Cette semaine la collection super-héros Dc Comics de Eaglemoss vous invite à (re)découvrir une des oeuvres majeures d'un certain Frank Miller, une version futuriste et désabusée de Batman vieillissant. Le Chevalier noir est de retour!Il arrive un jour où la sagesse vous intime de vous retirer du grand cirque des justiciers. Ou bien c'est la mort dramatique de votre side-kick, qui vous pousse à prendre du recul. En tous les cas, cela fait plus de dix ans que Batman ne sillonne plus les rues malfamées de Gotham City. Bruce Wayne a dépassé la cinquantaine et son corps n'est plus l'arme absolue qu'elle était autrefois. Le commissaire Gordon est à quelques semaines de la retraite et il n'a pas l'air non plus doté d'une santé éclatante. Bref, les héros sont fatigués, et c'est bien dommage, car la corruption et le crime ne sont pas éteints pour autant, tout au contraire. Dernière plaie en date, l'apparition d'un groupe de délinquants meurtriers, appelés les Mutants, dont l'apparence n'est pas sans évoquer Cyclope, le leader des X-Men chez Marvel. Ils n'hésitent pas à tuer, violer, détruire, parce qu'ils peuvent le faire : ils n'ont aucun scrupule, pas de remords, et personne pour les arrêter. Sauf que Wayne ressent de plus en plus souvent l'appel de la nuit, le frisson de la lutte sauvage qui somnole en lui, et se réveille jour après jour. Batman est à la retraite, mais il lui suffit de se raser la moustache et de errer nostalgique dans sa caverne pleine de gadgets (au passage Alfred n'est pas mort, et sert toujours de valet à tout faire) pour que la Chauve souris batte à nouveau des ailes. Les vieux amis et ennemis sont aussi sur le retour, à commencer par Double Face, libéré de l'asile d'Arkham, et dont le visage a été entièrement restauré grâce au financement de l'ami Bruce Wayne. Les médias eux sont déchaînés : si certains encouragent et applaudissent le retour du Dark Knight, d'autres sont incrédules, et entament une chasse aux sorcières, en accusant le héros d'être tout au plus une source de nuisance et d'inspiration pour les psychopathes de tout poils. Avant que ne tombe la nuit, Batman entame une dernière lutte au crépuscule de sa carrière, alors que le Joker s'apprête également à revenir. Le come-back de trop? Frank Miller signe ce chef d'oeuvre en 1986, en pleine explosion de la période gritty des super-héros. Il en est d'ailleurs un des artisans, des détonateurs, avec cette histoire. Le bonhomme ne cache pas son idéologie républicaine, et sa tendance à justifier la violence extrême, le recours aux armes personnelles pour se défendre, quand l'état est dépassé, ou jugé incapable par le citoyen. La solution n'est plus dans le système, mais en dehors de celui-ci. Miller parvient à l'époque à justifier et rendre compréhensible ses thèses et les motifs qui poussent Batman à reprendre la cape, ce qu'il n'est plus en mesure de faire ces dernières années, où il se contente de ressasser de vieux fantasmes de vengeance sanguinolente et xénophobe, en ignorant vulgairement toute subtilité scénaristique et toute volonté de nuancer le propos. Ses dessins sont assez caractéristiques d'un style en train de mûrir, de se définir, et qui allait ensuite aboutir à Sin City, et ses jeux d'ombres radicaux. Dans cet album, Miller multiplie les petites cases consécutives, chargées d'une didascalie parfois redondante, pour souligner l'omniprésence et la vacuité des médias qui confondent entertainement, information, et propagande. Le style semble par moments brouillon, les personnages à peine esquissés, avec des visages bouffis, des corps fatigués, des silhouettes désordonnées, dans un univers corrompu. Parfois c'est une pleine page silencieuse, sans didascalie ni onomatopée, qui vient interrompre le rythme soutenu des autres planches, et offre une image iconique d'un Batman à bout de souffle mais encore capable de se lancer dans une dernière mission, dans toute sa splendeur, et son tragique. Mais derrière cet aspect volontairement caricatural, Miller parvient à instaurer un climat, un vrai, à crédibiliser cette version épuisée d'un Batman sur le retour et d'une Gotham plus que jamais corrompue et qui a besoin d'être nettoyée. Un album non seulement précieux et indispensable pour sa valeur artistique, mais également un témoignage indubitablement pertinent de ce qu'était la détresse de l'américain moyen au sortir des années 80 et de l'administration Reagan. Ultra conseillé, bien sur. A lire aussi :Collection Eaglemoss Tomes 1 et 2 (Silence)Tome 3 (Superman le derniers fils) Tome 4 (Justice League aux origines)