C'est le matin de Noël. Holly, la quarantaine épanouie, et son mari se réveille plus tard que prévu. Panique à bord, d'autant qu'ils reçoivent, et que leur fille adolescente, Tatiana, leur fait payer par sa mauvaise humeur ce qu'elle considère comme un affront caractérisé. Au fil de cette journée particulière, Holly ne cesse de convoquer le passé, dans une série d'allers-retours temporels, pour se rappeler qu'elle adore sa fille, qu'elle et son mari sont partis adopter en Russie, au coeur d'un orphelinat sibérien totalement glauque.
Pourtant, tout va de mal en pis. Le repas n'est pas prêt, Tatiana s'enferme en boudant dans sa chambre, les grand-parents qui devaient rejoindre le repas font un malaise en cours de route, tandis que tous les invités annulent tour à tour leur venue car une tempête de neige d'une intensité inhabituelle s'est levée et finit par isoler totalement du monde la mère et la fille, dans un tête à tête oppressant, qui vire progressivement à la paranoïa, et dont on sent bien que l'issue ne peut être que dramatique.
"Quelque chose les avait suivis depuis la Russie jusque chez eux". Toute la narration est rythmée par cette phrase lancinante qui installe la suspicion et pèse sur tout le roman. Laura Kasischke excelle décidément à construire des analyses psychologiques très fine, au travers d'ambiances tendues et suffocantes. Entre Shutter Island (Denis Lehane) et Les Revenants (le roman le plus fascinant de Laura Kasischke), Esprit d'hiver est hautement recommandable, pour qui ne craint pas les climats étouffants. Mais ce n'est sans doute pas le roman le plus facile pour entrer dans l'univers de Laura Kasischke (je conseillerais plutôt La couronne verte ou encore Rêves de garçons).
Pour d'autres huis clos - forcément étouffants, aller voir du côté de : La traduction (Pablo de Santis), L'assassin aux fleurs (la "vintage" Ngaio Marsh), l'excellentissime Les proies (Thomas Cullinan), ou encore Le pouvoir du chien (Thomas Savage, encore un cran au-dessus en matière de qualité littéraire).