Profession du père

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« Profession du père »

CHALANDON Sorj

(Grasset)

Le lecteur n’a point connu les mêmes emballements que ceux qui furent siens lors de la découverte des trois romans « irlandais » ou du sublime et si émouvant « Le Quatrième Mur ». En revenant au récit aux connotations autobiographiques, Sorj Chalandon offre certes un récit d’une belle densité, un récit qui relate l’enfermement d’un gamin de treize ans dans les fantasmagories que lui impose son père. Qu’il lui impose tant à travers la violence psychologique que par la violence physique. Un gamin de treize ans qui devient donc ce qu’exige son père. Et en particulier, celui qui prépare l’assassinat de Charles de Gaulle. Puisque le dit récit s’ouvre sur la journée du  23 avril 1961, quand un quarteron de généraux fêlons tenta un coup d’état dont l’objectif visa à renverser celui qui avait trahi l’Algérie française. Une trahison qui horrifia le père et qui brisa l’amitié qu’il prétendait entretenir avec le Général. Le gamin de treize ans se soumit, entra dans le complot et finit même par convaincre un jeune pied-noir, rapatrié récent et qui fréquentait le même lycée que lui, de l’accompagner dans cette folle, dans cette insensée aventure. Tandis qu’une mère transparente et mutique s’essayait avec le peu de ses moyens à elle à limiter les dégâts.

Il existe toutefois des pages qui, dans ce roman, génèrent l’émotion. Celles dans lesquelles Sorj Chalandon, avec sa retenue et sa pudeur coutumières, évoque le vieillissement de ses père et mère.  Devenu adulte, Emile Choulans, celui qui au lycée ignorait quelle profession indiquer sur sa fiche personnelle, s’est comme on le dit aujourd’hui « reconstruit ». Marié, père de famille, il exerce une profession qu’il n’a pas à dissimuler : restaurateur d’œuvres d’art. Ses père et mère vieillissent. Le père meurt. Les secrets sont enfouis à tout jamais. Les blessures se dissimulent derrière les apparences. Tel est Sorj Chalandon dans ce qu’il donne à entrevoir. Dans des phrases brèves, parfois inaccomplies. Comme si l’ancien journaliste de Libé cherchait à survivre dans cette littérature qui n’hésite jamais à s’emparer de ce qui est déjà l’Histoire.