Seul le silence - R.J. Ellory

Par Alex Davies @Xenaddict

Quatrième de couverture :
Joseph a douze ans lorsqu'il découvre dans son village de Géorgie le corps d'une fillette assassinée. Une des premières victimes d'une longue série de crimes. Des années plus tard, alors que l'affaire semble enfin élucidée, Joseph s'installe à New York. Mais, de nouveau, les meurtres d'enfants se multiplient... Pour exorciser ses démons, Joseph part à la recherche de ce tueur qui le hante. Avec ce récit crépusculaire à la noirceur absolue, R. J. Ellory évoque autant William Styron que Truman Capote, par la puissance de son écriture et la complexité des émotions qu'il met en jeu.
Mon avis :
R.J. Ellory, si tu m'entends : je t'aime.
Thriller à l'esthétisme percutant. Symphonie de mots et de maux. Explosions de couleurs, de sons et d'images. Une histoire entre macabre et innocence, pureté et corruption, amour et haine, douleurs et joies.
Il y a peu de thrillers qui m'ont touché comme Seul le silence l'a fait. Il ne s'agit pas que d'une histoire glauque sur fond d'intrigue policière. Il s'agit avant tout d'un voyage au travers des mots, d'une immersion dans la beauté de l'enfance et des relations simples. Mais aussi et surtout, de l'espoir aussi naïf que magnifique d'un enfant qui affronte la souffrance de la Vie et qui lutte contre les actes d'un être abject.
Seul le silence est puissant. Douloureusement puissant. Chaque mot est pensé, pesé, réfléchi. R.J. Ellory parvient à poétiser le sinistre, à le rendre beau et violemment artistique. Chaque phrase est une claque dans la gueule, un coup de poing dans les tripes parce qu'il n'y a pas de plus belle écriture que celle qui induit des émotions. Et émotions il y a. Tout au long de la lecture. Le tueur prend diverses formes pour le lecteur, à mesure que Joseph grandit. Tantôt monstre aux allures de croque-mitaine, tantôt souvenir lointain et terrifiant, puis démon insaisissable et enfin simple humain. Un humain rongé par le Mal et la perversité. Joseph, lui, n'est pas qu'un simple héros ou protagoniste principal. Il est prisme. Il est miroir. Il porte l'histoire du début à la fin, tout en imprimant sa marque profondément dans le cœur et l'esprit du lecteur. On peut ne pas l'aimer mais sa présence est notre point d'ancrage tout au long de la lecture. Sans lui, le lecteur se casserait la gueule au bout de trois pages tant il y a de choses à assimiler. Joseph nous guide parce qu'on grandit avec lui, on découvre chaque nouveau détail au travers de ses yeux et on partage chacune des explosions émotionnelles qu'il subit.
Seul le silence est une ode à l'imperfection humaine. Chaque relation, chaque dialogue, chaque description est un reflet parfait de la médiocrité de notre espèce. Et pourtant, je n'ai jamais autant aimé l'humain qu'après cette lecture. Les erreurs commises par les personnages, leurs défauts, l'hypocrisie des adultes et la crédulité des enfants, en passant par l'obscénité de la barbarie du tueur ou la faiblesse pécheresse d'une mère...Tout, absolument tout, m'a rappelé à quel point l'être humain pouvait être beau quand il n'essayait pas de l'être. Justement.
R.J. Ellory est parvenu à écrire un thriller poignant sans en faire des caisses, avec un tueur qui n'est qu'une ombre, une idée abstraite, et qui pourtant semble plus terrifiant que dans la plupart des autres romans du genre. Il est parvenu à retranscrire parfaitement les douleurs et les peurs d'un petit garçon qui devient homme et que l'âge adulte n'a pas permis d'apaiser. Ce sentiment diffus mais violent qu'est la vraie terreur. Il a réussi à décrire l'amour qu'on éprouve pour la ville qui nous a vu grandir. L'attachement profond pour notre terre, notre territoire qui s'émousse lorsqu'on vieillit et qu'on part voir ailleurs mais qui revient d'autant plus puissamment quand on y retourne.
Bref. Seul le silence n'est pas juste un thriller. C'est un hommage aux amoureux des mots, de la vie et de l'Art. Un petit bijou littéraire qui, faute de vous convaincre au niveau de l'intrigue aura au moins le mérite de vous en mettre pleins les yeux et le cerveau. Parce que ce n'est pas le tout de savoir bien écrire. Il y a des tas de gens qui savent le faire. R.J. Ellory, lui, ne se contente pas de ça. Il donne vie à ses mots.
Au final, Seul le silence nous rappelle l'importance de parler.
<< Écrire peut servir à exorciser la peur et la haine ; ça peut être un moyen de surmonter les préjugés et la douleur. Au moins, si tu sais écrire, tu as une chance de t'exprimer, tu peux offrir tes pensées au monde, et même si personne ne les lit ou ne les comprend, elles ne sont plus piégées au fond de toi. >>


Ma note :
20/20