Comment naît un tube planétaire

California Dreamin

California Dreamin’ (Pénélope Bagieu – Editions Gallimard)

« All the leaves are brown, and the sky is grey ». Dès les premières notes de guitare, tout le monde reconnaît instantanément la chanson « California Dreamin' ». Sorti en 1965, ce tube planétaire est l’un des hymnes de l’époque flower power. Depuis lors, il continue à vivre sa vie puisqu’on l’entend dans d’innombrables films, séries et publicités. Pourtant, peu de gens sont capables d’identifier les interprètes de cette mélodie ultra-connue. Qui se souvient du groupe The Mamas & The Papas, qui a créé cette chanson? Et surtout, qui se souvient de sa chanteuse Cass Elliot, qui était la figure charismatique du groupe? Morte d’une crise cardiaque en 1974, à seulement 32 ans, cette chanteuse aussi ronde que joyeuse était une personnalité hors-normes, dans tous les sens du terme. Dans « California Dreamin' », Pénélope Bagieu ne nous raconte pas toute la vie de Cass, de son vrai nom Ellen Cohen, mais seulement les années qui ont précédé la création de cette fameuse chanson qui fera d’elle une star. Son parcours, on le découvre à travers les yeux des personnes qui ont compté le plus pour elle: son frère et sa soeur, sa prof de chant, son père, ses amis, ses musiciens, les autres membres du groupe… Petit à petit, on découvre une femme drôle et attachante, allergique à toute demi-mesure et bien déterminée à ne pas se retrouver à la tête d’une épicerie, comme la plupart des autres membres de la famille Cohen. Après avoir quitté sa ville natale de Baltimore dès l’âge de 19 ans pour conquérir New York, elle va mettre quelques années avant de réaliser enfin le rêve de son père adoré, qui aurait tant voulu être chanteur d’opéra. Elle va galérer, consommer toutes sortes de substances et chanter dans plusieurs groupes, mais finalement, elle parviendra à convaincre le rigide John Phillips de l’accepter dans son nouveau groupe et surtout de la laisser chanter la deuxième voix sur « California Dreamin' ». Avec le résultat que l’on connaît!

California Dreamin (extrait)

Révélée par son blog « Ma vie est tout à fait fascinante » puis par la série « Joséphine », Pénélope Bagieu change complètement d’univers avec cette biographie dessinée de la chanteuse de The Mamas & The Papas. L’auteure française, qui est l’une des stars montantes de la BD, se détache de son style très « girly », qu’elle utilise dans ses illustrations pour la presse et la publicité, en optant pour un style de dessin beaucoup plus brut, entièrement réalisé au crayon noir. Au début, il faut s’y habituer, car on a l’impression qu’il s’agit du brouillon des planches définitives, mais au final, le résultat est vraiment séduisant. « Pour ce qui est de la technique du crayon, c’est en fait pour une raison très pratique », explique-t-elle. « J’ai dessiné cette histoire entre Paris et New York, et ça a été très long. Alors au milieu des aller-retours en avion, et des ateliers provisoires dans les cafés pas très grands, il fallait être compacte et transportable ». Elle est donc revenue aux fondamentaux: un bloc de feuilles blanches, deux crayons à papier et un taille-crayon. Ce qui lui a permis de travailler sur « California Dreamin' » où et quand elle le voulait. Un comble pour cette habituée du travail sur ordinateur et sur tablette! Qui plus est accro aux réseaux sociaux, puisque Pénélope Bagieu est l’une des auteures de BD les plus actives sur Twitter. « A ma grande surprise, le résultat était très vivant comme ça », sourit-elle. Mais évidemment, au-delà du dessin, c’est avant tout le récit imaginé par Pénélope Bagieu qui fait la force de cet album. Tout en ne perdant jamais son côté léger et son humour, elle parvient à décortiquer les éléments qui faisaient de Cass Elliot une véritable artiste. « Au-delà de sa voix extraordinaire que j’ai toujours aimée et de sa personnalité de clown, j’avais envie d’explorer ce qu’il y avait d’universel dans son besoin qu’on l’aime, dans ses élans désespérés », dit-elle. Une chose est sûre: après avoir lu cet album, on n’écoutera plus « California Dreamin' » de la même façon. Et surtout, on n’oubliera plus jamais le nom de son interprète!