Dans le comté de Tibbehah, au Mississippi, tout le monde se connaît. Les amis d'enfance ont fait les quatre cents coups ensemble, puis chacun a suivi son chemin, de part et d'autre de la loi. Faute de travail, plusieurs sont partis en mission. Ce fut le cas du ranger Quinn Colson. Après dix ans passées en Irak et en Afghanistan, il est revenu au bercail, où il occupe maintenant le poste de shérif. Avec son adjointe Lillie Virgil, Colson est chargé d'enquêter sur un cas de maltraitance d'enfant. Une petite fille est morte et onze autres enfants ont disparus. Janet et Ramón Torres, leurs tuteurs, sont partis sans laisser de traces, laissant derrière eux une bicoque sans dessus dessous, des berceaux vides et une boîte en carton remplie d'argent. De fil en aiguille, il s'avère que le couple Torres ne fait pas seulement dans le
trafic d'enfants. Il y aurait aussi au menu des armes, de la drogue et l'affiliation avec un gros cartel mexicain.De l'autre côté de la loi, il y a Donnie pour qui le séjour en Afghanistan a presque été une partie de plaisir, une cour de récréation qui lui a permis de faire des affaires en or. De retour à Jericho, il magouille, s'embringue dans une combine de trafic d'arme qui finit par le dépasser. Il fricote avec des hommes encore moins recommandables que lui, en particulier ces Torres, après lesquels courent Colson et Lillie.Quinn Colson a du pain sur la planche. L'enquête bouffe tout son temps, sa sœur Caddy, fraîchement convertie et désintoxiquée, lui cause bien des soucis. Parce qu'il est un bon gars, il prend soin de son jeune neveu Jason, négligé par sa mère, et tente de dégoter un boulot à Boom, son ami vétéran manchot, qui s'abîme dans l'alcool et les bagarres pour oublier la guerre. Un shérif intègre et généreux, pas porté sur la bouteille, pas déprimé-névrosé, ça fait un bien fou dans l'univers du polar! Comme ça a été le cas avec Stoney Calhoun (Dérive sanglante), je me suis prise d'une profonde affection pour Quinn Colson, shérif au grand cœur.Ace Atkins raconte, et il raconte bien. Je me suis attachée à ses personnages, j'ai ressenti l'atmosphère de Jericho avec sa pauvreté et son désoeuvrement. Il décrit sans fard le quotidien de l'une de ces petites villes rurales d'un des États les plus pauvres des États-Unis. Sans misérabilisme, il raconte les difficultés de réinsertion sociale des jeunes vétérans, les traumatismes de l'enfance et la corruption des élites locales.
C'est du noir, et du tout bon. Pas de rebondissements à toutes les pages, mais un certain suspense, et une plongée dans le fin fond du Mississippi, avec des personnages blessés par la vie, touchants, aux destins bouleversés par la guerre. Comme dans Dérive sanglante de William G. Tapply, l'intrigue est secondaire, voire accessoire. Les personnages occupent le devant de la scène, dans toute leur richesse et leur complexité. Rien d'innovateur, ici. Juste une bonne intrigue portée par une belle brochette de personnages. Parfois, il n'en faut pas plus pour que la sauce prenne!Trois autres romans de la série sont parus en anglais… Au boulot, traducteurs! En attendant la suite, je retournerai à la case départ et lirai Retour à Jericho.Les cris du Mississippi, Ace Atkins, Éditions du Masque, 320 pages, 2015.★★★★★