Chronique « Mort au Tsar, tome 2 – Le Terroriste »
Scénario de Fabien Nury, dessin de Thierry Robin,
Public conseillé : Adultes, adolescents
Style : Drame historique
Paru chez Dargaud, le 11 septembre 2015, 56 pages, 13,99 euros
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L’histoire
5 décembre 1904, le Grand-duc Sergueï Alexandrovitch, gouverneur général de Moskou, échappe par miracle à un attentat à la bombe. Fiodor, le terroriste est pris en chasse. Il abat deux de ses poursuivants et meurt sous le roulant des miliaires, acculé dans une cour d’immeuble.
Le lendemain, Georgi, l’homme qui a organisé le coup, erre sur les lieux du drame. Il interroge les témoins, renifle l’ambiance.
14 décembre, Georgi a rendez-vous au Hammam. Il y retrouve Andreï, un vieux de la vielle du P.S.R (Parti Socialiste Révolutionnaire), qui finance la “cellule de combat”.
17 décembre, avec l’argent, Georgi va faire ses emplettes (nitroglycérine et détonateurs) chez son fournisseur habituel. Puis il fait le tour de son “armée de l’ombre”, en commençant par Erna.
La jeune femme, chimiste et actrice, est la fille d’un terroriste célèbre. Pour lui, elle fabrique les machines explosives, puis se donne à lui, en récitant son texte…
Ce que j’en pense
Fabien Nury et Thierry Robin reviennent avec le deuxième et dernier volet de leur diptyque “Mort au Tsar”. Le premier album, particulièrement dramatique, s’est concentré sur le Gouverneur, sa fin inéluctable et son caractère “complexe” (fragile et haïssable en même temps).
Ce second volet change totalement de personnages et même de ton. Cette fois-ci, c’est Georgi le “héros” de l’histoire. Organisateur des attentats de 1904 et 1905, nous suivons cet homme, pas à pas, dans son organisation méthodique.
Fabien Nury en brosse un portrait complexe. A la fois séducteur, sans scrupules, manipulateur, froid, calculateur, sans idéaux. C’est un être qui fascine et effraye à la fois.
Pour lui, tout se passe “tranquillement”, dans des lieux feutrés, loin du fanatisme et de la révolte. Ce qui n’est pas le cas de ses “petits soldats” : Erna, la jeune comédienne ; Heinrich, l’étudiant romantique et Vania, le cocher exalté.
Raconté de façon strictement chronologique, il pose son récit avec une mécanique de coucou suisse. Chaque plan, chaque scène est travaillé pour faire monter la dramaturgie. Et ça marche ! C’est presque un jeu de stratégie qui se déroule sous nos yeux effarés. La fin de la partie étant la mort du grand-duc, il reste à savoir qui et quand aura l’honneur de jeter la bombe ?
Mais l’histoire ne s’arrête pas à la mort de Sergueï Alexandrovitch. Ensuite vient l’enquête, les interrogatoires, la traque, la fuite et la mort…
En fin de compte, Fabien Nury revient au moteur du terrorisme : les hommes, leurs pulsions, leurs peurs... On est loin du “groupe d’hommes en marche vers un avenirs radieux”, comme l’a retenue l’iconographie communiste, mais de vrais personnes bourrées d’imperfections…
Coté dessin, Thierry Robin (le dessinateur des séries “Koblenz”, “Rouge de Chine” et “La mort de Staline”, avec Fabien au scénario) m’a régalé de son dessin pointu, tranchant, jusqu’au-boutiste ! Cela peut choquer, déranger. Je comprends, mais moi, j’aime passionnément !
Ses personnages épurés et dynamiques s’intègrent (étonnamment bien) dans des décors précis et détaillés. Maître de la composition et de la perspective, il travaille des planches dynamiques sans perdre en lisibilité. Décors d’une Russie en déliquescence, scènes de rue ou d’intérieurs bourgeois, Thierry Robin assume le tout avec respect et exigence.
Bravo au duo d’auteurs !
Cet article fait parti de « La BD de la semaine ». Cette semaine, Vous pouvez aussi retrouver les autres sélection chez Stephie.