héritière un peu starlette vue dans 52 (et Countdown). Rucka s'intéresse au passé de l'héroïne et lui donne une raison d'endosser le costume et de combattre le crime à Gotham City. Ainsi, on apprend qu'elle est la cousine de Bette Kane, alias Flamebird des Teen Titans, et qu'elle est la fille d'un ex-colonel avec qui la relation est compliquée, notamment à cause de son homosexualité. Même constat avec sa sœur avec qui Kate ne partage pas grand chose finalement. Ce "conflit" avec sa famille fait partie intégrante de sa personnalité et de sa motivation à porter le costume. Rucka n'écrit pas seulement une femme à caractère voulant combattre le mal, il rend l'homosexualité du personnage centrale constituant pleinement la force et la détermination de Kate. Enfin, Batwoman va rencontrer l'inspectrice Maggie Sawyer avec qui elle va gentiment flirter. Grâce à un ton juste et mature, Elegy est récompensé l'année d'après par le GLAAD Awards récompensant chaque année les meilleures représentations des LGBT dans les médias (américains).

est le second arc consacré à Batwoman qui sera publié dans Detective Comics. Ces trois épisodes, les numéro 858 à 860, sont toujours écrits par Rucka et dessinés par Williams. En parallèle, Batwoman intègre la Justice League le temps de la maxi-série Justice League: Cry For Justice de James Robison et Mauro Cascioli. À vrai dire, il s'agit plus d'ensemble de cameos sur quelques épisodes sur les sept qui composent l'ensemble.

Depuis février 2010, aucune nouvelle à propos d'une nouvelle histoire complète sur Batwoman. Le personnage semble avoir disparu - mais pas oublié. Avec la bonne réception du public et la volonté de la part de DC Comics pour plus de diversité, l'éditeur promet une série régulière. Il faut attendre la fin d'année 2010 afin d'apprendre que J.H. Williams III prépare une série solo sur Kate Kane. Il en sera co-scénariste avec W. Haden Blackman. Rucka ne fait pas partie de l'aventure. Il faut attendre Batwoman #0 en janvier 2011 pour être rassuré sur la direction prise par le dessinateur et son compère. Mais, la série annoncée est repoussée alors que plusieurs détails sur le titre avaient été annoncés, notamment que le second arc aurait dû être dessiné par Amy Reeder ( Madame Xanadu...). Malgré l'apparition dans Batman, Inc de Grant Morrison et Chris Burham, DC reste très discret sur l'arrivée de la série solo.

Le public s'impatiente mais les plans de DC Comics ont changé entre l'annonce et la supposée publication du titre. En effet, il s'agit de l'année de Flashpoint qui met un terme à l'univers DC tel qu'on le connait jusque-là et, en septembre, débute New 52 présentant un nouvel univers. Batwoman fait partie des 52 séries qui composent cette nouvelle direction de l'éditeur.

Hydrology (Hydrologie en V.F.) est écrit par Blackman et Williams et (magnifiquement) illustré par ce dernier. En plus de nous proposer une aventure passionnante à lire, les auteurs s'intéressent aux relations amoureuses de l'héroïne qui fait le deuil de sa relation avec Renee Motoya tout en débutant une avec Maggie Sawyer.

L'épisode 17 de la série aura une saveur particulière, une forme de victoire de la part de la communauté LGBT qui venait de se fâcher avec DC Comics. En effet, l'éditeur avait embauché l'auteur réputé de science-fiction Orson Scott Card afin d'écrire une série numérique sur Superman. Sauf que le romancier est homophobe, il intervenait régulièrement sur les plateaux de télé afin de balancer des horreurs au sujet des homosexuels (enfants issus de viols ou du diable, etc.). Le fait est qu'en plus de cela, il reversait une partie des bénéfices de ses œuvres à des associations qui prétendaient vouloir, je cite, "guérir les homosexuels" et "les rendre normaux". Le scandale se répand sur la toile au mois de février 2013. Le dessinateur annoncé de la série numérique, Chris Sprouce, ignorant jusque-là cet aspect de l'auteur de La Stratégie Ender, a décidé de quitter l'aventure et DC essayait d'éteindre le feu en expliquant qu'il ne se permettrait pas de laisser passer les propos haineux de Card dans l'un de leur comicbook. Une partie de la communauté LGBT appelait même à boycotter DC Comics tant que l'éditeur ne virait pas Card. Une semaine après ce scandale, Batwoman #17 sort et le public découvre alors l'inattendu : Batwoman demande Maggie en mariage. Autant dire que DC fut quelque part excuser d'avoir fait appel à Card - qui au final n'écrira pas le dit-épisode.

Malheureusement, en septembre 2013, J.H. Williams III et W. Haden Blackman annoncent leur départ de la série. Ils décident de claquer la porte à DC Comics qui refuse que Batwoman et Maggie se marient. En effet, selon l'éditeur, un bon super-héros ne peut pas être un personnage heureux dans la vie. Les auteurs ont en effet du jeter une année complète de travail à cause des demandes de dernière minute de DC. Ils partent au numéro 26.

Cet autre scandale est vite amplifié. La décision de DC est considérée comme homophobe alors qu'en fait, le mariage à la manière de celui de Northstar ne colle pas à l'image grim'n gritty que veut entretenir l'éditeur de Batman. Mais, Dan Didio, l'éditeur en chef, promet que le personnage en sortira plus fort et que cette annulation de mariage sera prétexte à de bonnes histoires.

C'est un scénariste homosexuel, Marc Andreyko, qui s'est fait remarqué sur la série numérique Sensational Wonder Woman qui reprend la série. Mais la série prend une drôle de direction envoyant Batwoman combattre dans l'espace, gâchant la relation entre Kate et sa sœur. La série, faute de ventes qui ont largement baissées, est annulée. Elle se termine avec un arc dans lequel Batwoman est hypnotisée par une vampire qui la viole mentalement parlant - même si le scénariste tente de nous faire croire que ça en est pas un.

Avec DC You débutant en juin dernier, il aurait pu être judicieux de relancer la série avec de nouveaux auteurs mais il en est rien. De même, une nouvelle série hebdomadaire sur la Bat-Family est prévue à partir du mois d'octobre, mais aucune trace évidente de l'héroïne dans Batman & Robin Eternal. Ce n'est pas pour autant que l'éditeur oublie le personnage. En effet, nous retrouverons Kate Kane dans l'un des prochains animés de l'homme chauve-souris, Batman: Bad Blood. Batwoman sera doublée par Yvonne Strahovski, l'actrice qui interprétait notamment la petite-amie espionne de Chuck dans la série TV du même du nom.

Il est quasi certain que Batwoman reviendra en comics. Elle est devenue un symbole de la diversité dans les comics. Elle est en effet la super-héroïne dans laquelle de nombreuses lectrices ont su se reconnaître. En plus, elle est l'un des personnages LGBT les mieux travaillés dans les comics mainstream, si ce n'est pas celle qui est la plus représentative. Les auteurs ont toujours fait en sorte de ne pas rendre le personnage comme un objet d'excitation pour les hommes sans pour autant omettre sa sensualité (ni sa sexualité). Il est tout de même dommage de voir que les décisions éditoriales ont ralenti l'installation du personnage dans l'univers DC.

Comme n'importe quel nouveau personnage, Kate Kane avait besoin d'être imposée au public. Justement, DC avait travaillé en sens créant un véritable engouement autour d'elle. Mais en repoussant la série solo puis en changeant radicalement la direction prise par le titre, l'éditeur s'est tiré une balle dans le pied. Le pire c'est que cela n'a rien à voir avec la sexualité du personnage. D'ailleurs, la série solo Midnighter prouve que DC a la volonté d'écrire des personnages LGBT loin des clichés habituels et l'éditeur n'hésite pas à les mettre en avant. Peut-être que, pour Batwoman, les équipes de Dan Didio préfèrent prendre le temps nécessaire pour trouver une nouvelle direction pour le personnage afin de rattraper les erreurs passées. C'est tout du moins ce que j'espère parce que Kate Kane nous manque déjà.

Si vous souhaitez avoir d'autres informations sur le personnage, je vous invite à lire l'article très détaillé de la plus grande fan française de Batwoman, Katchoo.