Julio Popper (Récit complet)

Par Un_amour_de_bd @un_mour_de_bd

Chronique « Julio Popper »

Scénario de Matz, dessin de Léonard Chemineau,

Public conseillé : Ado-Adultes

Style : Biographie
Paru chez « Rue de Sèvres », le 16 septembre 2015, 104 pages couleurs, 18 euros,
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L’histoire

1886, quelque part au sud de l’Argentine, un homme arrive dans une petite ville de prospecteurs d’or. Il se rend dans le saloon, paie son verre et demande s’il reste des hommes motivés ?
Quelques semaines plus tard, l’ingénieur civil Julio Popper est de retour à Buenos Aires. Avec l’aide de ses amis de la “bonne société”, il présente son projet d’expédition au Président. Certain de trouver en Terre de Feu une grosse quantité d’or, le voici parti avec l’ingénieur des mines Don Julio Carlsson et une quinzaine de soldats pour se protéger des indiens. Officiellement, l’expédition a un but scientifique (explorer ce bout de terre immense et inamicale), ainsi que le devoir de trouver de l’or…

Ce que j’en pense

Décidément, Matz, scénariste de la série à succès “Le tueur” et de nombreux autres polars (“Du plomb dans la tête”, “Le Dahlia noir”, “Nuit de fureur”, “OPK”…) trouve sa place chez les éditions “Rue de Sèvres”. Après le très noir et très classique polar “Balles perdues” (avec Djef au dessin), le voici avec un projet d’un tout autre genre.
Abonnant momentanément la fiction, il s’attaque à la biographie (romancée certes) mais fortement documentée comme le prouve sa grande bafouille, en fin d’ouvrage.

Bien sur, le personnage qu’il a choisit n’a rien du quidam de base. Juif, né en Hongrie d’un père Rabbin, Popper est parti tout seul étudier à Paris toutes les sciences de l’époque (géographie, géologie, climatologie, ethnologie…), Puis, le jeune Popper fait le tour du monde (Inde, chine, Sibérie, Japon) et pose ses bagages en Argentine.
Personnage incroyable et romanesque, Popper est un de ceux hommes qui ont “l’étoffe des héros”. Scientifique, aventurier, polyglotte et d’une détermination sans faille, il est le héros incarné, digne d’un roman de Jules Vernes !

Pour autant, Matz le joue finement. Même s’il met en valeur les qualités indéniables de cet homme d’exception, il brosse un portrait subtil, tout en demi teintes. En accord avec les pensées de l’époque, Popper ne semble voir (du moins au début) dans les Onas, la population indigène, que des “sauvages”… Il ne cherche pas à les éliminer, mais les tuer ne lui donne visiblement pas mauvaise conscience. De même, quand des chercheurs d’or se ruent sur ses concessions, il n’hésite pas à les faire chasser par les armes…
Vous l’aurez compris, Popper est un personnage particulièrement complexe, un “Cavalier seul” aussi magnifique que caractériel, que Matz arrive à mettre en scène sans jamais juger.

Coté dessin, Matz a confié ce très beau récit à Léonard Chemineau, un jeune dessinateur remarqué au concours “Jeunes Talents” 2009 du festival d’Angoulême.
Après le très réussi « Les amis de Pancho Villa« , publié chez Casterman dans la collection « Rivages noir/Casterman », dirigée par Matz, Léonard joue une partition graphique sans fausses notes, pleine de finesse et d’émotions.
Son trait classique est travaillé en couleurs directes (à l’aquarelle) sur de grandes cases immersives. Son sens de la couleur particulièrement aigüe m’a littéralement plongé dans une “Terre de feu” aussi belle que grandiose.
Même si son encrage est un peu rigide dans les premières pages, Léonard trouve son rythme et ses aises, au fur et à mesure des quelques 100 pages de récit.
Avec une vraie poésie des paysages, des plans dynamiques et des attitudes très justes, il m’a fortement impressionné. Décidément, Matz a trouvé en ce jeune dessinateur un collaborateur de grand talent que je suivrais avec attention.

NB : si vous voulez poursuivre le voyage, allez faire un tour du côté de la librairie « Bulles en tête”, 54, rue des dames, 75017 Paris. Léonard Chemineau y expose ses originaux du 17 au 30 septembre 2015.