Chronique « Holmes, Tome 4 – La Dame de Scutari »
Scénario de Luc Brunschwig, dessin de Cécil,
Public conseillé : Adultes et adolescents
Style : Polar
Paru chez Futuropolis, le 22 octobre 2015, 48 pages couleurs, 13.50 euros,
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L’histoire
2 février 1854. Les militaires anglais touchés au combat sont amenés à l’hôpital de Scutari pour y être soignés ou plus vraisemblablement y mourir. Au centre de cette fourmilière, le jeune docteur Parks assure autant la réparation psychologique que physique. Son patient du moment, le jeune Lucky Boy, a reçu une blessure par balle qui devrait être soignée sans difficulté. Pourtant, sur la table d’opération, l’hémorragie s’étend et le garçon décède…
Des années plus tard, au procès de Judith Brown, la nounou accusée d’avoir empoisonné son fils et celui de sa patronne, Le docteur Parks témoigne. En étudiant les cas similaires à Scutari, il en a conclu que les hommes qui mouraient étaient tous atteint du même “mal” : vivre dans l’East-end de Londres…
Ce que j’en pense
Revoici Luc Brunschwig, le scénariste (fortement apprécié !) du “Pouvoir des innocents” (3 cycles) , “Urban”, “L’esprit de Warren” et du “Sourire du Clown”, et Cecil, le dessinateur du “Réseau Bombyce”, sur les traces de Sherlock et de sa mystérieuse disparition.
Cette fois-ci, Luc Brunschwig s’éloigne un peu de l’intrigue (comment est mort Sherlock et surtout qui était-il vraiment ?) pour en revenir aux sources, à la genèse. Tout part du procès de Judith Brown, “L’empoisonneuse” de L’East-end. Autour de ce grand procès, Luc aborde des thèmes sociaux.
Avec son sens de la justice, il délaisse (momentanément) les questions de vie et de mort de son héros, pour s’intéresser à celles du petit peuple, qui “crève de l’indifférence des élites”. Le sujet n’est pas nouveau, mais il est démontré par le docteur Parks avec une telle évidence que je me demande s’il est fictif ou purement historique ?
Le procès en lui-même est un exemple de mise-en-scène, un peu à la façon du discours de Lou Mac Arthur, dans “Le pouvoir des innocents”, cycle 2, tome 3. Des dialogues, du blabla, mais avec une dramaturgie et une force qui prend aux tripes.
Puis, l’album change d’époque, et se recentre sur la famille Holmes. 12 décembre 1854, Retour à la case départ. En plein hiver, Sherlock vient de naître, Mycroft, le frère aîné, comme à développer ses talents et Violet sa mère abandonne sa famille…
Luc brosse un portrait de femme… particulier, sans aucun sentiment maternel (donc socialement “négative”), mais compensé par un sens du devoir et du don de soi incroyable. Ce portrait de Violet est tellement central dans l’album, qu’il en fait un épisode “féminin”, dans lequel Luc ose des psychologies non conventionnelles, complexes et admirables.
Oui, ce sont vraiment les femmes qui prennent le pouvoir dans cet épisode ! Violet, la mère de Sherlock au destin étonnant mais aussi Miss Bannister, la servante qui confie ces bribes du passé, sans oublier Miss Nightingale, une gloire nationale anglaise.
De plus en plus, Luc Brunschwig joue avec nos nerfs. Il trifouille tellement personnages romanesques, fiction personnelles et histoire, que tout s’enchaîne avec une évidente véracité inventée.. Arg, le bougre d’homme !
Coté Dessin, Cécil reste un maître du dessin réaliste pour moi. Ses planches travaillées en couleurs directes (crayonnés et lavis en camaïeux) sont d’une précision diabolique. Pour autant, il n’oublie pas la mise-en-scène (grandiose), la lisibilité… et l’émotion qui baigne son dessin. Tout en subtilité et en demi-teintes, voilà comment je qualifierais son travail.
Pour exemple, prenez la scène de la pendaison (page 38 à 43) où il alterne flash-Back “tranquille” et exécution. Il fait ressentir tout le drame et l’horreur de l’acte avec une maîtrise du cadrage et une sensibilité, sans voyeurisme. Un grand, je vous dis !
L’édition spéciale (cahier graphique & couverture alternative)
Cet article fait parti de « La BD de la semaine ». Allez donc voir la sélection de la semaine…