Un pigeon qui n’a rien d’autre à faire se pose sur le rebord de sa fenêtre, roucoule un peu, le regarde de ses billes stupides qui se prennent pour des yeux et une mutuelle contemplation s’opère entre l’homme et l’animal, l’un devenant l’autre par le truchement des yeux, de l’immobilité. À cet instant, le spectateur peut avoir des doutes quant à l’intelligence supposée de l’auteur et la sottise reconnue du volatile, tant ils se ressemblent dans leur air ahuri, absent. Il semble alors peu crédible que l’un et l’autre soient prêts à s’envoler sous peu.
Un coup de vent, un bruit un peu trop fort ou un claquement de porte chez un voisin et le pigeon s’envole, inconscient d’avoir fréquenté, le temps d’une œillade, un auteur en action. Dans le vide qu’il laisse sur le rebord de la fenêtre, les yeux de l’auteur sont encore posés. On peut même penser, à voir l’absence de mobilité des iris, qu’il n’a pas capté l’envol gris. Car l’une des réalités que l’auteur excelle à regarder est bien le vide, ce qui se creuse derrière des apparences tangibles ; c’est même dans ces eaux absurdes et troubles, difficiles à discerner qu’il vient pécher ses créatures, les extirper d’un confortable néant pour les confronter à une forme de vie potentiellement déplaisante ou fabuleuse.
Combien de temps reste-t-il ainsi, le corps prostré sur sa chaise, les yeux prostrés dans le vide ? Une minute, un jour entier, tout se ressemble finalement.
Notice biographique
Clémence Tombereau est née à Nîmes et vit actuellement à Milan. Elle a publié deux recueils, Fragments et Poèmes, Mignardises et Aphorismes aux éditions numériques québécoises Le chat qui louche, ainsi que plusieurs textes dans la revue littéraire Rouge