Rome. Sa dolce vita, son Capitole, ses foules de pèlerins, ses hordes de touristes, sa pluie battante, ses sombres ruelles, ses labyrinthes souterrains et ses meurtriers insaisissables. Avec une telle accroche, comment résister aux appels des sirènes ? (Et puis j'avais commencé par erreur Malefico, où l'on retrouve les personnages clefs du Tribunal des âmes, d'où la nécessité de reprendre les présentations dans les règles de l'art. Je suis pointilleuse.)
Donato Carrisi a contre lui d'être trop plébiscité et généralement attendu au tournant (cf. Le chuchoteur, puis L'écorchée). Lui et moi entretenons donc une relation incertaine et qui se cherche encore. ;-) Mais l'idée de plonger dans les arcanes de Rome, au sein d'une confrérie secrète et protégée par l'église, m'attirait grandement. On y découvre un homme sans histoire, sans passé, Marcus, qui a été blessé un an plus tôt et a perdu la mémoire. Il tente malgré tout de recoller les morceaux, de forcer ses souvenirs à renaître de leurs cendres, tout en travaillant à côté pour contribuer, de façon incognito, à résoudre des enquêtes. Il a en effet la capacité d'analyser les scènes de crime, d'en ressentir les ondes maléfiques et de visualiser des éléments déterminants. Il a ainsi été sollicité pour comprendre la disparition d’une jeune étudiante, qu'on suppose avoir été kidnappée par un serial killer. Le temps presse et la police est au taquet. Mais l'histoire bifurque vers d'autres chemins en nous attirant vers Sandra Vega, une enquêtrice photo qui bosse pour la scientifique. Veuve depuis un an (son mari, grand reporter, a fait une chute accidentelle alors qu'il était en déplacement professionnel), elle cherche à accepter sa mort en récoltant des indices mais est de plus en plus mal à l'aise par ce qu'elle découvre et doit se rendre à Rome pour obtenir des réponses concrètes.
On sent poindre la corrélation des deux intrigues, en anticipant le champ des possibles, mais ce serait sous-estimer l'imagination scabreuse du romancier italien. La narration en double perspective, entrecoupée de flashbacks, offre ici l'occasion de dérouler le fil d'une histoire longue et tortueuse, mais qui tient la distance. La lecture est certes captivante, avec du suspense à revendre et des rebondissements à tous les étages. Elle n'en est pas moins déroutante à suivre (le format audio oblige une concentration sans faille). On emprunte aussi des tours et des détours qui nous paraissent interminables, au bout d'un moment ça suffit, il est temps d'abréger le supplice. Puis, après avoir enduré un tel parcours du combattant, on est rattrapé par l'excitation d'un final en apothéose, complètement bluffant, et qui agacerait presque. L'auteur applique sa sempiternelle formule, laquelle consiste à nous manipuler jusqu'à plus soif, au risque d'en faire trop. J'espère maintenant que la suite (Malefico) apportera des précisions sur des points laissés en suspens.
Audiolib / Mai 2012 ♦ Texte lu par Jean-Michel Vovk (12h 55) ♦ Traduit par Anaïs Bokobza pour les éditions Calmann Levy (Il tribunale delle anime)