91. — Puisque nous sommes tous, et de plus en plus, interreliés, on devrait exiger des cons, dès l’école, qu’ils sortent de leur torpeur intellectuelle, abandonnent leur confort imbécile et fassent quelque chose pour traiter la stupeur de leurs neurones. Car, après tout, les cons nous empoisonnent au moins autant la vie que les méchants. Ce sont souvent les mêmes, d’ailleurs.
92. — Le Dieu des chrétiens de l’ère postmoderne et néolibérale est devenu un petit-bourgeois paterne et complaisant qui distribue gratteux et primes au gré d’une fantaisie désormais sans dessein.
93. — Le supplément ne peut être que d’âme. Tout le reste, c’est du rabe, à la cantine ou à l’auge…
94. — Mon Dieu, donnez-moi la force de vous échapper encore à mon dernier moment.
95. — Ce qu’il y a sans doute de plus ridicule dans les guerres, c’est qu’elles dépensent une énergie extravagante et mettent en jeu des moyens démesurés pour s’efforcer de tuer des gens qui, de toute façon, vont mourir.
96. — Plus encore qu’un rythme intime, le style est un déséquilibre assumé.
97. — Le temps n’est, au fond, qu’un complot de l’industrie horlogère suisse… ou la fatigue désormais insurmontable que nous éprouvons maintenant les uns à l’égard des autres.
98. — Pendant des siècles, la littérature, entre autres, a proposé à l’homme une image flatteusement complexe de lui-même. Bien plus complexe, en fait, que ne l’était, à chaque génération, la quasi-totalité des habitants de la planète. Depuis maintenant un demi-siècle, mais avec une nette accélération dans les vingt dernières années, la télé offre à l’homme une image ridiculement simplifiée, plus simple en fait que le plus simplet de ses spectateurs. Mais cette image fait foi de tout et régit l’entièreté de nos vies.
99. — Les gens ne savent plus vieillir. Et c’est pour ça qu’ils ne savent plus non plus ce que c’est d’être jeune. Ils flottent, incertains mais ravis, dans une petite éternité de bain-tourbillon qui applique à leur peur de mourir des massages d’âme réconfortants.
100. — La passion est le muscle de l’âme.
Notice biographique
Écrivain, sémioticien et chercheur, Jean-Pierre Vidal est professeur émérite de l’Université du Québec à Chicoutimi où il a enseigné depuis sa fondation en 1969. Outre des centaines d’articles dans des revues universitairesquébécoises et françaises, il a publié deux livres sur Alain Robbe-Grillet, trois recueils de nouvelles (Histoires cruelles et lamentables – 1991, Petites morts et autres contrariétés – 2011, et Le chat qui avait mordu Sigmund Freud – 2013), un essai en 2004 : Le labyrinthe aboli – de quelques Minotaures contemporains ainsi qu’un recueil d’aphorismes,Apophtegmes et rancœurs, aux Éditions numériques du Chat qui louche en 2012. Jean-Pierre Vidal collabore à diverses revues culturelles et artistiques (Spirale, Tangence, XYZ, Esse, Etc, Ciel Variable, Zone occupée). En plus de cette Chronique d’humeur bimensuelle, il participe occasionnellement, sous le pseudonyme de Diogène l’ancien, au blogue de Mauvaise herbe. Depuis 2005, il est conseiller scientifique au Fonds de Recherche du Québec–Société et Culture (F.R.Q.S.C.).