« Pas dans le cul aujourd’hui / j’ai mal / et puis j’aimerais d‘abord discuter un peu avec toi / car j’ai de l’estime pour ton intellect. »
Le premier vers de ce poème donne ici son titre à une longue lettre d’amour. Car ce texte est bien une seule et unique lettre d’amour adressée par Jana Cerna à son amant Egon Bondy au début des années 60. Cerna, icône de la culture underground pragoise décédée dans un accident de la route en 1981, écrit à celui qui vient à peine de la quitter mais lui manque déjà tant. « J’ai commencé à écrire cette lettre qui n’a ni rime ni raison, où je ne veux rien révéler ni rien résoudre, mais je ne crois pas qu’il y ait besoin d’explication, tu comprendras sûrement et ça ne te posera pas de problème. »
Elle revendique l’impossibilité de séparer le désir physique, la sexualité et l’intellect, exprime son refus de se soumettre à la primauté masculine, défend le pouvoir de l’imagination tant malmené par le stalinisme et invite à lier de manière inéluctable et naturelle poésie et philosophie. Une prise de position sans concession, parfois mystique, pleine de souffle et de vitalité, traversée par des passages dignes d’une confession amoureuse des plus touchantes : « Je me sens bien et j’ai la certitude que tout est pour le mieux, qu’il n’arrivera jamais rien qui ne doit arriver. Je ne peux pas te perdre et toi, tu ne peux pas me perdre, l’état des choses et ceux qui s’en prévalent n’y peuvent plus rien, nous sommes arrivés à un tel point que c’est sûr et certain. Comment cela arrivera n’est pas de notre ressort, je n’ai aucune intention de forcer le destin et je m’accorde le luxe de cette insouciance d’un cœur léger. » ou encore « il faut savoir aimer et j’ai payé cher pour l’apprendre, je ne sais pas si j’ai réussi, mais ce dont je suis sûre et certaine, c’est que ce temps et ce prix-là m’ont permis de comprendre ce que c’est que d’aimer et que tu es le seul homme avec qui je puisse avoir une relation digne de ce mot profané et banal, mais pourtant clair et précis. »
Dans le dernier tiers, elle se lance dans une énumération érotique de ses envies et de sa frustration due à leur éloignement avec une incroyable liberté de ton : « Pourquoi sacredieu n’est-je pas ta langue dans ma chatte alors que c’est mon plus ardent désir, pourquoi je ne sens pas la chatouille douloureuse de ta morsure sur la plante de mes pieds, pourquoi je ne peux pas te tendre mon cul pour que tu le possèdes, le morde, l’étrilles et l’arroses de ton sperme ? » / « Je voudrais te coucher sur le dos et te mordiller les tétons, lécher le fond de ton nombril et prendre tout à tour chacune de tes couilles dans ma bouche jusqu’à te faire geindre. »
Cette lettre d'une sincérité et d'une force d'évocation remarquable dresse le portrait d'une femme libre et indomptable, d'une femme amoureuse et insoumise, d'une femme incapable de se comporter de manière raisonnable. Une femme moderne, quoi.
Pas dans le cul aujourd’hui de Jana Cerna. La contre allée, 2014. 92 pages. 8,50 euros.
Une lecture commune que j'ai l'immense plaisir de partager avec Moka en ce premier mardi du mois où, grâce à Stephie, tout est permis !
Le premier vers de ce poème donne ici son titre à une longue lettre d’amour. Car ce texte est bien une seule et unique lettre d’amour adressée par Jana Cerna à son amant Egon Bondy au début des années 60. Cerna, icône de la culture underground pragoise décédée dans un accident de la route en 1981, écrit à celui qui vient à peine de la quitter mais lui manque déjà tant. « J’ai commencé à écrire cette lettre qui n’a ni rime ni raison, où je ne veux rien révéler ni rien résoudre, mais je ne crois pas qu’il y ait besoin d’explication, tu comprendras sûrement et ça ne te posera pas de problème. »
Elle revendique l’impossibilité de séparer le désir physique, la sexualité et l’intellect, exprime son refus de se soumettre à la primauté masculine, défend le pouvoir de l’imagination tant malmené par le stalinisme et invite à lier de manière inéluctable et naturelle poésie et philosophie. Une prise de position sans concession, parfois mystique, pleine de souffle et de vitalité, traversée par des passages dignes d’une confession amoureuse des plus touchantes : « Je me sens bien et j’ai la certitude que tout est pour le mieux, qu’il n’arrivera jamais rien qui ne doit arriver. Je ne peux pas te perdre et toi, tu ne peux pas me perdre, l’état des choses et ceux qui s’en prévalent n’y peuvent plus rien, nous sommes arrivés à un tel point que c’est sûr et certain. Comment cela arrivera n’est pas de notre ressort, je n’ai aucune intention de forcer le destin et je m’accorde le luxe de cette insouciance d’un cœur léger. » ou encore « il faut savoir aimer et j’ai payé cher pour l’apprendre, je ne sais pas si j’ai réussi, mais ce dont je suis sûre et certaine, c’est que ce temps et ce prix-là m’ont permis de comprendre ce que c’est que d’aimer et que tu es le seul homme avec qui je puisse avoir une relation digne de ce mot profané et banal, mais pourtant clair et précis. »
Dans le dernier tiers, elle se lance dans une énumération érotique de ses envies et de sa frustration due à leur éloignement avec une incroyable liberté de ton : « Pourquoi sacredieu n’est-je pas ta langue dans ma chatte alors que c’est mon plus ardent désir, pourquoi je ne sens pas la chatouille douloureuse de ta morsure sur la plante de mes pieds, pourquoi je ne peux pas te tendre mon cul pour que tu le possèdes, le morde, l’étrilles et l’arroses de ton sperme ? » / « Je voudrais te coucher sur le dos et te mordiller les tétons, lécher le fond de ton nombril et prendre tout à tour chacune de tes couilles dans ma bouche jusqu’à te faire geindre. »
Cette lettre d'une sincérité et d'une force d'évocation remarquable dresse le portrait d'une femme libre et indomptable, d'une femme amoureuse et insoumise, d'une femme incapable de se comporter de manière raisonnable. Une femme moderne, quoi.
Pas dans le cul aujourd’hui de Jana Cerna. La contre allée, 2014. 92 pages. 8,50 euros.
Une lecture commune que j'ai l'immense plaisir de partager avec Moka en ce premier mardi du mois où, grâce à Stephie, tout est permis !