Quatrième de couverture :
Quand le soleil levant devient un soleil noir. Quand le passé devient aussi tranchant qu'une lame nue. Quand le Japon n'est plus un souvenir mais un cauchemar, alors, l'heure du kaïken a sonné.
Mon avis :
Kaïken c'est typiquement le genre de thriller où on plonge dans l'indicible et le pire de la nature humaine. Entre folie et monstruosité, entre échec existentiel et passion obsessive, Grangé arrive encore une fois à chambouler les codes qu'on connaît. Il est vrai que Kaïkenest particulier de par son histoire et son écriture, et il est certain qu'il ne plaira pas à tout le monde. Personnellement, ça a été un vrai coup de cœur pour différentes raisons. Déjà les personnages : une psychologie finement travaillée qui donne une réelle crédibilité aux personnages, des rôles bien définis qui ne tombent jamais dans la caricature, un antihéros qu'on aime et déteste tout à la fois, des personnages secondaires essentiels à l'évolution de l'histoire et, surtout, le parallèle entre deux cultures diamétralement opposées qui donne un sens particulier aux caractères et interactions. La plume, elle, est définitivement celle du Grangé que j'aime depuis toujours : fluide, acérée, parfois brutale même mais empreinte d'une subtilité que je n'ai trouvé nulle part ailleurs. L'histoire ne plaira peut-être pas à tout le monde, certes, mais l'auteur est un maître dans son art, et son écriture me l'a prouvé une fois encore dans ce roman.Et l'histoire d'ailleurs est aussi originale que dérangeante. Plusieurs intrigues qui sont toutes reliées entre elles par un fil conducteur commun : l'Accoucheur. Vrai méchant de thriller, psychopathe bien senti et qui a la particularité d'être hermaphrodite. Oui, oui. Vous ne rêvez pas. Du coup, l'aspect psychologique n'en est que plus renforcé, on patauge dans la folie de ce criminel et on s'embourbe dans ses délires fantasmagoriques. En gros, l'Accoucheur c'est un peu la mise en bouche d'une histoire qui met en évidence les mensonges et les faux semblants, la solitude et la terreur...Bref, autant d'émotions négatives qu'on se prend en pleine figure avec plus ou moins de force. C'est ce que j'ai adoré dans Kaïken : on trébuche sans jamais vraiment parvenir à se relever et on tourne les pages en attendant le K.O. La vraie surprise de ce roman réside dans la mise en parallèle de la culture japonaise et française. On ne pouvait pas trouver plus différent et pourtant, Grangé lie ces deux cultures au travers de son personnages principal, Olivier Passan. Olivier qui idolâtre le Japon de façon presque effrayante parfois et qui, quoi qu'il fasse et qu'il pense, n'y comprend pas grand-chose. Olivier qui adore les principes du Japon ancestral, de ses samouraïs et leurs suicides pour l'honneur et qui n'accepte pas l'antagonisme de sa femme pour son pays d'origine. Là encore, j'ai adoré cette facette de l'histoire puisque on remarque assez rapidement que Passan n'a pas vraiment la tête sur les épaules. Il oubli qu'au Japon, la plupart des gens essayent de se défaire de cette culture qui les oppressent, que là-bas, la peur d'humilier sa famille pousse des enfants à se suicider et que les idéaux qui le font vibrer, ne sont plus tellement d'actualité. Passan est son obsession pour le Japon et sa loyauté envers la France. Un mélange qui aurait pu être détonnant s'il n'était pas aussi subtilement mené. Grangé fait vivre ces deux cultures côte à côte tout au long du livre et happe son lecteur dans un univers qui parait irréel tant les disparités sont nombreuses et puissantes. L'histoire de l'Accoucheurdevient donc vite un prétexte pour isoler les personnages dans leur propre petite bulle existentielle malsaine et les relations explosent, se ternissent, comme pour rappeler qu'aucun des personnages ne peut échapper à ses démons et à son égoïsme.
Encore une fois, Jean-Christophe Grangé parvient à dépeindre des personnages imparfaits, coincés dans une vision du monde altérée ou carrément limitée et dont les réactions nous dégoûtent autant qu'elles nous parlent. Kaïken n'échappe pas à la règle : l'auteur n'a pas besoin d'utiliser les monstres de nos pires cauchemars pour écrire un thriller magnifique, les humains sont les pires croque-mitaine qui soient.Ma note : 18/20