Billet de Maestitia, par Myriam Ould-Hamouda…

Par Chatquilouche @chatquilouche

Au royaume des dépeuplés, les absents parlent toujours très fort ; mais à chaque fois dans une langue étrangère. Leur regard se drape d’un bleu-océan qu’on n’avait jamais perçu quand on se bouchait le nez et qu’on fermait les yeux avant d’y plonger. Leur sourire dévoile des crocs qui, même lors de nos baisers les plus fougueux, ne nous avaient jamais mordus. Leur peau creuse des sillons le long desquels on glisse pour la première fois, comme leurs mains baladeuses ne nous retiendront plus jamais. Le silence est un gouffre où les souvenirs qui ne bêlent plus se jettent tête la première. En pensant que peut-être ils pourront, tout au fond, y faire pousser une fleur ou trouver le repos.

Mais le gouffre, à force d’être rempli d’espoir de tord-boyaux ou de larmes trop salées, finit par déborder et les souvenirs remontent à la surface avec les yeux qui brillent sous le fard à paupières. Au royaume des dépeuplés, les absents parlent toujours très fort ; mais le monde et ses gros sabots font encore plus de bruit. Et il y a des matins où je voudrais tant que tu sois encore là de l’autre côté du lit pour poser tes mains sur mes oreilles et le faire taire un peu ; comme il y a des soirs où je foutrais bien des coups de pied au cul de ton fantôme qui me pique toute la couette et ronfle si fort que je ne t’entends plus me glisser un je t’aime sous l’oreiller qui pèse un kilo de plombs depuis.

Dans ce monde où la raison porte un diadème, le plaisir a toujours tort. Et même si mon cœur ne pèse pas bien lourd, à chaque fois que je monte sur la balance c’est toujours « error » qui s’affiche sur l’écran. Il y a ceux qui m’aiment bien qui me suivent d’un peu trop près et qui me font flipper avec leur imper beige de l’autre côté de la cour de récré. Il y a ceux qui me surprennent et que je finis toujours par aimer, mais, comme c’est toujours dans cet excès qui fait un doigt (celui du milieu) à la modération, ils finissent toujours tous par détaler comme des lapins.

Il y a vous, il y a moi, à la terrasse d’un café le long d’un chemin escarpé sur une peau de bête à côté du bois qui craque dans la cheminée, mais c’est toujours la peur qui a le dernier mot comme on n’est pas foutus de faire ce premier pas parce que personne ne pose jamais ses mains sur nos hanches. La piste de danse est vide et, le long des murs qui n’en peuvent plus d’être rasés de frais, il y a le monde, toi et moi. Ce monde qui parle si fort pour ne jamais rien dire pour fuir ce silence qui fait trop de bruit, toi qui ne dis rien mais qui n’en penses pas moins, qui as pourtant le rythme dans la peau, et moi qui rêve en secret d’être une petite souris des villes, des champs ou d’égouts, juste pour pouvoir me glisser le long de tes nuits d’insomnie, pousser ce premier cri et me jeter tête la première dans tes bras engourdis.

Notice biographique

Myriam Ould-Hamouda (alias Maestitia) voit le jour à Belfort (Franche-Comté) en 1987. Elle travaille au sein d’une association pour personnes retraitées où elle anime, entre autres, des ateliers d’écriture.  C’est en focalisant son énergie sur le théâtre et le dessin qu’elle a acquis et développé son sens du mouvement, teinté de sonorités, et sa douceur en bataille — autant de fils conducteurs vers sa passion primordiale : l’écriture. Elle écrit comme elle vit, et vit comme elle parle.  Récemment, elle a créé un blogue Un peu d’on mais sans œufs, où elle dévoile sa vision du monde à travers ses mots – oscillant entre prose et poésie – et quelques croquis,  au ton humoristique, dans lesquels elle met en scène des tranches de vie : http://blogmaestitia.xawaxx.org/

(Une invitation à visiter le jumeau du Chat Qui Louche :https://maykan2.wordpress.com/)