La Vanoise ? Non, merci !

Par Folfaerie

Le parc national de la Vanoise me fascine depuis longtemps. Des paysages à couper le souffle, une faune sauvage préservée… J’ai dit « préservée » ? Et bien je me trompais.

J’avais programmé un séjour en Vanoise au printemps 2016. Je n’irai pas. Cette année, je suis allée à Venise. Je dois retourner en Italie, à Rome, l’année prochaine. Et bien, figurez-vous que je vais ajouter une visite supplémentaire en 2016 dans ce beau pays qu’est l’Italie. J’irai dans les Abruzzes, ou ailleurs, randonner sur les traces des loups et des ours.

Bon, je vous entends penser, « mais quel rapport entre l’Italie et la Vanoise ? et quelle mouche pique Folfaerie ? ». Et bien, la mouche, elle est là, cachée dans ce billet d’Yves Paccalet, paru sur son blog.

Bonne lecture et promis, je ramènerai de belles photos d’Italie…

source : bellitalie.org

Vanoise : le coup de fatigue du vieux loup !

Posted on by Yves Paccalet

1er octobre

Je contemple la montagne par la vitre de mon bureau. La Vanoise est sublime : alpages lavés d’ocre et de rouge, sommets bleu marine, avec des rochers niellés de névés reblanchis par la neige fraîche. Et là-bas…, là-bas…, l’énormité (oui, encore !) des glaciers du Pelve et de Chasseforêt, qui baisent un nuage comme en un rêve de Baudelaire…

Un aigle tourne au-dessus des épicéas. Hier, un gypaète nous a rendu visite. Derrière la maison, deux biches et deux chevreuils ont brouté dans le pré. Scènes de paix. Nature aimable. Mais sale temps de fatigue sur la bête écolo que je continue d’héberger !

Hier, mercredi 30 septembre, j’étais à Chambéry. J’ai passé la matinée assis sur une chaise, et pas pour rigoler… Nous avions une réunion du Bureau, puis du Conseil d’Administration du Parc national de la Vanoise.

Je néglige les dossiers annexes. Le premier gros morceau a consisté à dresser le constat d’un échec dévastateur : celui du vote des communes sur la Charte d’adhésion. Vingt-neuf étaient concernées. Deux ont dit « oui » : Peisey-Nancroix et Saint-Martin-de-Belleville. Les autres, même celles dont le maire était « pour » (Champagny, Termignon, Aussois…), même celle dont je suis conseiller municipal (Bozel), ont répondu « non ». Le directeur du Parc, Emmanuel Michau, en avait les larmes aux yeux. Le président, Guy Chaumereuil, tentait de faire bonne figure. Le jeune maire de Peisey-Nancroix, Laurent Trésallet, nous a gratifiés d’une intervention enthousiaste, positive, tournée vers l’avenir et pleine de sagesse, qui m’a mis du baume au cœur. Il en aurait fallu d’autres. Le Parc national de la Vanoise constitue une triste exception. Il est le seul, parmi les dix de la France, dans lequel les municipalités n’ont pas adhéré à au moins 75 %. J’ai déclaré au Conseil que j’aurais préféré être Guadeloupéen puisque, là-bas, le « oui » l’a emporté à 100 % !

Les efforts que nous avons pu faire (discours, réunions publiques, articles, pétitions…) sont restés vains. Nous nous sommes heurtés, année après année, aux mêmes récriminations aigries, répétées, recyclées, ressassées ad nauseam… J’en rappelle quelques-unes : le Parc gêne nos projets de développement. Nous refusons une couche supplémentaire de règlements. Les Parigots n’ont pas à nous dicter leur loi. Notre économie, c’est le ski. Le Parc de la Vanoise, nous l’aimons à tel point que nous voulons l’étrangler…

À peine avalée l’amertume du rejet de la Charte, et de la dégradation collatérale de l’image de la Savoie aux yeux du monde, il a fallu évoquer un scandale : la séquestration du directeur du Parc, de son président et d’un de ses agents (Frank Parchoux). Cela s’est passé à Bramans, en Maurienne, dans la nuit du 1er au 2 septembre. Les trois hommes ont été retenus pendant 15 heures par un groupe d’éleveurs de brebis qui exigeaient de pouvoir abattre cinq loups. Guy Chaumereuil nous a raconté, avec pudeur mais sans fard, que les preneurs d’otages se sont conduits en brutes vociférantes et méprisantes, qui insultaient non seulement la fonction des détenus, mais leur personne. Ces hors-la-loi, hélas, ont obtenu ce qu’ils voulaient, et le droit de massacrer non pas cinq, mais six loups. En séance, le préfet de la Savoie, Éric Jalon, nous a assurés (dont acte) qu’au contraire de ce que prétend la rumeur, il n’a pas négocié tant que la séquestration était en cours.

J’ai demandé que le Conseil d’Administration réprouve solennellement ces violences et proclame sa solidarité avec les victimes de la séquestration. Vous le croirez si vous voulez : la résolution a été adoptée, mais certains administrateurs ont voté contre. Je leur souhaite du courage lorsqu’ils voudront condamner les illégalités des banlieues ou les enlèvements de Daesh.

Le troisième sujet venait dans le fil du précédent : le loup. Oui « le » : c’est ainsi qu’on singularise la chose, l’espèce animale ou l’humain qu’on désire éliminer. « Le » cancer. « Le » migrant. « Le » loup… Le Parc national de la Vanoise aide les éleveurs. Il leur propose une série de mesures positives, notamment des aides au gardiennage des troupeaux. Cependant, pour nombre de bergers, il n’existe nulle autre solution que l’extermination du prédateur. La tuerie a déjà commencé, et pas seulement en Savoie. J’ai indiqué qu’en France, nous avons moins de 300 loups, et que la population de l’espèce a même diminué en 2015 par rapport à 2014. J’ai rappelé qu’en Italie, les loups sont 1 500, et 2 000 en Espagne ; et que, dans ces deux pays, ils causent bien moins de souci qu’en France. J’ai affirmé, de surcroît, qu’à mes yeux il existe deux lignes rouges : primo, je refuse qu’on remette en question le statut de protection de Canis lupus (et la Convention européenne de Berne dont la France est signataire) ; et, secundo, je n’admets pas qu’on autorise des chasseurs à fusiller l’animal dans le cœur du parc.

Vous me croirez ou non, mais dans la résolution votée par le Conseil d’Administration, deux phrases ambiguës laissent entendre qu’on pourrait, primo « faire évoluer » le statut du loup en tant qu’espèce protégée ; et, secundo, que la question de sa traque dans le cœur du parc « ne doit pas être un préalable à la discussion ».

La bête écolo qui s’agite en moi depuis des décennies donne des signes de lassitude. Mes indignations s’effritent à force de se briser sur le mur des saccages, des pollutions et des violences faites à la Beauté. Je fatigue. Mes cris rageurs se muent en couinements de chiot. Le loup qui hurlait dans ma cervelle et par ma bouche n’est plus capable d’émettre que des gémissements pitoyables. Mon âme a compris que les fusils se rapprochent, que le béton et la bagnole gagnent la bataille, que le fric assoit son empire, et que mes petits-enfants ne connaîtront jamais les plaisirs que j’ai connus quand j’étais petit sauvageon en liberté dans la montagne.