Le premier livre que j’ai découvert d’André Bouchard est Le roi qui valait 4 euros 50. Cela fait quelques années déjà, mais je me souviens que rien que le titre et la couverture m’avaient fait craquer. Je ne trouvais pas le style des illustrations particulièrement attrayant, mais sur la première de couverture on voit un moustachu en costume avec une couronne, entouré de pigeons pas très ragoûtants. Et en quatrième, le même homme à l’air impérial et suffisant, sur un cheval de manège comme s’il partait à la bataille. Un petit coup de foudre pour ces scènes débiles et prometteuses. À ce moment-là, je ne me suis pas plus intéressée que ça à cet auteur-illustrateur. Puis, il y a quelques semaines, au détour d’un des bacs de ma médiathèque, quelques albums d’André Bouchard dépassaient et je me les suis accaparés. Les titres loufoques, que j’avais déjà aperçu en librairie, m’ont fait sourire et je me suis décidée à en savoir un peu plus sur ce monsieur. Depuis, je les ai presque tous achetés !
Il a de nombreux albums à son actif, la plupart du temps écrit et illustré par lui-même, mais parfois en collaboration avec d’autres écrivains. Et voici un petit aperçu, pour vous faire une idée plus précise du personnage (ils sont classés par date de parution, ce qui permet également de voir une évolution à travers son style d’illustrations)
Un beau matin le coq aboya, édité chez Circonflexe en 2002
Une nuit, à la ferme, une tempête se déchaîne. Le lendemain matin, quand tout est fini, le petit garçon de la ferme descend prendre son petit-déjeuner. Mais la tempête a fait des dégâts… et pas seulement matériel… Tous les animaux ont été mélangés ! Le coq a la tête du chien, le mouton la tête du coq, la pintade la queue de la vache et ainsi de suite. Miséricorde, les parents du petit garçon aussi se sont mélangés ! La maman a une moustache et le papa des nénés ! Comment faire pour que tout redevienne normal ?
Un album complètement loufoque, qui signe les débuts prometteurs et totalement rocambolesques des différentes œuvres d’André Bouchard. Personnellement, je n’apprécie pas plus que cela le trait de crayon très brouillon, mais en même temps, dans ce cas-ci, cela correspond très bien à l’histoire et au fait que tout soit mélangé. L’histoire est idiote (dans le sens positif), les dessins aussi, le tout pour un moment de lecture plein d’imagination.
Le roi qui valait 4 euros 50, paru chez Circonflexe en 2003
Un jour en faisant ses courses, Monsieur Marcel déniche une couronne à 4 euros 50. Ce n’est pas très cher pour devenir roi se dit-il, et il achète la couronne. Dès lors commence le règne de Monsieur Marcel. Il impose de nouvelles lois chez lui et fait de ses collègues de travail des serviteurs. Tout se passe bien dans le nouveau royaume de Monsieur Marcel jusqu’au jour où il aperçoit une deuxième personne avec une couronne. Puis tous ses collègues de travail avec des couronnes ! Pensez-vous, les couronnes n’étant pas chères, tout le monde a fini par en acheter. Mais du coup, tout le monde veut imposer son règne et plus personne ne veut être serviteur…. Quel chaos !
C’est un album complètement dingue que nous offre ici André Bouchard sur une situation improbable et pourtant que l’on s’imagine sans mal. Derrière les scènes décalées, on décèle mine de rien de petites critiques de la société et de la soif de pouvoir de certains. Imaginez si, pour de vrai, tout le monde se mettait à faire comme Monsieur Marcel. On finirait probablement par tomber dans le même chaos que celui décrit dans l’ouvrage.
Les illustrations parfois en décalage avec le texte apportent un sens nouveau à ce dernier et ouvrent les yeux sur certains points. Je ne suis pas une fan absolue de ce trait de crayon un peu trop brouillon et pourtant on sent toute la maîtrise derrière. Les visages que l’on pourrait croire pas très précis reflètent en réalité toute l’austérité des personnages. Au final, les illustrations collent parfaitement à l’univers de cet album.
Quand papa était petit y avait des dinosaures, écrit par Vincent Malone, paru chez Seuil Jeunesse en 2003
Cette fois c’est avec un compatriote qu’André Bouchard se lance dans l’aventure de la conception d’un album. Avec Vincent Malone plus précisément, papa du célèbre Kiki dont Coco vous a déjà parlé ici. Vous saviez déjà que Vincent Malone était déjanté et vous venez d’avoir un aperçu de ce que peut faire André Bouchard. Les deux combinés, je ne vous raconte pas le résultat !
Dans cet album, on découvre différentes scènes, sur une ou deux pages, qui montrent des bribes de la vie au temps des dinosaures. Scènes de vie complètement improbables et le plus souvent anachroniques. Elles sont toutes tordantes et on imagine bien les petits lire avec leurs parents et finir par demander « Mais ça se passait vraiment comme ça quand t’étais petit ? » Souvent, le décalage entre l’image et le texte, ou justement la très bonne accroche entre les deux, rendent la scène tordante. À lire en décousu sans souci, pour le plaisir de revoir sa scène préférée !
Les lions ne mangent pas de croquettes, paru chez Seuil Jeunesse en 2012
Les parents de Clémence lui interdisent d’avoir un chien ou un chat. Qu’à cela ne tienne, elle ramène donc un lion. Mais un lion c’est un tout petit peu plus encombrant qu’un chien ou qu’un chat. Ça mange un peu plus, prend un chouïa de place en plus et n’est pas forcément aussi obéissant qu’un chien bien dressé. Mais Clémence aime beaucoup son lion. Alors elle fait le tour du quartier avec lui et le montre à tout le monde. C’est quand même bizarre qu’après le passage de Clémence et de son lion plus personne ne pointe le bout de son nez, non ?
Un album encore une fois délicieusement décalé. Le plus drôle dans cet album est la différence de narration entre les images et le texte. Les illustrations seules racontent une histoire, le texte seul en raconte une autre et les deux assemblés une dernière.
Ce que j’aime le plus dans cet album, c’est l’autre façon de dessiner d’André Bouchard. Le trait est plus net et précis. Les détails, motifs, reliefs, ombres… sont donnés grâce aux minuscules et minutieux traits de crayon un peu partout dans l’illustration. Une technique qui demande probablement beaucoup de travail, de concentration et de temps. Chapeau !
L’abominable sac à main, publié chez Seuil Jeunesse en 2013
C’est bien connu, les sacs à main des filles regorgent de trésors et on a toutes connues des moments où on avait l’impression d’avoir celui de Mary Poppins. Mais du point de vue d’une petite fille ça donne quoi ? À travers cet album, on découvre le point de vue d’une petite fille, qui a un peu peur du sac à main de sa maman car elle l’a vu « avaler » plein d’objets, sans forcément les rendre. Elle se met donc à imaginer qu’un sac à main est une bestiole vivante qui peut avaler n’importe quoi !
On reste encore et toujours dans le point de vue décalé d’un personnage sur un objet insolite. Le sac à main personnifié est vraiment excellent et, comme le dit si bien la quatrième de couverture, vous ne regarderez plus les sacs à main comme avant après la lecture de ce livre !
Au niveau des illustrations, on reste dans ce que j’ai apprécié pour le précédent, avec des traits qui forment le dessin. Une belle réussite.
Avant quand y avait pas l’école, écrit par Vincent Malone, paru chez Seuil Jeunesse en 2013
André Bouchard se réacoquine avec Vincent Malone, 10 ans plus tard, pour nous offrir ce merveilleux opus qui peut être considéré comme une suite de Quand papa était petit y avait des dinosaures. On retrouve la même façon de travailler. Des scènes loufoques entre préhistoire et monde plus actuel. Le crayon d’André Bouchard retourne à quelque chose de plus simple, on ne retrouve pas les traits qui forment tous les détails, mais on sent tout de même une évolution dans cette technique qu’il employait à ses débuts.
Pas besoin d’en dire plus, ce deuxième tome est aussi délectable que le premier, n’hésitez pas à vous jeter dessus !
Y a un louuuuhouu !, sorti chez Seuil Jeunesse en 2014
Un soir, un loup se glisse dans la chambre d’une petite fille et se met à hurler pour tenter de la réveiller et de lui faire peur. Mais elle dort apparemment sur ses deux oreilles. C’est alors qu’apparaît une bestiole qui prétend être le cauchemar de la petite. Cette bestiole enguirlande le loup parce qu’il risque de réveiller l’enfant et que du coup il ne pourra plus entrer dans ses rêves ! Pendant que le loup et la bestiole du cauchemar se disputent, un autre monstre arrive… Une ribambelle de personnages vont en réalité défiler dans la chambre de la petite fille. Je ne vous en dis pas plus, sinon ce n’est pas drôle !
Dans cet album, retour aux traits de crayon que j’affectionne. Les scènes sont encore et toujours hilarantes et on se demande comment une idée aussi farfelue est venue à l’esprit de notre auteur-illustrateur. Au final, de notre point de vue d’adulte c’est un album drôle, mais pour un enfant, c’est très bien pensé pour aborder la peur d’aller se coucher à cause du monstre sous le lit. À lire avec son enfant pour engager une discussion sur ce sujet épineux.
Bref, vous l’aurez compris, l’univers d’André Bouchard est complètement décalé, loufoque et appelle à un imaginaire drôle, puissant et libre.
Si vous aimez André Bouchard, voici d’autres de ses albums :
- Beurk !, chez Seuil Jeunesse en 2004.
- 2 ou 3 enfants bien dodus pour 9 personnes, paru chez Circonflexe en 2006. Je parlerai de celui-ci dans un autre article au thème particulier.
- Ernest Maître du monde, paru chez Seuil Jeunesse en avril 2015.
Joyeuses lectures loufoques les loulous !