« Un an après »
WIAZEMSKY Anne
(Gallimard)
Autant le Lecteur avait apprécié (non sans quelques réserves) le précédent roman/mémoires d’Anne Wiazemsky « Une année studieuse « , autant cette bluette l’indisposa. Les ingrédients essentiels du premier ouvrage ont en effet pratiquement disparu. La famille de l’Auteure. Le quasi fantôme de François Mauriac. Francis Jeanson. Antoine Gallimard. Entre autres.
Dans «Un an après », ne subsiste pour accompagner la Narratrice que l’ami/amant/époux : Jean-Luc. Jean-Luc Godard. Cinéaste et idéologue. Le couple confronté aux évènements de mai 68. Lui avec les élans qui le poussent vers les mouvements maoïstes. Elle, belle indifférente, effrayée par la violence, mais se résignant à accompagner son mentor, au-delà de quelques tentatives de fuite vers le cinéma et ses contingences. Mai 68. D’où un nécessaire rappel de ce que fut, à Nanterre, sa première rencontre avec Dany le Rouge. Le Festival de Cannes annulé. L’effervescence au quartier latin où réside le couple, ce qui lui valut alors quelques désagréments.
Le regard que projette Anne Wiazemsky sur cette période s’inscrit dans le conformisme ambiant. Les gentils étudiants un tantinet idéalistes d’un côté. Des masses amorphes de l’autre côté mais dont la réaction, quoique tardive, soulèvera tout de même un vent de panique dans les allées du Pouvoir. Mai 68, la parenthèse. Avec des approximations. Le SNESup, par exemple, présenté comme un syndicat étudiant. Ou bien encore « deux cent mille personnes défilèrent (le lundi 13 mai 1968) entre la gare de l’Est et Denfert-Rochereau, avec Dany en tête. » (Soit donc les chiffres fournis par les flics, alors que les syndicats évaluèrent cette foule immense entre 500 et 800 000 manifestants).
Certes, il s’agit d’un roman. Un roman qui raconte comment un couple traverse des moments qui, avec le recul, s’inscriront dans l’Histoire. Le Lecteur, lui, n’aime pas que cette Histoire soit falsifiée. Sans doute parce qu’elle reste accrochée à ses basques, tant elle lui offrit quelques-unes des plus flamboyantes émotions de son histoire personnelle.
Reste tout de même le cinéma. Jean-Luc G au seuil de la rupture. Jean-Luc G égaré qui s’interroge. Jean-Luc G qui rompt avec la plupart de ses pairs. Et Anne W qui ose tout de même accepter les sollicitations de Bertolucci et de Ferreri. Et puis The Beatles avant The Rolling Stone. Un temps révolu, en quelque sorte.