« Radicaliser la démocratie »
ROUSSEAU Dominique
(Seuil)
Le Lecteur ne suggérera pas aux plus curieux des habitués de ses notes de lecture de se contenter de la découverte des conclusions que Dominique Rousseau formule, bien évidemment, au terme de son exposé. Il serait en effet grand dommage d’ignorer la globalité du brillant exposé que l’éminent constitutionaliste conduit de main de Maître et à travers lequel il explique le pourquoi de la crise du « politique » et de la démocratie représentative (ou électorale). A travers l’histoire des institutions, via une critique argumentée de ce que sont devenues ces institutions, celles de la 5° République, via une analyse approfondie des causes de ce qui conduit la société française dans une impasse et la confronte aux périls des dérives de type autoritaire.
Mais le titre choisi par Dominique Rousseau incite, plus qu’à la curiosité, à l’impatience. Laquelle n’est certes pas une vertu révolutionnaire, mais tout de même ! Le Lecteur se montra à la fois curieux et patient. Il atteignit aux conclusions. Conclusions avec lesquelles il fut en plein accord. La nécessité, l’urgence de passer de la démocratie représentative à la démocratie continue, puisqu’il est avéré que « l’organisation constitutionnelle de l’espace politique est un mur sur lequel viennent se fracasser les aspirations démocratiques, un bouclier qui protège les gouvernants contre les gouvernés, une forteresse derrière laquelle les politiques jouent entre eux leurs jeux de positionnement ».
A partir de ce constat difficilement contestable, Dominique Rousseau formule une série de propositions auxquelles le Lecteur souscrit et qu’il résume via la « Table » : créer les institutions d’un système primo-ministériel et celles d’un exercice vertueux du pouvoir. En vrac : une Assemblée Nationale élue au scrutin proportionnel et qui investira le Premier Ministre, un Président arbitre, l’interdiction totale du cumul des mandats, la réglementation constitutionnelle des conflits d’intérêts, la reconnaissance constitutionnelle du « lanceur d’alerte éthique ». Pour en arriver à l’ultime paragraphe : « La démocratie continue ne propose pas d’établir une société sans Etat. Elle critique celui, fermé et sûr de lui, de la démocratie représentative et lui oppose un Etat où l’institutionnalisation d’un contrôle continu des citoyens sur les agents publics rend possible un exercice du pouvoir attentif à et respectueux de la société, un Etat où les responsables politiques auraient intérêt à la vertu » (citation de Pierre Bourdieu).
Restent tout de même des interrogations qui titillent l’esprit du Lecteur ? La radicalité ne concerne-t-elle que ce qui relève du domaine des institutions ? N’existe-t-il pas des secteurs de la vie publique au sein desquels le citoyen est dépouillé de toutes ses prérogatives ? Lorsqu’il intègre les circuits de la production, donc de l’économie ? Entre autres. Un bouleversement institutionnel, même radical, suffira-t-il à lui rendre ces prérogatives-là sur les lieux de la production (mais aussi au sein des espaces dédiés à la consommation) ? Rien de moins sûr. Tant il est vrai que s’est opérée une coupure, radicale aussi, entre l’espace politique et l’espace économique. Un autre constat qui induirait dès lors que soit réhabilitée, en termes de radicalité, l’idée de Révolution ?
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