« L’amour et les forêts »
REINHARDT Eric
(Gallimard)
Les qualités littéraires sont indéniables. En particulier l’écriture. Mais cela n’a pas suffi à convaincre le Lecteur qui n’a qu’épisodiquement ressenti de l’empathie pour les personnages « positifs ». En particulier celui de Bénédicte Ombredanne. Non que les souffrances endurées par cette jeune femme ne lui aient pas paru plausibles. Non que son combat pour se désentraver de la domination qu’exerce sur elle un époux qui use et abuse à son encontre d’une violence psychologique de tous les instants, y compris lorsque Bénédicte Ombredanne engage une autre bataille, contre le cancer celle-là, non que tout cela l’ait laissé indifférent. D’autant moins indifférent que le récit de sa rencontre avec Christian, homme solitaire et antiquaire, qui l’avait contactée sur l’un de ces réseaux que l’on dit sociaux, fut à l’origine d’une passion fulgurante et que lui, le Lecteur, avec son âme de midinette, se laisse volontiers subjuguer par ces histoires-là. Même si elle fut précédée par la narration quelque peu convenue de ce contact internautique, narration à laquelle se greffèrent les conversations engagées avec d’autres prétendants bien évidemment empressés d’aboutir, eux, à une rencontre sans lendemain.
Ce qui l’a rebuté, c’est la surabondance des descriptions des scènes censées lui faire comprendre plus que ressentir le pourquoi d’un processus initié par Jean-François, l’époux de Bénédicte. Dans ce temps où Bénédicte découvre dans un même mouvement l’amour et le plaisir. Amour et plaisir auxquels elle décide de renoncer afin de poursuivre la fiction d’une vie de famille ordinaire, selon un ordre immuable qui contraint la femme à accepter l’enfermement. Bénédicte est une Bovary timorée, bien que dotée d’une culture dont elle ne fait usage que dans le cadre professionnel et dans de timides tentatives d’écriture. D’autant plus timorée que sa sœur jumelle s’est émancipée de toutes ces pesanteurs, lui offrant en quelque sorte des repères utiles.
Le roman abuse, toujours aux yeux du Lecteur, de l’approche psychologique aux relents lacaniens et laisse à la marge l’approche sociale. Tous les personnages sont issus de milieux aisés : de riches paysans d’un côté (les parents de Bénédicte), un omnipotent et rigide dirigeant d’un grand magasin parisien de l’autre côté, celui des Ombredanne (les deux jumelles ayant épousé les deux frères issus de ce versant-là). Ce qui s’apparente à du manichéisme établit des frontières trop artificielles entre les uns et les autres. Voilà donc un roman qui laisse le Lecteur dubitatif, lui qui peine toujours à se trouver des affinités avec l’œuvre d’Eric Reinhardt.