Matin brun de Franck Pavloff
Une page pour onze, c'est à peu près acceptable, mais ça reste une échelle différente pour une chronique. D'habitude, mes articles, d'un petit millier de mots, concernent des bouquins de 200 à 500 pages. Là j'ai une petite plaquette qui en fait 11, après une police ronde et assez grosse. Je ne sais même plus pourquoi je l'ai cueillie, comme ça, à la bibliothèque. Ca me semblait un peu étonnant, je crois, un si petit livre. Je me disais qu'il était vraiment facile de le perdre. Et je me demandais ce qui avait poussé l'éditeur à publier ce texte si court.
Matin brun est un court apologue qui porte moins sur la montée de l'extrémisme et de l'intolérance en tant que tels, que sur toutes les petites compromissions dont on est prêt à se bercer tant que la situation ne nous éclate pas au visage. Le narrateur et son ami Charlie possèdent tous deux des animaux qui ne sont pas bruns, dans un monde où l'on ne tolère plus les animaux d'une autre couleur. Qu'à cela ne tienne, leur nouveau chien, leur nouveau chat seront de la bonnes couleurs, et nos deux personnages continuent leur vie. " Au moins, on était bien vus et on était tranquilles. " Mais vient un jour où les milices deviennent un peu plus regardantes, et commencent à punir ceux qui, l'interdiction, ne respectaient pas la règle. Le réveil de la conscience s'opère, mais il est trop tard :
J'aurais dû m méfier des Bruns dès qu'ils nous ont imposé leur première loin sur ls animaux. Après tout, il était à moi mon chat, comme son chien pour Charlie, on aurait dû dire non. Résister davantage, mais comment ? Ça va si vite, il y a le boulot, les soucis de tous les jours. Les autres aussi baissent les bras pour être un peu tranquilles, non ?
L'apologue est transparent, et j'aime l'angle choisi, parce qu'il nous invite tous à nous interroger sur ce qu'on a parfois accepté alors qu'on n'aurait pas dû. En revanche, je suis un peu plus sceptique quant au choix de la métaphore pour symboliser la montée de toute forme d'extrémisme. " Brun " n'est pas un très joli mot, sa sonorité sonne un peu dure, un peu étrange (peut-être est-ce voulu) et dès le début, malgré le fait qu'il soit répété de plus en plus par le narrateur, il semble toujours comme étranger au discours. De plus, le choix des animaux; malgré la dimension affective qu'il implique, donne à l'ensemble un côté assez léger, malgré le sujet grave. Or, je suis certaine qu'avec le même procédé d'écriture et un angle à peine modifié, le message aurait été plus fort. Là, j'y ai davantage vu un texte d'abord plaisant, à l'idéologie forcément louable, mais qui au fond rate de peu son objectif. J'ai été secouée au moment de fermer le livre (bien que j'aie trouvé la fin un peu courte, un paragraphe ou deux de plus aurait été bienvenu à mon sens), mais dix minutes après, ça va déjà mieux. C'est un peu rapide.
Cependant, pour des pages qui se lisent si vite et si facilement, pourquoi pas y jeter un œil. Quelque minutes pour raviver la question des responsabilités partagées et de l'aveuglement volontaire, c'est quand même un ratio intéressant, dans ce monde qui court tant à l'efficace.