J’adore la séquence d’introduction de cet album (peut-être parce qu'elle me rappelle quelques souvenirs de jeunesse...). Jonathan A., le narrateur et double de l’auteur, se réveille à l’arrière d’une voiture, pendant qu’une naine d’un certain âge (pour ne pas dire d’un âge certain) lui tripote la braguette. Il ne sait pas comment il est arrivé là mais quand les flics viennent cogner au carreau, il prend ses jambes à son cou, trouve refuge sur la plage, s’allonge sous un ponton et s’enfouit dans le sable pour passer inaperçu.
Entre temps, il a commencé à raconter son histoire. Ses premiers déboires avec l’alcool, à 15 ans. Des bières partagées avec son meilleur copain. Il trouve le goût infect et vomit presque à chaque biture, mais boire le rend cool aux yeux des autres alors que d’habitude, il passe inaperçu. Puis vient son dépucelage (un fiasco), ses études, brillantes, jusqu’au diplôme obtenu à la prestigieuse fac de Yale. La mort de ses parents dans un accident de voiture est un tournant. Il part pour Paris avec l’argent de son héritage et s’abîme dans la boisson et la drogue. Retour au pays, cure de désintox. Des années de sevrage, un boulot de taxi à New Haven, la publication d’un premier roman, un polar fortement inspiré d’Hammett et Chandler. Un gros chagrin d’amour et c’est la rechute. Sans parler de la tragédie du 11 septembre qu’il vit en direct depuis le toit de son immeuble New-yorkais et la perte de Sal, son ami d’enfance, emporté par le sida. Une succession de coups durs et une plongée vertigineuse (vodka, bière, cocaïne et héroïne), dont il ne se remet pas…
Si vous me connaissez un peu, vous vous doutez que cet album me va comme un gant. Peut-être parce qu’Alcoolique est un roman graphique de mec. Entendons-nous, pas un mec plein de testostérone, sûr de lui, avançant gaillardement et franchissant les obstacles avec calme, maîtrise et maturité, mais plutôt un mec fragile, faible, lâche, incapable de sortir la tête de l’eau et possédant suffisamment de lucidité pour proposer une belle dose d’autodérision. Du loser comme je les aime, tellement paumé qu’il en devient touchant. Il pense qu’il va s’en sortir, se dit que chaque cuite sera la dernière en sachant pertinemment qu’il remettra le nez dans un verre à la première occasion. C’est à la fois triste et drôle, pathétique surtout, mais jamais geignard.
Contrairement au sujet, le dessin est sobre (oui, elle est facile mais je suis fatigué en ce moment…). Du noir et blanc réaliste aux cadrages maîtrisés. Pas de fioriture et une recherche d’efficacité qui fait mouche.
Confession sans pathos de la romance destructrice d’un homme avec la bouteille, Alcoolique est une vraie belle réussite. Premier roman graphique des éditions Toussaint Louverture (Mailman, vous vous rappelez ?), l’ouvrage est, comme toujours chez cet éditeur, d’une qualité de fabrication bien au dessus de la moyenne. Un objet livre-livre somptueux et un contenu à consommer sans modération ! (fatigué je vous dis…).
Alcoolique de Jonathan Ames et Dean Haspiel. Monsieur Toussaint Louverture, 2015. 144 pages. 22,00 euros.
Entre temps, il a commencé à raconter son histoire. Ses premiers déboires avec l’alcool, à 15 ans. Des bières partagées avec son meilleur copain. Il trouve le goût infect et vomit presque à chaque biture, mais boire le rend cool aux yeux des autres alors que d’habitude, il passe inaperçu. Puis vient son dépucelage (un fiasco), ses études, brillantes, jusqu’au diplôme obtenu à la prestigieuse fac de Yale. La mort de ses parents dans un accident de voiture est un tournant. Il part pour Paris avec l’argent de son héritage et s’abîme dans la boisson et la drogue. Retour au pays, cure de désintox. Des années de sevrage, un boulot de taxi à New Haven, la publication d’un premier roman, un polar fortement inspiré d’Hammett et Chandler. Un gros chagrin d’amour et c’est la rechute. Sans parler de la tragédie du 11 septembre qu’il vit en direct depuis le toit de son immeuble New-yorkais et la perte de Sal, son ami d’enfance, emporté par le sida. Une succession de coups durs et une plongée vertigineuse (vodka, bière, cocaïne et héroïne), dont il ne se remet pas…
Si vous me connaissez un peu, vous vous doutez que cet album me va comme un gant. Peut-être parce qu’Alcoolique est un roman graphique de mec. Entendons-nous, pas un mec plein de testostérone, sûr de lui, avançant gaillardement et franchissant les obstacles avec calme, maîtrise et maturité, mais plutôt un mec fragile, faible, lâche, incapable de sortir la tête de l’eau et possédant suffisamment de lucidité pour proposer une belle dose d’autodérision. Du loser comme je les aime, tellement paumé qu’il en devient touchant. Il pense qu’il va s’en sortir, se dit que chaque cuite sera la dernière en sachant pertinemment qu’il remettra le nez dans un verre à la première occasion. C’est à la fois triste et drôle, pathétique surtout, mais jamais geignard.
Contrairement au sujet, le dessin est sobre (oui, elle est facile mais je suis fatigué en ce moment…). Du noir et blanc réaliste aux cadrages maîtrisés. Pas de fioriture et une recherche d’efficacité qui fait mouche.
Confession sans pathos de la romance destructrice d’un homme avec la bouteille, Alcoolique est une vraie belle réussite. Premier roman graphique des éditions Toussaint Louverture (Mailman, vous vous rappelez ?), l’ouvrage est, comme toujours chez cet éditeur, d’une qualité de fabrication bien au dessus de la moyenne. Un objet livre-livre somptueux et un contenu à consommer sans modération ! (fatigué je vous dis…).
Alcoolique de Jonathan Ames et Dean Haspiel. Monsieur Toussaint Louverture, 2015. 144 pages. 22,00 euros.