Ron Rash – Une terre d’ombre ***

Par Laure F. @LFolavril

Éditeur : Seuil - Date de parution : 2014 - 242 pages

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L'action du roman se déroule pendant la Première Guerre mondiale, aux Etats-Unis, dans le comté de Madison. Laurel Shelton vit avec son frère Hank dans la ferme héritée de leurs parents, au fin fond d'un vallon - cette terre d'ombre - que les habitants de la ville considèrent comme maudit. Selon eux, les malheurs et la solitude sont les seules choses que l'on y rencontre.

Laurel a une tâche de naissance à la base du cou, ce qui la fait passer pour une sorcière aux yeux des autres : personne ne la regarde quand elle descend en ville, on chuchote dans son dos, on répand du sel et on crache par terre sur son passage. Hank est revenu de la guerre avec un bras en moins.

Un matin, la jeune femme tombe sur un homme mystérieux vêtu de guenilles, jouant de sa flûte en argent un air d'une tristesse infinie. Laurel et Hank recueillent l'inconnu chez eux pour le soigner suite à ses piqûres de guêpes. Ils découvrent qu'il est muet. L'inconnu, qui s'appelle Walter, ne désire pas s'attarder chez eux, il doit repartir pour New York.

Je n'en dirai pas plus car la beauté de ce roman se trouve dans le déroulement mystérieux de l'intrigue.

La beauté de la nature se confronte à la cruauté humaine. Au fil des pages, l 'atmosphère se pare d'ombres. L'espoir que fait naître la rencontre providentielle de cette homme s'éclipse bien vite et l'on sent la tension sourdre peu à peu... Plus le temps passe et plus on s'attend à ce qu'un drame survienne. Les mots de la fin sont bien douloureux.

C'est un roman magnifique. L'écriture de Ron Rash est somptueuse, ses descriptions de la nature et du genre humain dans ce qu'il a de plus noir sonnent avec tellement de vérité. Sa langue oscille entre délicatesse et rugosité. Les mots de ce roman vont résonner longtemps dans mon cœur.

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" Petite, le rocher lui avait semblé une énorme main qui la sortait de la tristesse du vallon. Le pire, c'était la maison. Quelles que soient l'heure du jour ou la saison, quel que soit le nombre de lampes allumées, c'était toujours un lieu sombre qui, d'aussi loin qu'elle s'en souvienne, avait toujours senti la souffrance. "

" La nuit la prit dans son étreinte et pour une fois elle eut envie d'être dans le froid et l'obscurité, parce que ce serait d'autant mieux lorsqu'elle rentrerait et que la chaleur du feu et la lumière l'envelopperaient à nouveau. "

" Ils marchaient dans les bois et pas un souffle de vent n'agitait les quelques rares feuilles s'accrochant encore aux arbres, mais ce n'était pas le calme qui règne avant un orage d'après-midi ni après une grosse chute de neige. Non, on aurait cru que la terre s'était arrêtée, sans trop savoir si elle comptait repartir vers l'été ou continuer à s'enfoncer dans l'hiver. "

" L'éclat qu'avait eu son regard s'éteignait, non pas en mourant tel un tison, mais en s'éloignant à la manière d'un train qui s'en va. Chauncey ne put chasser l'impression que cet éclat, où qu'il aille, emportait une partie de lui-même. "