Au premier étage de la Tour Eiffel se déroulait une conférence de presse le lundi 12 octobre 2015 avec Albert Uderzo, Anne Goscinny, Jean-Yves Ferri, Didier Conrad, et Isabelle Magnac, l’éditrice.
L’animatrice introduit la discussion en nous confiant que Ferri, le scénariste a du abandonner tous ses personnages, dont le général de Gaulles, pour se consacrer au village gaulois, dessiné par Didier Conrad. Les deux associés ont le même âge qu’Astérix et Obélix, 56 ans ; puisqu’en 1959 paraissaient les premières planches d’Astérix dans Pilote.
Uderzo serait donc le premier auteur de BD au succès planétaire qui a décidé de laisser la succession de ses personnages à d’autres auteurs de son vivant. Nous pourrions peut-être comparer avec les auteurs américains comme Stan Lee, mais qu’importe, le premier ou pas, la chose reste rare.
Uderzo semble en tout cas pleinement satisfait du travail de ses deux successeurs : “le scénariste s’est adapté à l’humour de Goscinny. Le dessinateur travaillait à la plume, je lui ai demandé de changer pour le pinceau [comme Uderzo, ndlr], il se débrouille très bien.”
L’éditeur Isabelle Magnac mentionne qu’Astérix est cité dans le Guinness des Records comme la BD la plus vendue et la plus traduite au monde, donc la plus lue : 365 000 000 d’albums vendus.
Les débuts n’ont pas toujours été faciles, Uderzo nous évoque « un éditeur qu’il ne nommera pas », ne faisant à l’époque aucun effort pour la promotion. On lui demandait quand un album d’Astérix sortait, alors qu’il était sorti la veille. Uderzo demanda à mettre un peu d’argent dans la promotion, l’éditeur lui répondit que s’il mettait l’argent chez un notaire à 10 %, il était sûr de récupérer cet argent, l’auteur lui dit que si les créateurs d’Astérix pouvaient alors reprendre leurs billes et aller ailleurs… « Il a alors compris que c’était dangereux pour lui » et les améliorations ont été faites. La situation est différente aujourd’hui, il est difficile de ne pas remarquer la sortie d’un nouvel album d’Astérix.
Uderzo précisa que Goscinny et lui étaient comme deux frères, qu’ils pensaient d’abord au plaisir avant la réussite financière, qu’il faut être fou pour entrer là-dedans, surtout à l’époque, où c’était très difficile.
Anne Goscinny ajouta qu’elle a le souvenir qu’Uderzo et Goscinny partageaient tout, les repas, les sorties en famille… « On ne peut pas parler d’un tel succès sans évoquer cette complicité ».
Ferri et Conrad vivent éloignés, l’un dans les Pyrénées, l’autre aux Etats-Unis.
Ils disent avoir en commun le fait de vivre isolés, de ne pas s’occuper des courants et des tendances. Lorsqu’on leur demande s’ils échangent par Skype tous les jours ? Ferri répond : « Grâce à Dieu, non ».
L’idée du Papyrus de César est née pendant la période de production des Pictes.
Alors que Goscinny, au deuxième album, disait à son compère : « On a tout dit là dessus, difficile d’avoir d’autres idées ». « On a fait 14 albums derrière, j’en ai fait 10, Ferri et Conrad en ont fait deux, ce qui est un fait d’armes extraordinaire », mentionne Uderzo.
Ferri et Conrad précisèrent qu’ils bénéficient, contrairement aux auteurs d’origines, de conseils et feedback pour avancer et innover.
Pour ce nouvel album, César est au centre de l’histoire.
Uderzo précise qu’ils ne l’ont jamais ridiculisé, qu’il était « un grand bonhomme, qui a mal fini mais qui a fait de son mieux pour que Rome soit un grand pays, et a apporté aux Gaulois un savoir qui leur manquait ». Il semble qu’Uderzo soit attaché à la version historique en vogue dans sa jeunesse, et qui est aujourd’hui contestée, les historiens s’accordant à dire que les Gaulois, bien que vivant en petites tribus, avaient autant de connaissances, de culture et de savoir-faire que les Romains.
A propos du temps du dessin, nécessaire pour une case, Uderzo confie qu’il ne comptait pas ses heures, « on ne cherche pas à économiser, on entre dans ce métier parce qu’on l’aime. »
Concernant la situation initiale : on apprend que César a écrit un livre, les Gaulois sont plus intéressés par l’horoscope crée par un druide que par le livre en tant que tel.
Ferri a cherché chez les Celtes le zodiaque qui existait : celui des arbres.
Le monde de l’écrit des Romains arrive donc chez les Gaulois qui connaissent uniquement la tradition orale.
On trouve dans cet album plusieurs caricatures de conseillers bien introduits dans les cercles du pouvoir, dont BHL.
Ferri a pour l’occasion lu la Guerre des Gaules, Uderzo précise qu’il a eu une très bonne idée en exploitant ce qu’avait écrit César.
La Guerre des Gaules, qui était le livre de chevet de Goscinny, nous explique sa fille, alors qu’Uderzo se rappelle le commentaire de son ami : « César était encore plus menteur que moi ».
Concernant l’histoire des Gaulois, Uderzo a récemment été invité à l’exposition Astérix à Alésia, sur place aucun historien n’a pu lui dire qui était l’inventeur de la cheminée pourtant présente dans toutes les huttes gauloises.
A propos des nouveaux personnages, nous découvrirons le méchant de l’album : Bonus Promoplus et son majordome Kefailapolis. Le gentil se nommera Doublepolemix, inspiré de Julian Assange, porte parole de Wikileaks, le personnage a d’ailleurs failli s’appeler Wikilix, il s’agit d’un colporteur sans frontière, journaliste héroïque, à la recherche du scoop.
Lors de l’ébauche de la couverture, Conrad l’a montré à l’éditeur, qui lui a répondu: « Il en faudra au moins trois, pour choisir. »
Et au final, commente Anne Goscinny, « Cette couverture tient ses promesses », avouant admirer le travail de Ferri et Conrad.
Isabelle, l’éditeur explique l’importance de la couverture pour un éditeur, car « c’est le premier contact avec le public ».
Concernant la sortie elle même, tous les libraires seront approvisionnés à la même heure le 22 octobre au matin.
Pour terminer est venu le moment des questions.
La pression du deuxième album était-elle plus importante que le premier ?
Le succès du premier a détendu tout le monde. Le premier était insupportable d’après Conrad, qui a du s’adapter, mettre de côté son propre style de dessin et imiter le style d’Uderzo.
Uderzo ajouta : « C’est un résultat extraordinaire. Le travail qu’ils font colle tellement bien à ce qui a été fait, savoir dessiner les personnages comme je les dessinais, je n’ai rien à dire là-dessus ».
Didier Conrad fit remarquer que pour la première fois, Uderzo peut lire un album en tant que lecteur.
Jean-Yves Ferri : « La satisfaction d’ »Albert est notre meilleure publicité. »
Uderzo : « Le lecteur est difficile, j’avais fait brûler le village une fois, mis le banquet dans le bateau de Cléopâtre, on m’a fait des remarques qu’il ne fallait pas jouer avec ça. C’est la difficulté : il faut garder les mêmes éléments mais trouver de nouvelles idées. »
Ferri : « Pour les Pictes, j’avais au départ décidé de garder Idéfix à la maison, j’ai alors reçu des menaces de mort quasiment. »
Peuvent-ils faire d’autres choses à côté (reprendre leurs séries respectives) ?
Ferri : « En prenant plus confiance, cela prendra moins de temps. D’autres projets seront possibles à côté. »
Conrad : « Je suis encore en train de maîtriser ça [le style de dessin d’Uderzo, ndlr], il me faudrait encore trois albums au moins. »
Quand à l’avenir qu’attend nos personnages après cette aventure, nous savons d’ores et déjà que le prochain album sera un voyage, comme la tradition de la série.
Ambroise Crèche
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