Sophie est dans la dèche. Et pas qu’un peu. Chômage, RSA, factures qui s’accumulent, compte en banque au bord du précipice. Pâtes ou riz à tous les repas, aucune sortie possible, aucun loisir, aucun homme dans sa vie en dehors d’Hector, son meilleur ami dans la même situation qu’elle. Pas la joie donc, dans son studio lyonnais de douze mètres carrés, mais elle fait avec. La colère est contenue mais bien présente. Elle narre sa vie au jour le jour, la débrouille, la lutte contre la faim, la pauvreté qui, une fois qu’elle vous est tombée sur le dos, ne vous lâche plus. Elle décrit les méandres kafkaiens de Pôle Emploi, les non-dits face à la famille (pas question de faire pitié, de demander de l’aide, de les entendre la plaindre ou l’enfoncer) et un retour à l’emploi plutôt mouvementé dans le monde de la restauration. Jubilatoire !
Jubilatoire, oui. Parce que le ton n’est pas larmoyant. Il est drôle, enlevé, direct. La précarité n’est certes pas des plus joyeuses mais ici elle est racontée dans une langue explosive, une construction foutraque pleines de digressions potaches, de listes interminables, de néologismes, de prise à partie (ou à témoin) du lecteur, de changement intempestif de typographie, d’interventions d’un diable à la langue bien pendue, j’en passe et des meilleures. Ça pourrait être du grand n’importe quoi, ça devrait être du grand n’importe quoi, et pourtant ça se tient car l’ensemble relève d’une forme d’humour très pointue et très maîtrisée.
D’habitude, ce romanesque débridé n’est pas ma tasse de thé et j’avoue que je suis rentré dans ce texte sur la pointe des pieds. Mais très vite mes réticences sont tombées. Parce qu’au milieu d’une liberté formelle déroutante, le propos n’en reste pas moins pertinent et la description de la dèche particulièrement précise. En gros, c’est cocasse mais lucide. Extrêmement lucide même. L’équilibre semblait impossible à trouver. On marche tout du long sur un fil et j’étais certain d’en tomber à un moment donné. Ce n’est jamais arrivé. La prose se révèle aussi énergique que nerveuse et au final je me suis régalé d’un roman picaresque à souhait.
Quand le diable sortit de la salle de bain de Sophie Divry. Notabilia, 2015. 310 pages. 18,00 euros.
Jubilatoire, oui. Parce que le ton n’est pas larmoyant. Il est drôle, enlevé, direct. La précarité n’est certes pas des plus joyeuses mais ici elle est racontée dans une langue explosive, une construction foutraque pleines de digressions potaches, de listes interminables, de néologismes, de prise à partie (ou à témoin) du lecteur, de changement intempestif de typographie, d’interventions d’un diable à la langue bien pendue, j’en passe et des meilleures. Ça pourrait être du grand n’importe quoi, ça devrait être du grand n’importe quoi, et pourtant ça se tient car l’ensemble relève d’une forme d’humour très pointue et très maîtrisée.
D’habitude, ce romanesque débridé n’est pas ma tasse de thé et j’avoue que je suis rentré dans ce texte sur la pointe des pieds. Mais très vite mes réticences sont tombées. Parce qu’au milieu d’une liberté formelle déroutante, le propos n’en reste pas moins pertinent et la description de la dèche particulièrement précise. En gros, c’est cocasse mais lucide. Extrêmement lucide même. L’équilibre semblait impossible à trouver. On marche tout du long sur un fil et j’étais certain d’en tomber à un moment donné. Ce n’est jamais arrivé. La prose se révèle aussi énergique que nerveuse et au final je me suis régalé d’un roman picaresque à souhait.
Quand le diable sortit de la salle de bain de Sophie Divry. Notabilia, 2015. 310 pages. 18,00 euros.