Soyons clair, j’ai adoré le personnage de Seki version « homme-enfant ». Son absence du monde, son absence d’ambition, son absence d’esprit de compétition, sa philosophie de vie : « Je ne remplis guère mon temps vacant. Le plus souvent, j’observe le monde en proximité. Je n’agis pas sur lui, n’essaie pas de le modifier. Pas l’envie, la volonté de ça. Je laisser aller. » Beaucoup verraient dans ce comportement la parfaite tête à claques. Ce n’est pas du tout mon cas. Je le trouve parfaitement attendrissant, en décalage complet par rapport à une société japonaise vibrionnante et en perpétuel mouvement où une très grande majorité fait de la réussite sociale sa raison d’être. Lui ne regarde pas les choses de haut, en donneur de leçon, il les regarde de loin, en spectateur peu, voire pas du tout concerné. C’est peut-être une posture facile à tenir, une posture de l’évitement, mais c’est une posture qui me parle énormément.
« Délicatesse » est sans doute le mot qui qualifie le mieux ce premier roman. Par le traitement de son sujet d’abord, et par son écriture ensuite. Une écriture légère, en apesanteur, d’une limpidité qui fait mouche. Pas de grands développements, on va à l’essentiel, peu de mots suffisent à dire l’intime, l’amour, les liens familiaux indestructibles malgré les apparences. C’est d’une rare subtilité, sans afféterie plombante. Une magnifique découverte, je suis tombé sous le charme de ce texte à la fois simple et lumineux !
Kokoro de Delphine Roux. Picquier, 2015. 114 pages. 12,50 euros.