Le Maître d’armes (One-shot)

Chronique « Le Maître d’armes »

scénario de Xavier Dorison, dessin de Joël Parnotte, couleurs de Christophe Bouchard,

Public conseillé : Adultes et adolescents

Style : Aventure dramatique
Paru aux chez Dargaud, le 2 octobre 2015, 96 pages couleurs, 16.45 euros
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L’Histoire

Paris 1535, période troublée de fin du moyen-âge, ou commencent à s’opposer la vision des “papistes” à ceux des protestants…
Sur le pré au clair, sous une pluie battante, deux hommes s’affrontent en duel. D’un coté, Hans Stalhoffer, le vieillissant “Maître d’armes” officiel du bon roi François premier. De l’autre, le comte Maleztrazza, prétendant à la fonction, qui compte obtenir la charge en tuant son rival.
Sous la brutalité de l’assaut, Maleztrazza brise son épée. Hans, bon joueur, lui accorde de changer d’arme avant de reprendre le combat. La nouvelle épée, une rapière plus légère que la lourde arme maniée à deux mains, lui donne un avantage évident. Dans un ultime corps à corps, les deux hommes font mouche. Stalhoffer a la gorge transpercée, le comte : la mâchoire…
Pour Hans, la blessure est sévère et il ne doit son salut qu’aux bons soins de Gauvin, son ami et médecin personnel du roi. Au vu de la gravité, il déclare forfait, laissant sa charge de “Maître d’armes” à son ennemis. Mais, cet abandon ne suffit pas ! Maleztrazza jure ses grands dieux qu’il aura sa vengeance…
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Des années plus tard, Gauvin de Brême passe un col dans les montagnes du Jura, convoyant le plus précieux des manuscrits, une bible traduite en langue “vulgaire”…

Ce que j’en pense

Vous aimez “Asgard”, “Long John Silver” et “Le troisième testament” ? Vous devriez être conquis par “Le Maître d’armes” !
Xavier Dorison (Joël Parnotte au dessin) nous offre une grande aventure, un “one shot” (prévu en deux tomes à l’origine, d’après mes petites infos personnelles) épique, dramatique et centrée sur l’humain, comme il sait si bien le faire.

Tout d’abord, il choisit une période historique riche en émotions et en changements : le milieu du 16e siècle. Cette fin du moyen-âge s’accompagne d’une nouvelle guerre… plus sourde, plus bête encore. Les “Hérétiques”, qui croient que Dieu n’est pas l’apanage des prêtres, sont systématiquement combattus et poursuivis par les “papistes”, catholiques bon teint, qui voient mal leur pouvoir s’effriter entre leurs mains.
C’est aussi la fin du monde, où chevaliers se battaient pour l’honneur, tandis que les fantassins modernes (avec leurs rapières légères) ne se battent que pour eux-mêmes…

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Dans ce contexte guerrier et sanglant, Dorison joue une partition connue, mais parfaitement maîtrisée. Il jette ses héros (Hans, le vieux chevalier déchu; Gauvin, le médecin éclairé et Casper, son jeune apprentis), nuitamment, dans les belles et dangereuses montagnes du Jura, pourchassés par un ennemis fou de vengeance (le conte de Giancarlo Massimo Alessandro di Maleztraza !).
Fuite, fausses-pistes, pièges et combats s’enchaînent dans une chasse à l’homme haletante et dramatique, aux multiples rebondissements.

Pour donner du sens et du réalisme aux nombreuses scènes de combats, Dorison et Parnotte ont potassé leur sujet (d’après mes petites notions en “art martial médiéval”). Postures de garde et de combat, engagement physique complet dans l’assaut, utilisation de tout ce qui traîne à portée de mains, ils le jouent réaliste et « organique ». Anti-romanesque, leur approche du combat n’est pas sans me rappeler les films “La chair et le sang” de Paul Verhoeven ou “Les Duellistes” de Ridley Scott.

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L’action est très présente bien entendu dans ce “survival” musclé, mais “Le Maître d’armes”, ce n’est pas que ça. Outre les réflexions sur le changement d’époque, l’honneur perdu et les affrontements au nom de Dieu, Xavier Dorison compose de beaux personnages, dans la thématique de l’initiation. Subtils et complexes, les portraits du vieux maître d’armes et du jeune intellectuel Casper s’enrichissent l’un l’autre en apprenant à se connaître. Ce n’est pas Yoda et Luke Skywalker qui vont diront le contraire…

vertic01Au dessin, Joël Parnotte a sacrément évolué. L’auteur des “Aquanautes” (avec Vincent Mallié) et du “Sang des Porphyres” (avec Balac) nous offre un trait réaliste, mais nerveux et un peu “brouillé”.
Energique, presque “organique”, il s’adapte au récit en jouant sur les plans. La mise-en-scène, dynamique et dense. est purement efficace et très lisible au long des 94 planches.
Les personnages ne sont pas en reste. Gueules tordues, ridées, fripées et hirsutes, elles sont très expressives. L’utilisation de plans horizontaux très serrés sur les yeux fait monter la tension, et met en valeur ce travail.
Les décors sont au cordeaux. Perspective et composition, Joël use de tout, et à bon escient. Ses scènes nocturnes de fôret, sont prégnantes et immersives.
Enfin, sa mise-en-couleur numérique baigne la montagne dans des bleus-nuits froids et de rouges sangs. Pour un peu, on prendrait sa petite laine.

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