Communardes ! (Les éléphants rouges)

Par Un_amour_de_bd @un_mour_de_bd

Chronique « Communardes ! – Les éléphants rouges »

scénario de Wilfrid Lupano, dessin et couleurs de Lucy Mazel,

Public conseillé : Adultes et adolescents

Style : Drame historique
Paru aux éditions « Vents d’ouest », le 30 septembre 2015, 56 pages couleurs, 14.50 euros
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L’Histoire

10 octobre 1870. Paris est occupée par l’armée prussienne de Bismark. Le petit peuple qui n’a pas réussit à fuir, comme la plupart des rupins, vit dans le froid, la misère et la faim perpétuelle. Dans ce climat néfaste, la jeune Victorine vient apporter une grande nouvelle : La commune a décrété la création de bataillons de femmes, surnommés les “Amazones de la Seine“ ! La nouvelle enflamme les coeurs des femmes privées de travail.
Tandis que sa mère espère ce nouveau travail, la jeune fille elle est tiraillée encore entre ses rêves et ses obligations. Au lieu de faire la queue pour la viande, Victorine fait le mur et s’en va visiter Castor et Pollux, les deux majestueux éléphants du jardin des plantes…

Ce que j’en pense

Une nouvelle série de Lupano, ça ne se refuse pas ! Scénariste éclectique et original, apprécié aussi bien par le public que la critique (“Les vieux fourneaux” avec Paul Cauuet, “Un Océan d’amour” avec Gregory Panacione, “L’assassin qu’elle mérite” avec Yannick Corboz, “Alim le tanneur”, avec Virginie Augustin…), je ne vais pas bouder mon plaisir et découvrir SA NOUVELLE SERIE chez Vent d’ouest.

Le principe ? Des récits historiques qui prennent racine dans des portraits de femmes d’exception, des “Communardes« , « véritable symboles de l’histoire des révolutions socialistes« . La série démarre donc avec deux albums (récits complets et autonomes), publiés simultanément, avec un(e) dessinateur(trice) différent(e).

Wilfrid s’attaque donc au « récit historique », un genre qu’il avait peu abordé jusqu’à présent. Pour se retrouver un peu dans son élément (« l’humain », ce qu’on aime chez lui !), il double cette approche d’un portrait de femme.
Dans “Les éléphants rouges”, c’est Victorine l’héroïne. Une jeune fille très attachante, à la frontière entre enfance et adolescence, prise dans le tourbillon de la guerre. Mais ce n’est pas l’image habituelle de la guerre qui l’intéresse. Pas de combats, ni de mort au bout du canon, mais la vie (difficile et routinière) des parisiens qui s’organisent dans un siège qui s’éternise. Affamés, sans travail, il leur faut malgré tout vivre ou plutôt survivre… Dans ce « survival », les femmes (spécialement les femmes seules) sont les victimes parfaites. Couturières sans travail pour la plupart, putes à temps partiel pour certaines, ce sont les laissées pour compte du « système »…

Dans ce contexte difficile, Victorine a un rôle de choix. Petite effrontée au caractère bien trempé, elle est tiraillée entre les responsabilités qui la font “grandir trop vite” et ses rêves d’enfant. Baignant dans un terreau social fertile (une mère féministe), elle rêve de devenir la chef d’une petite bande de traîne-misère de son âge.

Orgueilleuse, inventive, débrouillarde, combattante, rêveuse, Wilfrid Lupano nous offre un portrait complexe et craquant. D’ailleurs, ses personnages sont presque tous aussi attachants (les rares hommes de l’histoire), mais surtout les femmes (la maman de Victorine et sa tante, pute au grand coeur). Ces portraits ne seraient rien, sans des dialogues fins et percutants. Comme toujours, Wilfrid Lupano assure ! Expressions populaires et mots d’enfants, il nous offre de petites perles de dialogues qui tournent dans le creux de l’oreille.

Ce récit est une pure fiction, mais Wilfrid Lupano n’oublie pas de documenter son « coté historique »… en passant par l’anecdote (La famine qui pousse les parisiens à manger tous les animaux encore vivants par exemple).

Malgré toutes ces bonnes choses, j’ai un gros regret. L’album finit d’une manière tellement ouverte… que je la comprends pas vraiment…

Coté dessin, c’est Lucy Mazel, alias Luky Ma, qui signe sa première bande dessinée. Veinarde, travailler avec un tel scénariste pour une première !
Cette jeune dessinatrice talentueuse, qui a fait ses classes dans une école privée lyonnaise, nous offre un dessin frais et sensible. Son trait assez “cartoon” et “rond” fait la part belle aux expressions. Bouilles et trognes se succèdent pour notre plus grand plaisir de lecteurs, dans des versions un peu caricaturales.
La technique classique (crayon, encrage) rehaussée de couleurs numériques donne un résultat très “chaud”. Rues nocturnes bleutées, intérieurs rougeoyant et rêves gris et vaporeux, les ambiances sont bien présentes et la lisibilité maximale.
Enfin, petit coup de coeur pour la trogne de la miss Victorine, qui est à tomber !

Pour résumer,


Avec sa nouvelle série, Wilfrid Lupano s’attaque au récit historique.. La guerre, La Commune, les luttes sociales féminines et la misère du petit peuple parisien servent de décors à un portrait de jeune fille admirable. Servis par une jeune dessinatrice de grand talent, le duo d’auteur nous offre une tranche de vie miséreuse et sublime à la fois, mais qui se finit étrangement…