Horrorstör, de Grady Hendrix

Horrorstör

Quelle singulière couverture, qui prête volontairement à confusion ! Eh non, ceci n'est pas le dernier catalogue d'un célèbre magasin d'ameublement suédois. Il s'agit tout simplement d'une tentative amusée d'un auteur américain qui cherche à faire parler de son roman, dont l'histoire se passe dans une grande enseigne de meubles (Orsk).

Basil, le responsable du magasin, est contrarié par des actes de vandalisme répétés, qui se passent la nuit, sans jamais alerter les caméras de surveillance. Il convoque donc deux employées, fiables et discrètes, Amy et Ruth Ann, pour une inspection nocturne et entend lever le mystère sur ces agissements incompréhensibles. Or, rien ne va se passer comme prévu. Et la nuit va être longue, très longue. On réalise assez vite que l'ambiance du magasin est oppressante, en plus d'être inquiétante, car des phénomènes dignes de figurer dans Paranormal Activity s'invitent à la fête. Youhou. La lecture prend enfin une tournure glaçante, alors qu'on s'imaginait débarquer dans une critique cinglante de la société de consommation, planquée sous des artifices anxiogènes. Mais le résultat est là, scotchant, sombre, poignant. On louvoie entre les émotions fortes et la réflexion suggestive, à l'ombre d'une histoire terrifiante et au suspense hyper efficace. C'est d'autant plus percutant que l'expérience est vécue par une jeune femme éreintée par son boulot, qu'elle ne supporte plus mais auquel elle reste enchaînée par obligation économique. La tension qui s'installe au fil des pages est donc pernicieuse. On devine le danger, plus qu'on ne le subit. Le rythme est lent, l'attente assez longue. Mais heureusement cette chasse aux fantômes prête aussi à sourire, dans les échanges entre les personnages et leur humour sarcastique, d'où certaines scènes surréalistes (cf. extrait ci-dessous). En bref, Horrorstör n'est pas juste un roman qui fait peur, qui dénonce l'esclavage moderne et qui a réussi un gros coup de pub. C'est avant tout une lecture qui fait ressentir des tas de choses et ce n'est déjà pas si mal. 

Milan et demi / Août 2015 ♦ Traduit par Amélie Sarn

« De l'autre côté de l'allée, le décor présentait la chambre Sylbian. Tonalité mauve, le moindre détail parfaitement agencé. Rien ne manquait, tout était à sa place. Sauf qu'une main dépassait du cache-sommier. Une main poilue avec une alliance en or.
Amy donna un coup de coude à Basil. Il suivit son doigt tendu et ses yeux s'écarquillèrent comme des soucoupes. 
Leur mouvement de recul alerta Matt qui se retourna. En voyant la main, il sursauta et essaya de tirer Trinity en arrière, mais elle se dégagea. Ruth Ann s'éloigna le plus possible.
- Hum, toussota Basil, nous vous voyons.
Rien. Pas de réaction.
- Sous le lit, poursuivit Basil d'une voix trop forte. Avec l'alliance. Nous voyons votre main poilue et... nous vous encerclons.
La main ne bougea pas, ne tressaillit même pas. Amy ferma les yeux. Ils avaient trouvé un cadavre, ça ne pouvait être que ça. Quelqu'un était mort dans la zone des Chambres, et il était évidemment hors de question que ce cadavre puisse être encore là à l'ouverture. Basil exigerait qu'il soit évacué avant l'arrivée du consultant de la maison mère. Cette nuit ne finirait jamais.
- Nous avons appelé la police, tenta de nouveau Basil. Vous devriez sortir de dessous ce lit de votre plein gré, maintenant. Sinon, ce sont les policiers qui vous y obligeront. Vous avez envie de goûter à leurs bombes lacrymogènes ? Ou à leurs Taser ?
Brusquement, Ruth Ann passa devant lui et poussa le lit. L'homme était étalé face contre le sol, les bras écartés, façon étoile de mer. »

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