Pensée assise, de Mathieu Robin (2005)

Après avoir lu Ses griffes et ses crocs et en avoir échangé avec son auteur, ma curiosité littéraire a été chatouillée et j'ai eu envie de découvrir Pensée assise, son premier roman, que je savais être d'un tout autre genre.

(Pour faire court, Ses griffes et ses crocs est dirigé vers un public à partir de 12 ans, c'est une aventure angoissante qui fait appel à l'imaginaire et aux peurs primaires ; Pensée assise, plutôt pour ados et jeunes adultes, est une histoire d'amour, un roman intimiste et social sur fond de handicap).

Pensée assise a été une lecture plutôt déstabilisante.

    Ce à quoi je m'attendais :
  1. Deux adolescents excentriques et mal dans leur peau ;
  2. une histoire romantique et drôle ;
  3. des bons sentiments ;
  4. une fin lacrymale.
Pensée assise, de Mathieu Robin (2005)

En somme, je m'attendais à un roman tel que ceux* qui ont submergé (et continuent de submerger) le rayon YA " réaliste " après Nos étoiles contraires, même si Pensée assise lui est antérieur. Mais, erreur !

  1. Un jeune rageux à des kilomètres de rappeler le beau-gosse décalé, cultivé, et plein d'attentions, que l'on rencontre dans ces romans ;
  2. Une narration type " voix off " posée sur des scènes du quotidien, qui donne à l'histoire une teneur un rien éthérée ;
  3. Un personnage principal amer à l'humour pur arabica, et totalement dans le déni de son handicap ;
  4. Une fin délicate.

Pensée assise, de Mathieu Robin (2005)Pensée assise raconte à la première personne l'histoire de Théo, vissé en position assise depuis un accident, qui se traîne non seulement son fauteuil, mais aussi sa colère de le traîner, son exaspération face à la sollicitude ambiante, et son dédain railleur des autres handicapés. Il passe son temps à mettre tout le monde en boîte. Et juste quand il s'apprête à renoncer à l'amour, il rencontre une jolie russe.

Dès lors, il développe une obsession : trouver un moyen de l'embrasser à hauteur d'homme. Il va pour cela recourir à tous les subterfuges...

Pensée assise, de Mathieu Robin (2005)
  1. C'est inventif, ça change totalement des romans d'amour adolescents habituels ;
  2. La voix inédite qui, pour une fois, n'est pas celle d'une personne en osmose avec son handicap mais, au contraire, d'un mec qui a limite envie de crever ses propres pneus ;
  3. Ce que j'ai préféré, c'est le moment de " retournement " où on réalise combien habile était la scénarisation, car tout ce temps, on se disait exactement, sans trop oser, " Mais quel c... ! ". Et, oui, c'est justement sur ça que tout repose. Car, pourquoi accepterait-on le sale caractère de Théo, hmm ?
HABILE, BILL.Pensée assise, de Mathieu Robin (2005)

Bon, depuis, j'en ai discuté avec l'auteur, et ce que j'ai ressenti comme une fine manipulation ne serait que fortuit. Étonnant. Mais j'ai tout de même grandement apprécié cet aspect.

  1. Théo est un rageux, et ça peut rapidement vous courir sur le haricot. On attend qu'il reçoive la claque révélatrice... et effectivement, elle arrive ! Mais elle peut sembler un peu longue à venir.
  2. Le côté " voix off " fait du lecteur un spectateur et, parfois, donne un côté distant à la narration.

Pensée assise a les qualités d'un roman d'amour social, intime et original, et les défauts de ses qualités. En outre, le style un rien cinématographique fait qu'il se traverse comme un film. Et ce n'est pas un hasard, car il s'agit de la novélisation du film du même nom dont Mathieu Robin était le scénariste !

Je vous invite à revenir dans deux jours pour lire l'interview exclusive que Mathieu Robin a consacré à Allez Vous Faire Lire. Sur le blog le 6 octobre !

Pensée assise, de Mathieu Robin (2005)

Il y parle de ses deux romans, mais aussi de sa relation à l'écriture, de l'influence de son métier de scénariste, de Stefan Zweig et Stephen King, et des radeaux qui sont difficiles à manœuvrer sur la mer immense.

Si-si, tout ça a un sens, je vous jure.

D'ici là, restez curieux, et... Bonne lecture !

Lupiot Pensée assise, de Mathieu Robin (2005)

Pensée assise, de Mathieu Robin, chez Actes Sud Junior, 2005, 85 pages

* Romans qui peuvent d'ailleurs être très bons. Dans le genre John Green, je vous recommande, entre autres :

  1. Les originaux du senseï, notamment Qui es-tu Alaska ? ;
  2. Les romans que je vous recommande si vous avez aimé Nos étoiles contraires ;
  3. Eléanor & Park, de Rainbow Rowell, et les romans du même genre que je vous conseille dans ce billet ;
  4. Cœurs brisés têtes coupées, de Robyn Schneider (et, vraisemblablement, son roman à paraître (que je zieute sur mon étagère), Extraordinary means) ;
  5. Tous nos jours parfaits, de Jennifer Niven ;
  6. Les romans de David Levithan ;
  7. Les romans ados de Marie-Aude Murail, notamment La fille du docteur Baudoin et Oh, Boy !
  8. Certains romans de l'excellente Meg Rosoff, par exemple Au bout du voyage ;
  9. Ma mère, le crabe et moi, d'Anne Percin, que je reviendrai vous critiquer très bientôt.