Sophie Divry : Quand le diable sortit de la salle de bain

Par Lebouquineur @LBouquineur

Sophie Divry, née en 1979 à Montpellier, vit à Lyon. Entre 2004 et 2010, elle a été journaliste au journal La Décroissance, un mensuel anticonsumériste, syndicaliste et engagée sur une liste de gauche aux élections municipales de sa ville d’adoption avant de se lancer dans la littérature, tout en exerçant un job de serveuse dans la restauration. Son quatrième roman, Quand le diable sortit de la salle de bain, est paru depuis peu.

Sophie, la narratrice célibataire et journaliste pigiste au chômage, habite Lyon et rêve d’écrire un roman qui lui ouvrira les portes d’un avenir plus reluisant. Pour l’heure, elle crève la faim et compte ses euros pour payer ses factures.

A partir de ce pitch, Sophie Divry nous offre un gentil roman qui mérite qu’on y jette un œil, « gentil » prévenant d’emblée que j’y mettrais quelques réserves néanmoins. Les premières pages m’ont emballé, une écriture, un style, un rythme, un ton séduisant teinté d’humour, nous partions sur de bonnes bases. Je me suis mis à attendre monts et merveilles inattendues, n’ayant jamais lu cet écrivain. Pourtant, maintenant que le roman est refermé et rangé dans ma bibliothèque, mon enthousiasme est retombé. Le roman n’est pas mauvais, loin de là, mais bon… je ne sais pas trop quoi en penser, ni même en retenir.

Il y a une écriture certaine, je l’ai dit. J’ai adoré tous les néologismes particulièrement savoureux qui ponctuent la narration, « Je ne vais pas tout lucifaire à ta place » s’exclame Lorchus, son diable personnel. Une voix mauvaise conseillère qui intervient ponctuellement (très peu en fait) dans le récit, tout comme celle de sa mère lui dispensant ses avis d’ange gardien sur sa manière de vivre (On pense à Tintin éméché dans je ne sais plus quel album d’Hergé, le diable sur une épaule, l’ange sur l’autre). La première partie du roman dresse le portrait de la vie quotidienne d’une chômeuse, le fond est sombre pour ces malheurs de Sophie mais la forme souriante remporte ce set.

Dans la seconde partie, Sophie retrouve sa famille et ses frères mariés avec enfants et boulot stable,  près de Montpellier, pour un anniversaire dans la grande maison familiale. De belles pages sur le retour en enfance et le passage à l’état d’adulte. Le propos se fait plus profond, l’engagement politique de Sophie Divry transpire de ces lignes, un peu dépité, « Où sont les agitatrices, les courageux, les têtes brûlées et les exceptions ? Où sont-ils et où sont-elles ? Où est la jeunesse de mon pays ? » Une sorte de morosité s’empare de ce second set.

La dernière manche m’a laissé perplexe, Sophie a trouvé un boulot temporaire dans la restauration mais qui se termine mal (vous aurez noté au passage, tous les points communs entre la Sophie du roman et celle qui le rédige) et sur une phrase ambigüe, « … il arrive un moment où, quand une injustice trop patente vous est faite, il ne vous reste plus qu’à quitter la course. »  

Cette fin pas très claire m’a déçu. Et je ne peux passer sous silence, les délires typographiques utilisés par Sophie Divry. Ils ne sont pas bien méchants certes et ne compliquent pas la lecture mais personnellement je suis très réservé sur ce genre de procédé. Je trouve que cela n’apporte rien à un roman et si je poussais le raisonnement plus loin, j’irais même jusqu’à dire qu’ils sont une faiblesse (comme si les mots seuls ne suffisaient pas à dire les choses), à moins qu’ils ne soient comme une preuve de régression infligée au lecteur, me rappelant les livres pour enfants des maternelles, où pour garder leur intérêt éveillé, on dispose le texte en arabesques savantes ou polices de caractères différentes…

Je répète ce que je j’ai dit au début de ce billet, un roman qui mérite d’être lu, mais qui n’est pas aussi remarquable que certains voudraient nous le faire croire. Ce dont l’auteure consciente (ou maligne) avoue dans un « bonus » final : « Comme vous pouvez le constater, il y a beaucoup d’éléments dans ce livre, c’est pour l’heure un grand fourre-tout. J’ai besoin d’y voir plus clair. » Nous aussi !

« Le fait que je me résigne à mon chômage, que je m’y installe durablement, avait éteint leur inquiétude au lieu de les aiguiser. Au fond, ma situation s’était normalisée. Rien de nouveau ; donc, plus de danger. J’étais là comme ils m’avaient toujours vue. La même tête. La même voix. Seul un révélateur chimique d’une composition inconnue aurait pu rendre visible la faim qui le tenaillait. Ce que ma famille ignorait, c’est que le pire du chômage n’est jamais le début. Le pire, c’est l’installation dans cette idée, justement, que rien de nouveau n’arrivera plus… »

Sophie Divry  Quand le diable sortit de la salle de bain   Editions Noir sur Blanc, collection Notabilia  - 309 pages –