Lors de mon existence, certes courte, j’ai vécu certaines choses qui m’ont particulièrement marqué. En premier lieu, je dirai l’annonce de la naissance de ma petite sœur, même si à l’époque je n’avais que deux ans. Ma première rentrée scolaire l’année d’après, et toutes les autres dans toutes ces écoles différentes. Mon premier petit copain et mon entrée dans l’agence. Dernièrement, ce fut d’apprendre à être une reine de conte de fée. Un fait que j’avais beaucoup de mal à assumer, surtout que je venais, bien malgré moi, d’y pénétrer.
Cette nouvelle eu l’effet d’une bombe. Rester ici relevait du suicide.
— Comment… Je… ? Je croyais que ce n’était qu’un souvenir. Nous devions seulement voir notre mariage ! Se retrouver en Terria ne faisait pas parti du deal. Il faut que l’on rentre… Maintenant !
— Calmes-toi une seconde tu veux ?
— Sérieusement, on doit rentrer !
—Je vous pie de m’excuser. Je n’ai pu qu’entendre la teneur de vos propos, intervint Melchior, êtes-vous en train de dire que vous êtes… des humains ? De ceux qui vivent dans le royaume des hommes ?
Nate et moi hochâmes la tête en coeur.
— Que voilà une merveilleuse nouvelle ! Cela fait bien des décennies que nous n’avons pas eues de telles visites dans nos contrées. Bien sûr, il y a quelques shamans qui passent de temps à autres mais, nous sommes habitués à leur présence. Je continue cependant à dire que, vos visages me semblent familiers. (Il sembla réfléchir un instant). Mais je manque à tous les devoirs, venez donc dans ma demeure, vous partagerez le petit déjeuné avec nous.
— C’est très aimable de votre part ! Je vous remercie de cette attention. Cependant…
Nate me fit taire d’un geste de la main.
— Se serait avec un grand plaisir, répond-t-il au vieil homme.
— Par ici, je vous prie !
Je ne tenais de ne pas lui tenir rigueur de la manière plus qu’incorrecte avec laquelle mon cher compagnon n’avait fait taire. Nous le suivîmes jusqu’une maison semblant plus grande que les autres. Je tiquais cependant je ne voulais pas nous discréditer. Mon esprit m’interdisait de le laisser faire sans ne serait-ce que comprendre ses motivations.
—Il y a surement un moment plus opportun à prendre du bon temps, non ?
— Ca suffit. Tu veux la vérité, je ne sais pas plus que toi comment rentrer. Ils pourront peut-être nous aider. Mais certainement pas si nous bousculons leur sens de l’hospitalité. Ca va nous coûter quoi de prendre le thé avec eux ? Tant qu’ils ne savent toujours pas qui nous sommes, on ne risque pas d’avoir de problème. On est l’attraction du moment, voilà tout.
J’étais choquée par le ton qu’il prenait avec moi, mais je ne dis plus rien après cela. Il est vrai qu’il était plus au fait que moi en matière d’uses et coutumes terrianes. A quoi bon essayer de résister ?
L’intérieur de la maison était composé d’une enfilade de pièces. La première et principale était un grand salon constitué plusieurs fauteuils et une grande table, un feu ronflait dans la cheminée offrant un aspect chaleureux à la pièce. Le vieux maire nous présenta sa femme, Salomé, qui accompagna jusque nous sièges et nos servit le repas. Par habitude, je me proposai pour aider la maîtresse de maison. Je me rendis compte que trop tard que mon geste aurait pu très mal être interprété. Elle me conjura non sans un beau sourire de rester assise et de la laisser faire.
La discussion fut longtemps portée sur les raisons de notre arrivée en Dardhélia, ainsi que sur nos vies dans notre dimension. On ne tarit pas de détails sur ce que l’on faisait, cela semblait tant les émerveiller… Plusieurs heures s’écoulèrent, jusqu’à ce que les hommes se levèrent pour fumer un cigare. Je restai donc là avec Salomé.
Elle me proposa alors de faire le tour de sa masure, ce que je ne pu décemment refuser.
J’entrai dans une salle de réunion, c’était la dernière pièce qu’il me restait encore à voir, après de nombreuses autres. Qui aurait pu imaginer qu’il y ait autant de pièces dans une si petite maison ? Nous finîmes donc notre visite par une salle, devaient se dérouler les conseils administratifs de Dardhélia. Surement une organisation politique semblable à la notre. Du moins, c’est ce que j’imaginais.
C’est en entrant dans cette pièce que je compris l’important que pouvait prendre ma présence ici, l’appel de la terre qui s’était fait aussi puissant arrivé ici. Devant moi, trônait une peinture magnifique. A taille humaine, cette toile prenait une place toute particulière dans la pièce.
Le cadre moulé d’or massif luisait à la lumière des bougies donnant un tout autre aspect à cette toile installées dans la pièce. Les moulures finement ciselées étaient dignes d’un rococo, les motifs végétaux s’entrelaçaient de manière subtile. Le cadre élégant et raffiné était creusé de volutes souples. Bordures et angles adoptaient un mouvement chantourné. L’asymétrie des motifs caractérisait le décor des encadrements qui s’enrichissaient de motifs décoratifs, ici, des feuilles de vignes et grappes de raisons. De tous les rebords partaient de fines racines qui s’entrelaçaient, formant de fines arabesques. La toile était entourée d’une fine encadrure représentant de fines mailles. La peinture en elle-même est un chef d’œuvre, des aplats de peintures permettent une mise en relief des détails même les plus petits. L’artiste utilisa principalement la technique du modelé pour permettre une vision presque tridimensionnelle de l’œuvre, variant de tons clairs à foncé, mais aussi en jouant sur les épaisseurs et les valeurs chromatiques. Aucun doute, seul un véritable artiste peu arriver à un résultat pareil. J’en étais époustouflée.
Une jeune femme se tenait debout, droite et fière, près d’un homme qui l’enserrait par la taille. Il portait une tenue d’équitation : pantalons près du corps, chemise blanche surmontée d’une veste noire et des bottes montante. Elle, en revanche, arborait une robe près du corps, d’un bleu nuit profond, une grande encolure et un voile de la même couleur sur les épaules. Ses cheveux étaient remontés et de nombreuses mèches bouclées cascadaient dans la nuque. Sur sa tête, un très fin anneau d’or, encadré de nombreuses pierres, lui faisait office de couronne. Ses yeux vert émeraude luisaient sur la peinture de même manière que le bleu de son compagnon ? Mari ? A son doigt, une magnifique bague sertie de centaines de diamants. A l’autre main, une très fine chevalière en or. Ils souriaient, de ce sourire serein et complice de ceux qui se connaissent et s’aiment depuis toujours. Quelques larmes s’écharpèrent de rideau de mes cils.
Cette vision captait toute mon attention. C’était complètement irréel.
— Ils sont beaux, n’est-ce pas ? me demanda Salomé.
— Oui, magnifique, répondis-je le regard toujours rivé
— Ils ont été nos souverains les plus emblématiques. Cette peinture a été peinte peu de temps après leur mariage. Bien avant la tragédie. Ils ont beaucoup apporté à notre peuple durant leur règne. Ils ont tout fait pour nous protéger. Ils étaient les plus charismatiques que l’on ait jamais eu. Je ne dis pas qu’Eléonore ne l’était pas, mais Theodora et Léandre avaient quelque chose en plus que jamais personne n’a pu comprendre.
— Ils connaissent la valeur du sacrifice… Elle s’est sacrifié pour vous protéger n’est-ce pas ?
— C’est cela, en effet ! Comment le savez-vous ? Nous sommes aujourd’hui très peu nombreux à connaître la véritable histoire. Quand ils ont tous les deux compris qu’ils ne pourraient pas nous sauver. Ils ont sacrifiés leurs vies afin de pouvoir donner une chance au royaume de pouvoir un jour revivre. Ainsi, cela évitait que le Baron De Reed ne s’empare du pouvoir de Theodora. Ils étaient réellement dévoués à leur peuple. La preuve, ils ont même laissé leur…
— Ma chère, vous êtes donc là.
Melchior et Nate firent irruption dans la pièce.
D’un regard ému, mon compagnon balaya de son regard cristallin le tableau. Il tenta un jeu de regards espiègles, mais étrangement, je n’avais pas le coeur à rire. Je prenais peu à peu conscience de ce que mon rôle me contraignait de faire. Aurais-je encore aujourd’hui un tel courage ?
— Voilà une de nos plus belles possessions, compléta Melchior, une pointe d’admiration à peine dissimulée dans la voix.
Je ne répondis pas. Qu’aurais-je de toute manière pu lui répondre ? Ma mémoire me faisait continuellement défaut. Je n’avais pas non plus la connaissance politique nécessaire. J’avais cette affreuse impression d’être inutile, et Nate ne m’aidait pas à me sentir mieux. Lui se souvenait de tout… pas moi.
— … à chaque fois que nous sommes ici, nous pensons au sacrifice de nos souverains de l’ancien temps, et cela nous donne la force de prendre les décisions les plus justes, prenant en compte la valeur de certains sacrifices pour le bien de notre communauté.
» Je n’étais pas né à leur époque. Cependant, mes ancêtres vivants à cette époque, m’ont conté maintes fois leur histoire. Nous, survivants de la Terreur, sommes baignés dans les histoires de ce merveilleux couple, et, nous faisons de même avec nos enfants afin que le souvenir de ceux qui nous ont sauvés, jamais ne s’efface.
— C’est un bel hommage que vous leur faites là. Je suis sûre que d’où ils sont, ils vous en sont reconnaissants.
Ces mots, prononcés par Nate, ne sont pas dénués de sens. Jamais je ne l’avais encore vu aussi sérieux. Son visage semblait sincère et ce quelque chose dans sa voix me faisait sérieusement penser à cet homme que je voyais si souvent en songe. Mais comme toujours, ses changements d’attitudes me laissaient pantoise. J’étais incapable de savoir ce qu’il pouvait penser. J’aimerais, juste une fois, de temps en temps, pouvoir lire en lui aussi facilement qu’il lisait en moi.
Personnellement, ce n’est pas réellement ce qui me préoccupait le plus. Il était impossible de s’y méprendre, l’œuvre que l’on avait en face des yeux nous représentait traits pour traits. Il était impensable qu’ils ne fassent pas le rapprochement. Espérons seulement que cela se produise une fois que nous serions rentrés. Il me semblait pourtant que j’étais la seule que cette perspective semblait inquiéter. Face à Nate qui continuait à jouer son roitelet, sans prêter attention à ce qu’il se tramait autour de lui, je voyais les regards de nos hôtes semblait changer, c’était de plus en plus perceptible. Il suffisait que quelques instants supplémentaires pour que nos identités soient révélées.
— Bien, nous devrions peut être trouvé un moyen de rentrer chez nous, dis-je à l’attention de Nate. Il commence à se faire tard, et les filles vont s’inquiéter et nous n’avons aucun moyen de prévenir qui que se soit.
Le crépitement du feu accompagna ma question. Je m’agaçai de cette attitude à des lieux de l’homme que j’avais pris l’habitude de côtoyer.
— Nate !
— Oui, oui…
Je levai les yeux au ciel. Il ne s’annonçait rien de bon. Cette journée ne faisait qu’empirer. Et cela, continuera lorsque le maire passa son regard du tableau à nous, plusieurs fois. Oui, c’était beaucoup trop beau… Une étincelle de compréhension traversa son visage et je me retins de me passer une main rageuse sur le visage.
— Ainsi, je comprends pourquoi vos visages me semblaient si familiers, fit Melchior en rompant enfin le silence.
J’arrêtai de respirer, attendant la suite du discours du vieil homme.
— Avouez que la ressemblance est plutôt frappante, s’exclama-t-il.
Avec mon acolyte aux abonnés absents, j’essayai de me débrouiller pour me sortir de ce pétrin monumental.
— Vous… trouvez, hasardai-je.
Il fallait trouver un moyen de nous sortir de ce guêpier, de toute urgence.
— Oui, renchérit sa femme, C’est impressionnant. Nous savions que la reine avait utilisé ses dernières forces pour les envoyer dans une autre dimension. Mais pas chez les humains. Cela semblait tellement insensé. Est-ce vous ?
Ce fut un coup de plus. Que dire, que faire… Dire la vérité et se confronter à notre avenir avant que l’on soit prêt ? Fuir ? Peut-être que pour une fois, fuir serait la solution la plus sécurisante pour nous ?
— Très bien ! Il est temps pour nous de partir, fit remarquer Nate sortant enfin de sa léthargie.
— Pile ce que j’étais en train de me dire, répliquai-je d’un ton pince-sans-rire.
Nous prîmes le temps de nous renseigner sur la manière de rentrer chez nous. Fort heureusement, Nate avait l’air de comprendre ce que lui racontait Melchior, parce que s’il l’on avait du compter sur moi, cela aurait été quelque peu plus compliqué. Ils me donnaient l’impression de parler une autre langue. Autant pour mon ego. J’étais réellement inutile depuis que j’avais découvert cette nouvelle facette de ma vie, et je détestais cela.
Nous nous dirigeâmes enfin vers la porte, j’avais hâte de pouvoir rentrer chez moi, à la civilisation. Oui, je ferais une bien piètre reine. Le temps de dire au revoir et de remercier nos hôtes autant pour l’accueil que pour leurs conseils multiples. Moi, je les remerciais de ne pas nous avoir poser plus de questions que cela, et même lorsqu’ils se sont rendu compte que l’on était peut être pas forcément les deux simples humains arrivés en Terria par hasard. Non, mais de toute manière qui pouvait croire à une histoire pareille ?
Un hurlement nous tira de nos embrassades. Reflex professionnel, je me dirigeai vers l’origine de cette panique.
Dehors, se tenait une bête de près de trois mètres de haut. Son pelage d’un noir de jais lui recouvrait toute l’intégralité du corps. Trois immenses cornes rougeâtres trônaient au milieu de ta tête, sur ses pattes des griffes d’environs un mètre de long. Deux grands yeux rouges nous scrutaient. La bête rugit une fois de plus, tournant son atroce regard vers moi. Aucun doute, j’étais la cible. Mais de qui ? De quoi surtout ? Il passa à l’attaque et se confronta à un tigre blanc royal. La bête n’égalait pas la taille du monstre mais sa fureur protectrice elle, le rendait particulièrement dangereux.
J’étais pétrifiée ! Je ne savais ni quoi faire, ni comment réagir. Mon manque d’entrainement me rendait dangereuse pour ne pas blesser quelqu’un en essayant de sauver l’homme que j’aime. Parce que ce combat monstrueusement féroce voyait s’affronter Nate et un démon tout droit sorti des enfers.
Tu es une espionne quand même : il y a des fondamentaux à respecter.
Je me mis en branle, il était hors de question qu’une situation nouvelle me rende incapable ! Je poussais tous les villageois à s’enfermer chez eux le plus rapidement possible. J’eu beaucoup de mal à faire bouger le maire qui voulait absolument rester sur le navire pendant qu’il coulait. Ah, sacré capitaine…
— Je peux vous aider, cria-t-il pour couvrir le bruit de lutte entre les deux animaux.
— Rentrez chez vous, le suppliai-je alors, vous risquez de vous blesser, ou pire même, laissez nous faire !
— Mademoiselle Elena !
— Melchior je vous en prie, rentrez !
Ma voix se fit plus forte, si bien qu’il fini par se laisser entraîner dans les méandres de sa masure. J’étais tentée de caler une planche devant la porte pour être sûre qu’il ne puisse pas sortir. Mais non, il était assez intelligent. Il ne viendrait pas interférer dans un combat qui n’était pas de son calibre. Ni du mien du reste…
Je retournai alors vers le lieu de la lutte. Aucun des deux n’avait flanché, des traces de sang tachaient leurs fourrures, et il me semblait bien que c’était des morceaux de chairs sur lesquels je venais de marcher. Je retiens un haut-le-coeur. Non, je ne veux pas savoir à qui cette horreur appartenait. Toute part, l’écho de leurs rugissements se faisait entendre.
Je devais calmer mes tremblements. Je transpirais la peur et la peur a le don d’exciter de genre de bête. Le démon, comme Nate. Un prédateur reste un prédateur après tout.
Je fis le tour de la scène du regard, je repérai un rocher qui culminait la scène. Je décidai alors, de le monter tant bien que mal. Je les regardai lutter désespérément impuissante sous un tonnerre de rugissement. La colère montait en moi plus forte que n’importe que leur fureur. J’étais encore une fois inutile. Encore et toujours. En y réfléchissant, je pouvais bien trouver un moyen de détourner l’attention du démon. Une alternative dont je pouvais prendre le risque… Je le devais… L’avalante de coups de griffes, de cornes et de crocs était incessante.
La première fois que j’avais eu affaire à ce genre d’événement, j’avais réussi, je ne sais comment, à provoquer un orage dans l’hôtel. Eléonore m’avait énormément aidé à trouver le chemin afin de parvenir à un tel exploit. Bien sûr, je m’étais entrainée chez les O’Callagan pendant quelques temps, mais contrôler l’eau ne me servirait pas à grande chose pour créer un orage titanesque. Bon certes, je risquerais aussi de perdre le contrôle et de tous nous tuer, mais ça restait un menu détail face à tout ce qui se déroulait autour de moi. Nous n’étions pas de taille pour affronter une telle bête. Pas encore ne tout cas.
Tout ce que tu as à faire, c’est te concentrer sur le sentiment que tu ressentais la dernière fois. Colère, peur, rage et impuissance. Fais en sorte qu’ils te consument pour déchaîner la puissance qui caractérise ta famille.
Les sentiments… Je me vidai alors la tête, jusqu’à ne plus rien entendre, ne plus rien voir. Il n’y a plus que moi et les battements de mon cœur. Je me fixai sur mon objectif : je voulais faire naitre une tempête. Comme lors de mon entraînement pour l’eau, ça ne doit pas être si compliqué après tout !
Les battements de l’air résonnaient comme les battements de mon cœur. Je me rappelai de la sensation de la Terre, de son appel lorsque le portail nous à emmener ici. Je captai sa vie, son envie de se battre, et j’utilisai cette force comme point d’encrage à ce pouvoir que je sentais naître de nouveau en moi. L’osmose était totale. Rien d’autre de compte plus désormais. Telle un chef d’orchestre, et mes musiciens étaient l’eau, l’air et les éclairs ?
Le tonnerre… Le vrai tonnerre retentit. Le vent se mit à souffler plus fort, la pluie martelait mon visage. Avais-je réussi ?
Oui !
Le vent obéît à mes mains, le roulement de l’orage au loin annonça sa venue.
Le tigre blanc orienta ses yeux cristallins vers moi avec un mélange de fierté et de stupéfaction dans ses grands. A ce moment là, j’avais d’autres tigres à fouetter. Je me concentrai cette activité si nouvelle soit-elle me demandait une quantité d’énergie substantielle à laquelle je ne m’étais pas du tout attendue.
Le monstre s’apprêtait à attaquer de nouveau lorsque je passai à l’action. Quitte à dépenser de l’énergie autant que se soit pour quelque chose de concret non ? Le vent redoubla de force et forma une barrière d’air entre Nate et lui. L’air autour de moi se chargea en électricité statique, la foudre approchait dangereusement, son impact était inévitable. Les arbres étaient pliés en deux. Je ne ressentais rien, j’étais autant monstrueuse qu’eux, à mon échelle.
Le bruit du tonnerre déchira le silence nouvellement créé. Un premier éclair fissura le ciel couleur noir d’encre. La bête me regarda, ses yeux rouges emplis d’une terreur que je n’aurai jamais pu lui allouer.
Oui, c’est la fin pour toi, Denver.
Quelques secondes plus tard, un second éclair zébra le ciel.
C’était trop tard, je ne pouvais pas faire machine arrière, la tempête grondait déjà en moi. Cet excès de puissance me terrorisait intérieurement, je ne devais pas me laisser griser. Je gardai un contrôle absolu au risque de périr en même temps que mon orage.
Plusieurs tornades se créèrent, ma cible, la leur, le démon.
Finalement, un dernier coup de tonnerre retentit suivi d’une déflagration si puissante qu’elle m’éblouie. Elle toucha le monstre presque instantanément ! Il poussa alors un hurlement et pris instantanément feu. C’était presque beaucoup trop facile. Comment un simple foudroiement pouvait mettre à mort une bête pareille ?
La tempête se calma autour de nous. Le ciel retrouva son bleu. J’eu à peine le temps de voir le tigre redevenir un homme, et je dégringolai du haut de mon piédestal, pratiquement morte d’épuisement.
* * *
— Elle a accompli une prouesse, peu de personne aurait pu avec un tel manque t’entrainement faire une chose pareille.
La voix du chef du village résonna dans la petite chambre d’enfant dans laquelle l’on m’avait installé. En ouvrant les yeux, je découvris le visage inquiet de Nate. Ses mains étaient enserrées autour des miennes, et pour la première fois depuis le début de notre histoire, il y avait dans ses yeux autre chose que de la tendresse, on aurait presque dit de la peur.
La peur de ce que je pourrai être capable de faire, peur de ce que je pourrais devenir avec un peu plus d’entraînement. Il avait peur de…
Moi.
L’homme que j’aimais avait peur de moi… La douleur me frappa de plein fouet, et je tentai de ne pas montrer cette tristesse. Personne ne devait savoir que j’avais compris la chose qu’il gardait la plus enfuie en lui même.
Je tentai de me relever. Une douleur fulgurante me déchira le dos incapable de faire le moindre mouvement. Un bourdonnement sourd envahit ma tête. La nausée me prit et je manquai de m’étouffer en expulsant le peu de nourriture que mon estomac contenait encore.
— Reste tranquille, me rassura Nate. Ils ont tout fait pour t’éviter de graves séquelles, mais une chute de six mètres de haut, ça laisse quand même des traces. Et plus, ton corps n’est pas habituer par autant de puissance.
— D’accord…
— Je suis désolée, j’ai essayé de te rattraper, et à vrai dire j’ai réussi, mais entre temps, tu as râpé contre la paroi du rocher…
— Pourquoi tu t’excuses ? Tu n’y es pour rien !
— Enfin bref, pour l’instant, il faut que tu te reposes, et ça risque de prendre quelques temps avant que tu puisses à nouveau marcher. Donc ce que l’on va faire, c’est que maintenant que je sais comment aller et venir, je vais aller prévenir les filles de ce qu’il se passe, et je reviendrais le plus rapidement possible, je te le jure.
— Tu me laisses seule ici ?
Les larmes menacèrent une fois de plus, je ne comprenais pas.
— Tu ne crains rien Ely. Ils vont bien s’occuper de toi. D’autant que maintenant, ils ont… compris qui ont est.
— Dis-moi que c’est une blague ! Nate, je n’ai pas l’étoffe d’une reine !
— Pour l’instant, ils ne te demandent pas d’être leur reine, juste de te remettre de tes blessures ! Leur médecine est basée sur la magie et elle est plutôt efficace ! Je suis sûre que tu te remettras très rapidement !
— Nate !
— Ne t’inquiète pas, je reste un peu. Mais je pars avant la nuit.
Je ne m’appesantis que quelques secondes sur le fait qu’il lisait dans mes pensées avant de me concentrer sur le point le plus important : il va le laisser seule ici, avec des gens qui attendaient de moi des choses que j’étais pour l’instant incapable de leur donner.
Il resta les six heures suivantes à me veiller pendant que je dormais. Il avait raison, plus le temps passait et mieux je me sentais. Je ne sais pas ce que contenait leur soupe, mais c’était diablement efficace. Au bout de deux heures, je pouvais respirer correctement, quatre, j’arrivais à baragouiner. Je ne pouvais certes pas encore bouger, une fracture de la colonne laissait certaines traces. J’avais presque de la chance d’être dans un monde où l’on pouvait guérir les blessures grâce à la magie. Et cela me rassurait… Je ne sais pas pourquoi, j’étais intimement persuadée que la magie avait disparu du monde. Je mettais cela sur des réminiscences de mon passé. Aujourd’hui, ils me donnaient tord.
Nate partit ce soir-là, me promettant qu’il serait de retour rapidement. Je n’avais pas de mal à le croire, j’étais juste terrorisée à l’idée qu’il m’abandonne. Je fis de mon mieux pour ne pas laisser transparaitre mon malaise. Il n’a bien évidement par tari de tendresse, mais il y avait quelque chose de différent. Quelque chose de plus dur. Je n’étais plus la petite chose fragile pour lequel il sentait ce besoin si puissant de protection. Pourtant, pendant des semaines, il m’avait soutenu face à un état de détresse tel que n’importe qui d’autre m’aurait royalement laisser tomber. Et il fuyait. Cette fois, il avait choisi la fuite.
C’était quelque chose à quelque j’étais encore moins préparée que de devenir la nouvelle super star de la Terria.
Rapidement, la nouvelle de notre retour s’était répandue. Le phénomène météorologique aussi puissant que rapide n’était pas passé inaperçu. Bientôt c’est la personne responsable du phénomène qui serait le centre de toutes les conversations, autrement dit : moi ! Ô joie.
« La princesse Theodora était de retour à Dardhélia. Elle a retrouvé toute sa puissance et plus encore. » D’accord, l’espoir qu’ils mettent tous en une personne, est très beau, mais cela devenait beaucoup trop concret.
Pitié… Sortez moi de là…