The Kingmaker’s Daughter (La fille du faiseur de roi) Pilippa Gregory, 2012

Par Sevxilian

Rappelez-vous… J’étais tombée par hasard sur The White Queen, qui retrace la vie d’Elizabeth Woodville, et en parallèle, la Guerre des Roses, en flânant dans la librairie de l’aéroport. J’avais tellement aimé que je m’étais jetée sur les deux autres romans composant cette trilogie: The Red Queen et The Lady Of The Rivers.

Je croyais que c’était une trilogie… mais non! Trois autres romans sont venus s’ajouter, en faisant une « sixologie » (parfaitement, c’est dans le dictionnaire… En tout cas dans le mien!).

The Kingsmaker’s Daughter (La Fillle Du faiseur De Roi) est donc le quatrième opus de cette saga dédiée aux femmes fortes qui ont joué un rôle majeur dans la Guerre des Roses, en Angleterre.

Acheté sur un coup de tête à ma pause de midi avec les deux autres volumes qui complètent cette série…


Résumé: On suit le destin d’Anne Neville, fille cadette de Richard Warwick, dit « le faiseur de roi ». Anne est un pion pour son ambitieux de père, qui la marie très jeune à un prétendant au trône d’Angleterre. Après le décès de celui-ci lors d’une bataille, Anne sera trimballée de cage dorée en cage dorée et dépossédée de sa fortune. Mais en se libérant de son carcan, elle trace elle-même son destin, et parvient enfin à satisfaire l’ambition de son père: monter sur le trône d’Angleterre.

Si vous ne souhaitez pas connaître toute l’histoire, sautez la partie suivante pour vous rendre directement à la section « Mon avis ».


L’histoire (spoiler alert): Anne grandit dans l’ombre de sa soeur aînée, Isabel, qui est très belle. Elle sont très complices. Elle grandit aussi dans une ambiance de guerre, avec un père ambitieux, qui n’a de cesse de trouver un moyen de contrôler le trône d’Angleterre, à défaut de pouvoir y monter lui-même.

Richard Neville de Warwick est cousin du duc d’York, prétendant au trône contre la représentante de la dynastie ennemie des Lancastre, Margaret d’Anjou. La petite Anne grandit en entendant des contes terrifiants sur « la louve » d’Anjou, aussi appelée « la méchante reine » par Anne et Isabel. Elle en fait des cauchemars.

Son père, dévoré par l’ambition, guide les trois fils du défunt Duc d’York, Edward, George et Richard, pendant la bataille, et met sur le trône l’aîné, Edward. Ainsi, son ambition est satisfaite, il peut gouverner au travers d’Edward, qu’il croit acquis à sa cause.

Warwick est en pleine négociation avec les français pour qu’Edward épouse une princesse française, et ses filles Isabel et Anne sont fiancées à George et Richard, les frères cadets du roi. Tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes.

Le couronement d’Elizabeth Woodville (c) Reading Museum; Supplied by The Public Catalogue Foundation

Cependant, le jeune roi épouse, sans le consentement de son mentor, Elizabeth Woodville. Drame. Cette dernière ne s’en laisse pas conter, et se rend compte de l’influence de Warwick sur son mari. Re-drame. Pire, elle évince Warwick, et fiance les deux jeunes frères de son royal époux à ses soeurs. C’en est trop, Warwick change de camp, et complote avec George pour évincer Edward.

George d’York, Duc de Clarencer, et Isabel Neville

Isabel et George se marient en douce afin d’unir les intérêts de George et de Warwick. Warwick aura donc une de ses filles sur le trône d’Angleterre. Malheureusement, ça ne marche pas aussi bien que prévu, et Edward reste roi d’Angleterre. Warwick doit fuir se réfugier en France avec sa petite famille, dont son beau-fils, George, et sa fille Isabel, enceinte jusqu’aux yeux. Coup du sort, le navire essuie une terrible tempête, et Isabel perd son bébé, un garçon.

Warwick se rend compte que George et Isabel ne lui sont plus utiles, et cherche une nouvelle alliance pour s’emparer à nouveau du pouvoir en Angleterre. Il la trouve en la personne de Margaret d’Anjou, aussi exilée en France, son ancienne ennemie. Pour sceller cette nouvelle amitié, la jeune Anne, âgée de 14 ans, est mariée à Edward Lancastre, le fils de Margaret.

La pauvre Anne se retrouve donc belle-fille de la louve, de cette méchante reine qui la terrorisait étant enfant. Son jeune mari n’a que faire d’elle, et se contente de la besogner chaque nuit. De faire son devoir, en somme.

Anne apprend la détermination et le courage auprès de sa belle-mère, qui n’a jamais abandonné l’idée de reprendre le trône d’Angleterre. Si Margaret d’Anjou est victorieuse, ce sera Anne qui sera d’abord Princesse du pays de Gales, puis reine d’Angleterre.

Malheureusement ça tourne encore mal. Warwick et George partent d’abord pour batailler, mais George retourne sa veste, et Warwick est tué sur le champ de bataille à Barnet. Margaret d’Anjou apprend la nouvelle alors qu’elle débarque en Angleterre quelques semaines plus tard avec son fils et Anne, en renfort. En apprenant que son mari est mort, la mère d’Anne abandonne sa fille et se réfugie dans un couvent, où elle demande le droit d’asile.

Les trois frères York attaquent l’armée de Margaret d’Anjou, et sortent victorieux de la bataille. Le jeune mari d’Anne, Edward, l’héritier de la dynastie Lancastre, est mort sur le champ de bataille. Sa mère et sa veuve sont faites prisonnières. Anne n’a plus rien ni personne.

Margaret est emprisonnée dans la tour de Londres, et Anne est placée sous la tutelle de George et d’Isabel. Cette dernière jubile, car elle est maintenant dans le camp victorieux, et sa soeur Anne est dans le camp des perdants. Aux yeux de tous, George et Isabel sont des saints, prenant sous leurs ailes la petite veuve éplorée qui a perdu la guerre.

La vérité, c’est qu’Anne est prisonnière. Elle n’a pas le droit de sortir, et son héritage est tenu par ses tuteurs. Sa mère étant de fait elle aussi en prison dans son couvent, les soeurs Neville sont donc orphelines. Anne doit aussi faire pénitence pour s’être alliée avec l’ennemi, et en plus elle est officiellement en deuil pendant un an. Bref, sa vie est nulle et elle se demande bien si elle a déjà eu sa chance dans la vie, mais qu’elle l’a ratée. Elle a tout juste 15 ans. Triste.

Mais un jour, elle croise par hasard son fiancé et ami d’enfance, Richard, le plus jeune frère du roi Edward. Richard lui fait du gringe, et lui fait comprendre qu’elle peut compter sur lui.

Richard « sauve » Anne, en lui permettant de s’échapper de chez sa soeur, mais lui fait prendre refuge dans un monastère. Anne passe donc d’une prison à une autre. Enfin, Richard l’épouse avec le consentement de roi son frère, et Anne est de nouveau admise à la cour.

Ils ont normalement besoin d’une dispense du Pape pour unir leurs destins, car ils sont cousins au deuxième degré, mais ils se disent qu’ils feront ça plus tard. Ah! L’amour…

Anne et Richard, jeunes mariés, coulent des jours heureux. Edward le roi envoie son frère dans le nord pour gérer cette partie du royaume, et le jeune couple s’établit dans l’un des château dans lequel Anne a passé son enfance: Middleham.

C’est toujours la guerre froide entre les deux frangines, qui se détestent de plus en plus. Tour à tour, elles ont rêvé de devenir reines, et elles rongent leur frein de n’avoir pu satisfaire l’ambition de leur papa.

Mais quand Anne tombe enceinte, les soeurs se réconcilient. Anne accouche d’un petit Edward à Middleham, mais le bébé est malingre et ne grossit pas bien. Quant à Isabel, aussi enceinte, elle accouche d’une petite fille en pleine santé. Anne rentre chez elle après l’accouchement de sa soeur, et prend grand soin de son fils.

Un jour, Richard fait venir la mère d’Anne du couvent où elle vit recluse. Anne et sa soeur se sont partagé leur « héritage », cependant, la situation est un brin délicate, car leur chère maman n’est pas morte! Juste prisonnière de fait dans un couvent.

Richard, qui sent que George est toujours dans les starting blocks pour le trône et/ou pour récupérer le plus de richesse possible, pense que son frère veut enlever la Contesse de Warwick afin qu’elle donne tout à Isabel. Que nenni, Richard veut garder les terres acquise par son mariage avec Anne (l’héritage pas encore hérité, vous me suivez?), et prend donc les devants en enlevant lui même la maman de sa femme.

Le château de Middleham

L’ex Comtesse vivra donc recluse dans une aile du château, sans permission de visite ni de contact avec l’extérieur. Elle est prisonnière de sa fille. Ah! la famille, il n’y a que ça de vrai! Mais un beau jour, elle demande audience à sa fille et son beau-fils. Elle évoque un document, un acte du parlement, qui la déclare morte. Anne n’était pas au courant, et Richard lui explique tranquillement que c’était la seule solution pour que les filles Neville puissent toucher leur héritage (et donc que les frères George et Richard touchent le pactole).

La Comtesse réussit à parler à Anne en privé, et évoque le fait que Richard a fait inscrire dans cet acte du parlement une clause qui dit que si son mariage venait à finir pour quelque raison que ce soit, il garderait possession des terres acquises par son mariage avec Anne. Anne se souvient que la dispense du Pape pour leur mariage n’est jamais arrivée, et que peut-être Richard ne l’a jamais demandée, se laissant ainsi une porte de sortie. Son mariage n’est donc pas valide, et son mari chéri l’a sciemment tenue dans l’ignorance.

George continue à comploter contre son frère le Roi Edward, ce qui ne plait guère à Richard, dont la devise est « loyauté me lie ». Anne et Richard s’éloignent donc encore une fois de George et Isabel, qui attendent encore un enfant.

Les ‘Trois Soleils » d’York – George, Edward et Richard

Les trois frères royaux se préparent à envahir la France pour réclamer la couronne. A nouveau, les trois soleils d’York brillent ensemble. Anne retourne à Londres pour être au fait des dernières nouvelles, et y retrouve sa soeur Isabel. Réconciliation all over again entre les frangines, mais il semblerait qu’Isabel devienne un brin parano. Elle est en effet convaincue que la Reine Elizabeth les déteste (ce qui est très probablement juste), et qu’elle leur a jeté un sort.

Mais il se trouve que le Roi Louis de France est plein aux as, et qu’il achète les frangins pour qu’ils veuillent bien lui foutre la paix – littéralement. Richard trouve que c’est nul, que la couronne de France est aux Yorks, et que son frère est manipulé par sa femme, Elizabeth Woodville, qui veut toujours plus de sous.

Tout le monde rentre donc à Londres plein aux as, mais George et Isabel se conduisent de manière assez bizarre: ils ne mangent pas la nourriture qu’on leur présente lors des repas, s’enferment chez eux… bref, on dirait qu’ils ont peur de quelque chose. Isabel est à nouveau enceinte. Un beau jour, alors qu’Isabel est presque à terme, George décide de partir de la cour. Il se sent en danger, et Isabel est convaincue elle aussi que la reine Elizabeth lui en veut à mort.

Anne se sent un peu sur la sellette elle aussi, sa soeur lui a foutu les chocottes, et elle aimerait bien rentrer à Middleham voir son fiston, mais Richard dit non. Ca serait un affront à son frère le Roi. Isabel accouche d’un petit garçon en pleine forme et envoie une lettre toute enjouée à sa soeur. Mais quelques jours plus tard, Richard reçoit une missive de son frère George: Isabel est morte, empoisonnée… Et le bébé aussi.

C’est le début d’un spirale paranoïaque, dans laquelle George, Richard et Anne se sentent menacés par la reine Elizabeth, qu’on dit sorcière. George est finalement arrêté pour complot contre le roi. Il s’est en effet entouré de magiciens pour « contrer » le sort de la reine. Le Roi Edward ne sait pas trop quoi faire, entre l’amour qu’il porte à son frère, et le fait que celui-ci est un traître.

Il le garde prisonnier longtemps, un an, avant de le déclarer coupable – ce qui engendre automatiquement une peine de mort. George peut choisir sa mort: il choisit de se noyer dans un tonneau de vin de mûres, un vin doux qu’affectionne la Reine. Un dernière boutade dans la mort à son ennemie, en somme. Les enfants de George et Isabel, Margaret et Edward de Warwick vont vivre avec leur tatie Anne et leur cousin Edward à Middleham.

la Tour de Londres

Anne et Richard sont super inquiets. Ils pensent être les prochains sur la liste noire de la Reine. Après tout, le père d’Anne détestait la Reine et a décapité sans procès son père et son frère. Mais la roue tourne, et Edward meurt subitement. Il a nommé Richard, son frère, régent pour son fils Edward, qui a une dizaine d’année. Richard part donc à Londres faire son devoir de régent, mais se heurte à l’entourage de la Reine, qui voudrait bien tenir le jeune roi sous sa coupe.

Le sanctuaire d’Elizabeth Woodville en l’abbaye de Westiminster

Richard veut absolument honorer la promesse faite à son frère le défunt roi de guider son neveu lors de ses premières années de reigne. Il met donc le jeune Edward en sécurité dans la Tour de Londres et exécute un ou deux sympathisants de la reine. Cette dernière, se sentant en danger, entre à nouveau en sanctuaire dans le sous-sol de l’abbaye de Westminster.

De son sanctuaire, Elizabeth continue à comploter pour récupérer son fils Edward, enfermé dans la tour de Londres par son tonton Richard. Ce dernier veut être loyal à son frère, mais la tâche est ardue. Il arrive aussi à faire en sorte qu’Elizabeth Woodville lui livre son deuxième fils, nommé Richard, afin qu’il puisse tenir compagnie à son frérot dans la Tour de Londres. Elisabeth essaie encore une fois de récupérer ses fils, mais ils ont disparu de la Tour… Entre temps, Elizabeth a fiancé sa fille aînée, aussi appelée Elizabeth, a Henry Tudor, un prétendant au trône de lignée des Lancastre, exilé en Bretagne.

Finalement, sous l’influence d’Anne et de sa mère, Richard décide de prendre la couronne et d’évincer les fils de son frère. En effet, Edward avait été marié en secret à une autre femme avant Elizabeth Woodville. Le mariage du roi défunt roi Edward avec elle est donc nul, et toute sa flopée d’enfant sont des bâtards. Le jeune Edward, du haut de ses 12 ans, n’est donc pas un héritier légitime, et la couronne revient à Tonton Richard.

Anne monte enfin sur le trône d’Angleterre et réalise le voeux de son cher papa. Son fils, Edward de Middleham, petit fils du faiseur de roi, sera Prince de Gales puis, à la mort de Richard et Anne, roi d’Angleterre.

Richard demande un jour à Anne s’il peut accueillir ses nièces, les filles d’Edward et d’Elizabeth Woodville, à la cour, en tant que dames de compagnies. En effet, il est allé secrètement rendre visite à Elizabeth à Westminster pour lui demander, la mort dans l’âme si elle savait où se trouvaient ses fils disparus mystérieusement de la Tour. Elizabeth a éclaté en sanglots, et, avec sa fille Elizabeth, a maudit celui qui a tué ses fils.

Lors de cette visite, Richard a remarqué que ses nièces étaient adolescentes et qu’elles seraient mieux à la cour plutôt qu’enfermées dans une cave. Il a négocié avec Elizabeth Woodville qu’elle soit assignée à résidence à la campagne contre la reconnaissance de la nullité de son mariage. Ses trois filles aînées, Elizabeth, Cecily et Anne, seront admises à la cour, perdant leur titre de princesses, et étant appelées « Mesdames Grey », du nom du premier mari de leur mère.

Richqrd et sa nièce Elizabeth

Dès qu’Elizabeth junior met les pieds à la cour, Anne est jalouse. Elizabeth est très belle et ne se sent nullement repentie de n’être plus princesse. Elle tient son rang, ne fait rien qu’on puisse lui reprocher, mais elle garde la tête haute et est tellement gracieuse… Et surtout, elle a dix ans de moins qu’Anne. Elle fait tourner toutes les têtes… et même celle de son oncle, le Roi Richard III.

Richard explique à Anne qu’il s’agit d’une manipulation: Elizabeth étant fiancée à Henry Tudor de Lancastre, un prétendant au trône d’Angleterre, en la faisant passer pour sa maîtresse, il la déshonore. Mais qu’en est-il de la mascarade ou de la vérité, Anne a bien du mal à le dire… Bientôt, Anne et Elizabeth se rendent ensemble chez le tailleur et en ressortent avec les mêmes robes. Dans le même écrin, une trentenaire et une jeune fille d’à peine vingt ans… La différence est flagrante.

Tombe d’Edward de Middleham

Un beau jour, la Reine Anne reçoit une missive de Middleham: son fils Edward a succombé à une fièvre fulgurante. La Reine Anne est dévastée. Plus rien ne compte. Richard maintient l’ordre dans son royaume en combattant de ci, de là, mais Anne reste indifférente. il se promène au vu et au su de tous avec sa jolie nièce au bras, mais cela laisse Anne de marbre. Elle a perdu son seul et unique enfant.

La santé d’Anne s’étiole. Elle est rongée par le remords, étant persuadée qu’elle pourrait avoir, sans le vouloir, causé la mort des petits princes disparus dans la Tour de Londres. Elle avait en effet souhaité leur mort, sans avoir le courage d’en donner l’ordre. Elle se demande si son mari Richard ne les a pas exécuté en secret, provoquant ainsi la mort de leur fils, de par le sort jeté par Elizabeth et sa mère.

Un jour, alors qu’elle est en compagnie d’Elizabeth, un phénomène étrange se produit. Il s’agit d’une éclipse de soleil, mais bien sur à cette époque là, c’était tout à fait mystérieux. Lorsque le soleil réapparaît, Anne, fatiguée, s’endort pour toujours.


Mon avis en bref: Anne subit son existence plus qu’autre chose. Elle assouvit le désir de son père, qui est de voir un Warwick monter sur le trône, mais à un prix bien lourd. Ballottée par l’histoire et utilisée comme une vulgaire pièce d’un jeu d’échec, la vie d’Anne se finit doucement et tragiquement.

Ce roman nous donne un nouvel éclairage sur la Guerre des Roses et nous permet d’explorer en profondeur des personnages jusqu’alors simplement survolés dans les romans précédents.


Mon avis: L’histoire d’Anne n’est pas de tout repos, et elle est bien triste. Bien que l’amour de son père et de Richard semblent vrais, ces deux hommes ne la considèrent que comme un pion bon à les faire avancer sur l’échiquier. Vraiment, c’est très triste.

Anne grandit dans l’ombre de sa soeur, plus belle et plus caractérielle. Elle est traitée de petite sotte qui ne comprend rien régulièrement, bien que ses capacités intellectuelles soient supérieures à celles de sa soeur.

Isabel, magnifique et tragique, se croit destinée à être reine. Elle roucoule de fierté lorsque son père la marie au Duc de Clarence, George, le frère cadet du Roi Edward, dans le but de renverser ce dernier et de mettre George et sa fille sur le trône d’Angleterre. Son accouchement en pleine tempête et la perte de son fils en font une figure tragique.

Elle jubile lorsque, à nouveau, elle se retrouve du côté des gagnants, et sa soeur Anne du côté des perdants. En fait, Isabel m’a ennervée plus qu’autre chose. Elle est futile et superficielle, et recherche l’amour de son paternel, qui lui préfère sa soeur cadette. Isabel sera perdue par son mari George, prêt à tout pour assouvir sa soif de pouvoir, même à déclarer son royal frangin bâtard. Ca va loin, l’amour fraternel!

Quant à Anne, en filigrane pendant le début du roman, car c’est sa soeur aînée qui sert d’abord l’ambition de son père, elle essaie tant bien que mal de comprendre ce qui se passe et de faire face aux situations. Elle grandit dans la peur de deux reines qu’on lui apprend à détester, Margaret d’Anjou et Elizabeth Woodville, et pourtant, son destin est lié à ces deux femmes. D’abord mariée de force avec le fils de Margaret d’Anjou, elle deviendra à la mort de celui-ci la belle-soeur d’Elizabeth Woodville en épousant son amour d’enfance, Richard Plantagenêt.

La notion de famille aimante, si présente dans le roman consacré à Elizabeth Woodville, est complètement absente de la vie d’Anne. Sa grande soeur, qu’elle adule, la traite d’abord de sotte lorsqu’elle est enfant, puis la déteste lorsque les perspectives d’Anne de devenir reine deviennent meilleures que celles d’Isabel. Elle ira jusqu’à l’enfermer pour garder la mainmise sur la part d’héritage d’Anne.

Son père la marie allègrement au fils d’une femme qui a été l’ennemi de sa famille depuis sa naissance, et qui lui fait bien comprendre qu’elle ne l’accepte que parce que cette alliance sert ses intérêts. Son premier mari n’a d’ailleurs que dédain pour elle, et l’ignore la plupart du temps. Youpi.

Sa mère la fait brutalement participer à l’accouchement de sa soeur (évidemment Anne n’a aucune notion d’éducation sexuelle, encore moins de reproduction) et la force à aller tourner et chercher le bébé qui ne vient pas. Légèrement traumatisant, non? Sa mère encore, bien contente de marier sa fille à un potentiel roi, la dédaigne lorsqu’Anne essaie de se faire bien voir de sa belle mère, et, comble du comble, l’abandonne sur le champ de bataille lorsqu’elle comprend que son camp est en train de perdre!

Elle semble enfin voler de ses propres ailes lorsqu’elle s’échappe pour épouser Richard, mais ce dernier l’épouse-t-il par amour, ou par calcul? Un peu des deux, il semblerait. Il récupère joyeusement l’héritage de sa femme, mais se laisse de la marge pour la virer au cas où. Pas bête, le Richard.

Anne, endurcie par la vie, tenue dans l’ignorance des complots de son père puis de son mari, n’a pour véritable mentor que Margaret d’Anjou, qui lui apprend la détermination. Elle paie cher le fruit de l’ambition des hommes qui l’entourent.

Lorsqu’enfin, elle devient reine, elle se rend compte avec amertume que tous les sacrifices effectués pour en arriver là vont la ronger. Elle n’a pas la carrure ni la beauté d’Elizabeth Woodvile, qu’elle craint toujours. Elle se sent menacée par un sort invisible que la reine recluse lui aurait lancé. Elle se ronge les sangs et croule sous le poids de sa couronne.

L’arrivée à la cour de sa nièce, la jolie Elizabeth, ne fait que renforcer el contraste qui existe entre la princesse « naturelle » et la reine Anne, qui n’aurait jamais du finir sur le trône.

Bref, c’en est trop pour elle, elle a trop encaissé, et la mort, qui survient un jour d’éclipse, sonne comme une délivrance pour la pauvre petite Anne.

Vraiment, l’impression générale de ce volume est la peine et la tristesse. Il est très intéressant d’avoir le point de vue d’Anne sur cette histoire, après avoir eu celui d’Elizabeth Woodville et celui de Margaret de Beaufort (La Reine Blanche et La reine Rouge). La perspective est inversée, les « gentils » deviennent les « méchants » et vice versa. Elizabeth avait du se battre pour se faire accepter à la cour. On est maintenant du côté de la cour, qui n’accepte pas sa venue.

Anne n’a pas vraiment de prise sur sa vie, même si elle en a parfois l’illusion. Le roman est intéressant car au travers d’elle on explore des personnages effleuré lors des romans précédents, surtout les frères du roi.

Le personnage de Richard est très intéressant. Fidèle à son frère le Roi Edward, il fait tout ce qui est en son pouvoir pour l’aider, en se tenant à distance d’Elizabeth, qu’il ne lui inspire rien de bon. il vit de par sa devise « Lauyauté me lie ». Il fait office de tampon entre ses deux frères, l’un qui vit pour l’amour, l’autre pour le pouvoir. Il essaie tout de même de tirer son épingle du jeu, et attend sagement dans l’ombre son heure de gloire. Contrairement à son frère George, qui multiplie les coups d’éclat…

George, parlons-en. Un faux-jeton, qui retourne sa veste et voit midi à sa porte. Son petit jeu finira par le perdre, puisqu’il sera accusé de trahison contre le roi. Fils chouchou de sa maman, il se croit au dessus de tout. Arrogant, fier et sans gêne, il pense que le trône lui revient de droit et n’hésite pas à traiter son royal frère de bâtard. Humph! Son dernier coup d’éclat, sa petite boutade, sera de demander à être noyé dans un tonneau du vin préféré d’Elizabeth Woodville.

Le parti pris de Philippa Gregory, qui est d’explorer une époque spécifique de l’histoire d’Angleterre au travers de personnages féminins forts, est une très belle idée. Cela permet de varier les points de vue et d’aborder la même histoire sous différents angles. Il est intéressant de noter que le roman consacré à Anne ne s’appelle pas « La Reine machin », comme c’était le cas pour Elizabeth Woodville et Margaret Beaufort, mais « La Fille Du Faiseur De Roi ». Cela montre d’emblée qu’Anne subit son destin. Elle n’est pratiquement jamais maîtresse des évènements, elle dépend toujours du bon vouloir de quelqu’un d’autre.


L’auteure: Philippa Gregory est née à Nairobi, au Kenya, le 9 janvier 1954. Sa famille déménage à Bristol, au Royaume-uni, deux ans plus tard. Elle étudie le journalisme et l’histoire avant de se spécialiser dans la littérature du 18è siècle.

Elle écrit son premier livre alors qu’elle fait son doctorat en littérature du 18è siècle. Divorcée deux fois, elle vit maintenant avec son troisième mari et leurs six enfants (au total) dans le parc national Moors dans le nord d’York.

J’ai découvert Philippa Gregory avec The Other Boleyne Girl (Deux soeurs Pour Un Roi), un film consacré au roi Henri 8, qui sera le père de la « reine vierge » Elizabeth 1ère d’Angleterre. Le film est une adaptation du livre éponyme. La série de livres The Tudors (Les Tudor) couvre les différentes épouses du roi Henri 8, qui, pour mieux divorcer, initiera sa propre religion: l’Eglise Anglicane. Le film est avec Natalie Portman et Scarlett Johansson, deux actrices que j’apprécie énormément.



Produits dérivés: Bien sur les trois romans précédents: The Lady Of The Rivers (Jacquetta Woodville, confidente de Margaret d’Anjou lorsqu’elle était jeune), The White Queen (la fille de Jacquetta, Elizabeth Woodville), et The Red Queen (Margaret Beaufort, mère d’Henry Tudor, un autre prétendant au trône).

Et les deux autres romans qui complètent cette seconde trilogie: The White Princess (Elizabeth of York), et The King’s Curse (Margaret Pole)

La BBC a aussi réalisé une mini-série de 10 épisodes, basée sur les romans de La Reine Blanche, de La Reine Rouge et de La Fille Du Faiseur De Roi (ces trois romans étants contemporains l’un de l’autre, les intrigues sont mêlées et les points de vue alternés). Comme je l’ai regardée il y a déjà plus d’un an, mes souvenirs ne sont plus aussi vivaces… mais dans l’ensemble, j’avais adoré me replonger dans cette histoire, et j’avais trouvé que l’adaptation télévisuelle était assez fidèle aux romans.

Malheureusement la série n’a pas vraiment convaincu outre-Manche. L’histoire aurait été trop romantisée. En même temps, il s’agit de l’adaptation d’une fiction historique, donc bon… Mais je présume que les spectateurs britaniques sont beaucoup plus au fait de l’histoire de leur pays que nous, et que certaines aises prises par la réalisation n’ont pas du plaire.

Je reste une fervente supportrice de la série, qui est une fidèle restranscription du travail de Philippa Grégory, et grâce à laquelle j’ai pu me replonger avec délice dans la Guerre des Roses.

Petit bonus: l’acteur Davis Oakes, qui joue George, apparement abonné aux rôles de bad boys sur la BBC, puisqu’il a aussi joué l’horrible William Hamleigh dans la série consacrée aux Piliers de la Terre, adapté du roman éponyme de Ken Follett. Il joue aussi dans la série Les Borgia, que je n’ai pas encore découverte (mais ça ne saurait tarder). Il est tout simplement délicieux! Les autres acteurs ne sont pas mal non plus, hein, surtout Edward et la magnifique Rebecca Fergusson, qui incarne le rôle-titre, Elizabeth Woodville.

Les acteurs de The White Queen en costumes d’époque…

… et avec l’auteure Philippa Gregory



Lecture dans le cadre d’UN AN EN ANGLETERRE proposé par

Titine de Plaisirs à cultiver