Une tragédie pour traiter d’une tragédie humaine
L’histoire :
Le quatrième mur de Sorj Chalandon est un livre puissant sur la vision d’un homme à travers le conflit au Liban. Là où les rêves se brisent face aux armes. Georges est un activiste plutôt à gauche, il lutte pour défendre ses idéaux, la veuve et l’orphelin, enfin presque. C’est dans ce contexte qu’il rencontre Sam, le grec. Ce dernier, metteur en scène, après avoir connu la dictature des colonels rêve de jouer Antigone au Liban, ce pays qui se déchire entre plusieurs protagonistes. Mais tout ne sera pas aussi simple une fois que l’on plonge dans l’enfer de la guerre.
L’idée de Sam était belle et folle : monter l’Antigone de Jean Anouilh à Beyrouth. Voler deux heures à la guerre, en prélevant dans chaque camp un fils ou une fille pour en faire des acteurs. Puis rassembler ces ennemis sur une scène de fortune, entre cour détruite et jardin saccagé. Samuel était grec. Juif, aussi. Mon frère en quelque sorte. Un jour, il m’a demandé de participer à cette trêve poétique. Il me l’a fait promettre, à moi, petit théâtreux de patronnage. Et je lui ai dit oui. Je suis allé à Beyrouth le 10 février 1982, main tendue à la paix. Avant que la guerre ne m’offre brutalement la sienne…
Editeur : Editions Le Livre de Poche (Littérature & documents) – 329 pages | Sortie : 20 août 2014
L’auteur :
Sorj Chalandon, dont le véritable prénom est Georges est un journaliste et écrivain français. En tant que journaliste il a couvert de nombreux conflits. Il a publié 5 romans, Le Petit Bonzi, Une promesse, Mon traître, La Légende de nos pères, Retour à Killibegs et donc Le Quatrième Mur son dernier roman. Sorj a reçu de nombreux prix littéraire pour ses romans.
Mon avis :
Ce roman est le choix des Libraires pour le Prix des lecteurs du Livre de poche 2015, mais fait rarissime il est aussi le choix ex aequo des jurés de la section littérature de ce même prix. Ce roman ne laisse pas insensible. Le début du livre nous parle de George – vrai prénom de l’auteur – , de son combat intellectuel mais aussi physique pour ses convictions. Le contexte s’y prête en ces fins d’années 60 et du début 70. Les jeunes sont dans la rue, le monde est confronté aux guerres. Le monde ne va pas bien. George est plutôt du genre œil pour œil, dent pour dent. A rendre les coups sans prendre le recul nécessaire. Ce recul son ami Sam lui il l’a. Ce grec qui a fuit la dictature des colonels après l’avoir combattu. Metteur en scène, il sait prendre ce recul, observer et comprendre avant d’agir. lui c’est par les mots et les idées qu’il lutte contre l’oppression.
Les années de rébellion passe et Sam à une idée qui lui tient à coeur. L’idée c’est de faire jouer une représentation d’Antigone par une troupe d’acteurs issues des différentes fractions qui s’affrontent au Liban. L’idée c’est d’offrir deux heures de paix dans ce théâtre de guerre urbaine.
Ce roman est bouleversant dans sa vision du conflit au Liban, sur les atrocités partagées des camps qui s’affrontent. De cette période je n’ai que de vagues souvenirs, mais là on plonge au coeur du conflit. On est interpellé par ce désastre humain ou les combattants ne sont pas les seuls à mourir. Ce livre est un écho aux souffrance des femmes, enfants, vieillards qui sont les victimes expiatoires des religions.
On est touché par la façon dont George perd pied avec sa vie quotidienne et des conséquences que sa promesse à son ami de faire jouer cette pièce vont avoir sur sa vie. Il sombre dans le désastre de la guerre. Ce roman est une critique du monde qui se mobilise pour des causes, se révoltant contre ce que les médias diffusent, mais qui revient vite à ses petits problèmes de son quotidien. Tout cela vous saute à la figure dans le passage quand sa fille pleure pour une boule de glace tombée au sol :
« Et ma fille pleurait pour une putain de glace? C’était ça, son drame? Une boule au chocolat tombée d’un cornet à biscuit? Les misères de la paix me dégoutaient. »
Ce livre remue parce que les faits ont existé, parce que les armes ont tué, parce que les larmes ont vraiment coulé, parce que des amis d’hier sont devenus les ennemis d’aujourd’hui.
J’ai aimé ce roman pour l’histoire émouvant et terriblement dure qu’il fait vivre ainsi que pour son style auquel j’ai finalement bien accroché.
Le style
Je ne connaissais que de nom l’auteur mais dans ce roman je découvre une plume percutante, jouant avec les mots pour combattre des certitudes. Les scènes du conflit sont décrites de manières épurées et pourtant chargées de toute la violence. Au début du roman on peut être un peu déstabilisé par certaines tournures de phrases ou encore sur le chemin sur lequel l’auteur nous emmène. Mais la maîtrise des textes donnent à ce livre une percussion intense.
Ma Note : 3.8/5
Mon petit point positif :
Ce livre nous amène à réfléchir avant de juger, à prendre du recul sur notre quotidien, et à dire je t’aime à ceux qui nous sont chers.