Chronique « L’indivision »
Scénario de Zidrou, dessin de Springer,
Public conseillé : Adultes
Style : récit intime
Paru chez Futuropolis, le 20 aout 2015, 64 pages couleurs, 15 euros,
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Ce que j’en pense
L’indivision est un superbe roman d’amour. Une BD d’amour ? Zidrou, encore une fois bouscule le quotidien, les apparences et aborde un des derniers tabous : l’inceste.
Non, non, il ne s’agit pas d’une histoire entre père et fille ni même entre mère et fils ! Non, il s’agit d’un frère et une sœur amoureux.
Zidrou aborde le sujet frontalement sans éviter l’aspect sexuel de la relation amoureuse. Pas d’hypocrisie ici. C’est très fort. Les questions posées ne sont pas évitées, même pas suggérées. Cash ! Même si le livre n’est pas pornographique, loin s’en faut, le sujet est tel que je le déconseillerais aux lecteurs adolescents car je pense qu’il pourrait vraiment perturber.
La relation amoureuse du mari pour sa femme, tout exemplaire et magnifique qu’elle soit, est elle aussi perturbante vis-à-vis des schémas traditionnels que l’on connaît. C’est superbe, mais pas si facile. C’est avec des albums de ce niveau que la BD s’éloigne du divertissement pour enfants et adolescents. Zidrou n’en est pas à son coup d’essai en la matière. Voilà une BD qui fait réfléchir, se poser des questions, qui bouscule nos certitudes et les enseignements.
J’avais adoré “La mondaine”, qui présentait des personnages fracassés par la vie et qui semblait vivre normalement sur fond de rafle antijuive. En fait, on pourrait penser que Zidrou se spécialise sur des sujets psychologiques sensibles, en utilisant des personnages assez classiques au quotidien, mais avec de vraies fractures dans l’intimité.
Dans “L’indivision” il n’épargne pas le lecteur. Si le personnage central est superbement élaboré psychologiquement, les seconds rôles sont magnifiquement construits, eux aussi : la collègue-maîtresse ou le mari sont superbes, sensibles, mieux même, palpables.
Le dessin de Benoit Springer, au début m’a un peu rebuté. Trop BD pour enfants… Mais rapidement (2ème page), on comprend l’adéquation avec le scénario.
Vous ne lâcherez pas cette BD. La poésie du dessin et de la pagination exploseront à la fin (ne trichez pas !). On a là une superbe progression graphique.
Voilà une BD d’amour que même les garçons vont adorer.
Le seul exemple artistique dont je me souvienne qui évoquait ce sujet était “et pour quelques dollars de plus” de Sergio Leone. Dans les deux cas il ne s’agit pas de situation violente subie, mais de tendresse et d’amour. Eh oui, les westerns spaghetti sont plein de surprises… Vous trouverez quelques livres et films sur le sujet, souvent sur les rapports incestueux parents-enfants, rarement entre frères et sœurs.
L’indivision confirme le talent de haut vol de Zidrou et m’a fait découvrir Springer au dessin. J’étais passé à côté de “Le beau voyage” et des autres romans graphiques de Springer. Je corrige immédiatement.