Je ne suis pas amateur de thrillers, du moins de la production actuelle du genre, aussi j'ai abordé avec assez peu d'entrain ce gros livre tombé "par hasard" dans ma boîte aux lettres. Première surprise : c'est bien écrit, c'est "travaillé", et le scénario donne d'entrée de jeu l'envie de se vautrer dedans. Nous sommes à Pompéi, et le Vésuve est en colère... Deuxième surprise : ce n'est pas un thriller, mais plutôt un inclassable à la limite entre la science-fiction, le polar à intrigue et le roman noir "social". Science-fiction, à peine, car nous sommes (même si l'on commence dans le vieux Pompéi) dans un futur très proche et les innovations technologiques (informatiques) ne sont que des extrapolations crédibles à brève échéance de ce qui est déjà réalité. Dans ce monde qui est le nôtre à quelques détails près, une entreprise fait un carton à l'échelle planétaire avec ses parcs d'attraction géants de "réalité virtuelle". Des parcs qui se comptent par milliers et qui simulent des cités du passé, dans lesquelles les touristes peuvent se plonger pour quelques heures, ou quelques jours. Oui mais voilà, de bien étranges disparitions s'y multiplient et le phénomène s'amplifie. Tout porte à croire que les disparus sont réellement transportés vers ce passé dans lequel ils sont venus "jouer". Les recherches dans les archives le confirment : ce navire par exemple, volatilisé à notre époque avec tous ses passagers, est bien celui retrouvé au XVIII° siècle par des pêcheurs de baleine en plein océan arctique. Et des "preuves" comme celle-là, il y en a d'autres...Cette histoire de "transport dans le passé" pourrait vite tourner au ridicule, mais l'auteur a l'habileté de proposer une fin qui tient la route, et ce n'était pas partie gagnée. L'ensemble du roman est d'ailleurs habilement construit, avec une alternance plaisante de chapitres variés : on passe de l'enquête aux dessous des directoires des grandes entreprises, via des plongées dans l'univers de la réalité simulée, des séjours dans des usines à esclaves et des excursions dans des châteaux hantés ou asiles d'aliénés. Au-delà de cette construction bien menée et de la qualité du récit et de l'écriture, il reste, et ce n'est pas le moindre attrait du livre, une vision caustique de notre société de consommation et des abominations qu'elle réserve, ou qu'elle cause déjà.Très bon roman.In Cloud we trust, de Frédéric Delmeulle, aux éditions Mnémos