Incroyable tour de force d’un Yasmina Khadra mettant en scène à la première personne, sans caricature ni manichéisme, le crépuscule d’un dictateur au bord de la folie.Un homme rongé par les psychotropes, au phrasé aussi halluciné qu’incantatoire.Un homme condamné qui va tenter un dernier baroud d’honneur avant la curée, et dont la fin pitoyable restera à jamais dans les mémoires.
Les dernières pages sont d’une sublime intensité dramatique, traversées par un éclair de lucidité bien trop tardif : « L’orgueil est allergique à la raison. Quand on a dominé les peuples, on s’oublie sur son nuage. Mais qu’a-t-on dominé au juste ? Pour aboutir à quoi ? En fin de compte, le pouvoir est une méprise : on croit savoir et l’on s’aperçoit qu’on a tout faux. Au lieu de revoir sa copie, on s’entête à voir les choses telles qu’on voudrait qu’elles soient. » A travers la déchéance inéluctable d’un personnage digne de Shakespeare, cette dernière nuit du Raïs offre la vision apocalyptique d'un pays en plein chaos qui, en se libérant du dictateur honni, ne s'offrira pas pour autant un avenir tout tracé vers la démocratie, loin s'en faut.
La dernière nuit du Raïs de Yasmina Khadra. Julliard, 2015. 210 pages. 18,00 euros.