Lorsqu'il a été annoncé il y a maintenant trois ans que Josh Trank, qui venait tout juste de sortir Chronicle, allait réaliser le reboot des Fantastiques, j'étais aux anges. Mon enthousiasme n'a fait qu'augmenter lorsque Matthew Vaughn a été annoncé comme producteur et lorsque Simon Kinberg a été nommé co-scénariste et co-producteur. L'équipe derrière les nouveaux X-Men pour aider un jeune réalisateur à qui l'on devait l'un des meilleurs films de ses dernières années traitant du thème super-héroïque, comment un tel cocktail ne pouvait pas faire de ce film autre chose qu'une réussite ? Malheureusement, ce n'est pas ce qu'il s'est produit lorsque le film est sorti en salle en août. Si le projet avait déjà une mauvaise réputation dû à son casting, les critiques professionnelles et des spectateurs ont eu raison de ces Quatre Fantastiques qui sont désormais un échec au box-office. Le film est sorti il y a un mois mais je voulais cependant donner mon avis. Je précise que cette critique continent des spoilers.
Reprenant la trame des aventures des Quatre Fantastiques version Ultimate, ce film suit le parcours de Reed Richards (Miles Teller) à partir du moment où celui-ci met au point un téléporteur grâce à l'aide de son camarade Ben Grimm (Jamie Bell). Croyant au départ téléporter des jouets d'un endroit à un autre sur Terre, les deux jeunes gens vont apprendre qu'ils ont découvert une autre dimension. Repéré par le professeur Franklin Storm (Reg E. Cathey), Reed va être pousser par celui-ci à rejoindre la Fondation Baxter où il pourra développer son téléporteur à une échelle bien plus importante. Le jeune homme rencontre ainsi les enfants du professeur Storm : Sue (Kate Mara) et Johnny (Michael B. Jordan) et Victor Von Doom (Toby Kebbell) avec qui il commence à travailler dans l'espoir de pouvoir un jour voyager vers cette autre dimension. Mais lorsque le gouvernement souhaite récupérer le projet sans que Reed & Co ne soient impliqués, ces derniers décident de partir par eux-même vers ce nouveau monde.
Choisissant de s'éloigner au maximum des comics d'origine dans le but d'offrir au spectateur quelque chose de sensiblement différent, Josh Trank choisie de faire des Fantastiques une famille recomposée bien plus qu'elle ne l'était jusqu'alors dans les comics. C'est ainsi que Reed est un jeune homme vivant chez sa mère et son beau-père qui ne comprennent rien à son génie, Ben est quelqu'un constamment battu par son grand-frère, Sue est elle-même adoptée tandis que Johnny se rebelle lui contre l'autorité parentale. Ensemble, tous vont finir par se compléter et chacun offrira à l'autre ce qu'il lui manque dans leur famille d'origine. Malheureusement cette direction est abandonnée au bout de cinquante minutes de film lorsque nous faisons un bond d'un an dans le temps. Une ellipse très mal venue qui nous donne à ce moment l'impression de se retrouver dans un autre film dû à la différence de ton et des thèmes abordés. Car tout le problème est là : les cinquante premières minutes sont une réussite tandis que les cinquante autres sont ratés. La première partie pose des bases intéressantes en prenant son temps de développer des thèmes comme l'amitié ou la reconnaissance du créateur d'un travail ou de présenter les protagonistes au compte goutte. La scène où nos héros acquiert leurs pouvoirs est extrêmement bien maîtrisée et est une réussite. Cependant, le rythme commence à s'accélérer durant la deuxième partie où, à part la relation entre Reed et Ben, le développement des personnages est mis de côté. Si cela n'aurait pas posé de problème si le film durait au minimum deux heures ce qui aurait permis de continuer ce développement plus tard, le film dure moins d'une heure quarante-cinq et ces thèmes ne sont jamais remis en avant. La deuxième partie préfère donc mettre en avant l'action sans jamais aller jusqu'au bout de cette idée puisque si quelques séquences sont dynamiques, elles ne sont jamais très longues tandis que la bataille finale tombe comme un cheveu dans la soupe et est bien trop courte compte tenu des enjeux qu'elle implique. Quelques nouvelles idées sont abordées comme le fait d'utiliser les Fantastiques comme des armes mais cette piste, qui aurait pu être très intéressante, est abandonnée à la fin du film sans même être résolue. Des changements de direction qui ne sont pas étranger aux conflits qui ont lieu durant la production du film. Au final, cette deuxième partie n'offre rien d'original et se contente de nous présenter quelque chose de déjà-vu avec une utilisation basique des pouvoirs des héros tandis que la première pose des fondations solides en s'intéressant aux personnages.
Mais parce qu'un film ne repose pas seulement sur son intrigue, ce long-métrage a des qualités malgré un scénario inégal tirant le tout vers le bas. Le traitement des personnages et leur interprétation sont globalement réussis : Miles Teller est un Reed Richards intéressant, extrêmement proche de la version Ultimate du personnage. Toute la partie où le personnage découvre ses capacités est particulièrement réussie et le jeu de l'acteur sonne parfaitement juste à ce moment. On regrette cependant que l'acteur se soit moins donné durant la seconde partie, surtout lors de la bataille finale où il n'est guère aidé par des répliques assez ridicules dans un tel contexte. Michael B. Jordan en Johnny Storm est sans aucun doute l'une des plus grandes réussites de ce casting : l'acteur ayant parfaitement compris la psychologie du personnage et cela se voit à l'écran. Sa relation avec son père est plutôt recherchée et cela permet de le différencier de la version des précédents films en creusant davantage sa psychologie. En revanche, Sue Storm n'est pas aussi bien développée. Si Kate Mara est le meilleur choix possible, elle est handicapée par un développement quasi-nul du personnage qu'elle interprète. Mise au second plan et remise en avant quand le scénario le demande, Sue Storm est à des années lumières de la femme forte qui nous est présentée dans les comics. A noter qu'à part les champs de force, Sue n'utilise pratiquement pas ses pouvoirs et devient très peu de fois invisible. Malgré tout, on ressent une certaine alchimie avec Jordan : le peu de scènes qu'ils ont en commun montrent qu'il y a une véritable relation entre les deux. Jamie Bell est bon en Ben Grimm, son background est intéressant et le design de la Chose est une réussite (l'une des meilleure chose du film). Malheureusement son personnage est mal utilisé et n'a aucun lien avec les autres personnages, à part Reed avec qui il partage une relation fraternelle touchante mais qui aurait pu être perfectionnée. C'est ainsi qu'il ne croise jamais la route de Sue Storm avant la bataille finale sans qu'aucun des deux n'échange un regard avec l'autre. Mais là où le film se plante totalement au niveau de la caractérisation d'un personnage, c'est bien pour celui de Victor Von Doom alias Docteur Doom. Toby Kebbell est un bon acteur et un excellent choix pour interpréter Doom, malheureusement le personnage est globalement raté. Si son rôle dans la première partie est plutôt bien et son introduction dans le film est réussi, son retour est une catastrophe : sans aucune raison derrière la tête, le monsieur se met à vouloir détruire la planète Terre pour la remplacer par Planet Zero (la planète où nos héros acquiert leurs pouvoirs) où il sera seul. Ce n'est pas le fait que cette version soit à des années lumières des comics qui me dérange (je considère que lorsqu'un comics est adapté au cinéma ça ne sert à rien de faire une adaptation extrêmement fidèle et qu'il est davantage intéressant de voir la vision de l'équipe derrière ce projet) mais plus le fait que le personnage ne soit là que pour être une menace qui amène nos héros à être réuni. Il ne réapparaît d'ailleurs que très tardivement, signe qu'il ne sert à rien d'autre qu'à se battre contre les Fantastiques.
La mise en scène de toute la première partie est plutôt sympathique et même si elle n'est pas aussi bonne que celle de Chronicle (où Trank jouait à fond avec les capacités de ses personnages) les choix de cadrages sont à chaque fois intéressants. La mise en scène de la deuxième partie (qui n'est sans doute pas de Trank) confirme ce que je disais précédemment sur cette seconde moitié : il n'y a aucune originalité. Ce n'est pas catastrophique, loin de là, mais le metteur en scène fait en sorte d'aller droit au but sans tenter de prendre des risques au niveau du point de vu ou de l'utilisation des capacités. Sinon je dois dire que j'ai bien aimé les costumes des personnages. On est certes loin des combinaisons bleues des comics mais j'ai bien aimé l'idée que ces costumes sont avant tout des combinaisons protectrices et que chacune est conçue en fonction de leurs pouvoirs, je regrette cependant la couleur noire (bleu foncé ça aurait été mieux, non ?). Concernant Doom, j'ai également bien aimé le design du personnage. L'origine de son physique est bien trouvé et permet de s'éloigner de l'armure qui n'aurait pas marché dans un tel contexte. La musique signée Marco Beltrami et Philip Glass est quand à elle une réussite puisque les deux compositeurs ont réussi à parfaitement saisir l'esprit que souhaitait avoir le film : un mélange entre l'horreur et le merveilleux. On a d'ailleurs l'impression d'entendre du Danny Elfman à l'écoute de plusieurs morceaux. Au final une très bonne surprise de ce côté-là.
Les Quatre Fantastiques est une déception mais reste cependant divertissant dans son ensemble et intéressant à voir pour sa première moitié qui est une réussite, dommage que le reste du film ne soit pas à cette image. Le film est malgré tout largement meilleur que les deux précédentes adaptations et est loin d'être le pire film de super-héros de tous les temps comme certains le disent.