Chronique « Le Circuit Mandelberg »
scénario de Denis Robert, dessin de Franck Biancarelli,
Public conseillé : Adultes / grands adolescents
Style : Thriller fantastique
Paru aux chez Dargaud, le 2 octobre 2015, 128 pages couleurs, 19.99 euros
Share
L’Histoire
Il y a longtemps, au “picollo Teatro”, le magicien Tornicelli fait revivre des animaux morts. Le biologiste Luigi Galvani en comprend le principe : une décharge électrique anime les charognes. Cette découverte le met sur les rails d’une des plus grandes révolutions scientifiques : le système nerveux n’est qu’un réseau de transmissions électriques.
249 ans plus tard, l’équipe de Basket des Pills d’Istambul joue à domicile contre le leader Galatasaray. Steve Moreira, le pivot d’Istambul feinte, dribble et marque un point décisif. A Padenborn, principale mégapole de l’Est européen, et ville d’origine de Steeve, tous les yeux sont rivés sur les exploits qu’enchaînent le numéro 5.
Dans son manoir, sur les hauteurs de Padenborn, le très vieux et très riche Paul Netter observe lui aussi le match car Moreira est son choix numéro 1.
Ce que j’en pense
Waouu, ça c’est du scénario ! Denis robert, journaliste d’enquêtes politiques, romancier et auteur de documentaires, se sert de sa culture sur la neuroscience pour nous offrir un grand roman d’anticipation en bande dessinée.
Protéiforme, bourrée de références, de personnages et même d’interrogations philosophiques, cette anticipation (pas si lointaine) et parfaitement crédible interroge nos connaissances sur le cerveaux et son fonctionnement (très organique).
Il imagine le moment où nous serons en mesure de stocker notre mémoire dans un ordinateur et donc la transférer dans un autre corps. Dit en d’autres termes, le moment où l’homme deviendra immortel ! Seul inconvénient à cette avancée technologique, il faut trouver un nouveau réceptacle corporel quant l’ancien nous lâche…
Tout en amenant son intrigue, Denis Robert construit, avec force détail, le contexte. L’évolution géopolitique du monde et ses conséquences sociales, le pourrissement du sport-spectacle, il décrit un monde ravagé par les migrations de populations et l’accroissement du faussé riches/pauvres. Malheureusement crédible et documenté, cet univers (si proche) est parfaitement mis en image par Franck Biancarelli : Ni trop délirant (c’est de l’anticipation, pas de la SF), ni trop proche de nous.
Mais c’est surtout l’évolution psychologique du jeune basketteur Steeve Moreira, star de sa équipe d’Istamboul, qui l’intéresse. Cet athlète sera ce premier cobaye. Reste à savoir comment il acceptera cette condition sans retour et deviendra un jouet entre les mains expertes de Paul Netter et Mandelberg, son directeur scientifique ?
Denis Robert imagine un cheminement psychologique tout à fait acceptable. Entre dangers extérieurs, aides et protection de Paul Netter, Steeve change progressivement d’avis envers ce milliardaire obsédé par la mort, pour voir en lui une figure paternelle de substitution…
Tout au long des 120 pages de l’album, Denis Robert pose un univers, remplis de situations et de personnages complexes et cohérents. Il va falloir s’accrocher !
Il est évident que Denis Robert maîtrise son sujet. Découpé en chapitres, chaque acte de l’album est introduit par un texte d’un scientifique. Entre essais philosophique et réflexion scientifique, les textes participent à la dimension introspective de l’album. Thriller mouvementé, oui, mais interne et intelligent aussi. Car cette fiction nous interroge aussi sur des sujets profonds. Qu’est ce que l’identité, la personnalité, la mémoire et pourquoi pas l’âme humaine ?
Proposer un tel niveau de réflexion dans un album de BD, en conservant un bon niveau d’action, moi je dis chapeau, Mr Denis Robert !
Coté dessin, nous retrouvons Franck Bianckarelli sur ce pavé au long cours de 120 pages. L’auteur de “Galfadek”, “Le livre des destins” et “Dunk” assure le boulot avec un niveau très pros.
Son dessin classique et réaliste, à l’encrage plutôt marqué, marche bien dans ce thriller entre humain et technologie.
Même si je trouve certains de ces visages un peu “rigides” de temps en temps, son trait est parfaitement adapté au récit de Denis. Scènes sportives dynamiques, Actions musclées et nombreuses scènes plus sobres d’explication, il varie ses approches et trouve la bonne distance avec son sujet.
Son dessin est d’ailleurs de facture changeante quant le sujet l’exige (appréciez les scènes de labo hyper technophiles).
Pour résumer, Franck Bianckarelli nous offre un dessin de bonne facture, qui remplit son rôle : servir une histoire complexe, sans en faire trop, et veiller à maintenir un niveau de compréhension toujours optimal.