Nous sommes en Virginie, un état du Sud des États-Unis en 1959. La Cour Suprême a statué depuis plusieurs années, les écoles ont l'obligation légale d'accueillir des élèves noirs. Beaucoup feront de la résistance pendant plusieurs années. Le Lycée Jefferson va pour la première fois accueillir des élèves noirs dans ses murs. Une victoire qui a un goût amer pour les Blancs qui comptent bien la faire payer à ces Noirs dont ils ne veulent pas chez eux.
Le roman débute par l'arrivée de ces lycéens. Une arrivée sous les huées, les insultes, les crachats, la colère et la haine. Sans parler des enseignants dont certains ferment les yeux. Une violence qui saisit le lecteur à la gorge.
Elèves noirs et élèves blancs vont donc être obligés de se côtoyer pour le plus grand déplaisir de chacun. L'occasion pour l'auteur de nous remettre en mémoire tous les préjugés qui avaient cours à l'époque. Si Sarah Dunbar est issue d'une famille noire, ouverte et pour l'intégration, Linda Hairston porte en elle tous les préjugés monstrueux inculqués par son éducation dans une famille blanche du Sud par un père haineux, au racisme échevelé, révolté par tous ces changements. Mais elle va finir par oublier les mensonges, ouvrir les yeux et son attirance, réciproque, pour Sarah n'y est pas pour rien...
Dans le contexte explosif ambiant, cet amour, doublement interdit, s'annonce pour le moins compliqué si ce n'est impossible...
J'ai vraiment été happé par ce roman. Au-delà de l'histoire d'amour entre deux jeunes filles que tout oppose, mise en avant dans la quatrième de couverture, c'est vraiment une histoire forte et poignante que nous livre Robin Talley avec ce premier roman dont la force vient notamment de sa construction. En nous mettant tour à tour dans la peau de ses deux héroïnes, dans des récits à la première personne, l'auteureamplifie l'identification à ses personnages.
Avec Des Mensonges dans nos têtes, c'est tout un pan de la déségrégation américaine que Robin Talley fait défiler sous nos yeux.
"Quand papa était petit, il vivait en Alabama avec sa famille. Pour Thanksgiving, l'année de ses six ans, les gens de la ville ont commencé à dire qu'un de ses cousins, un adulte, avait volé une dinde. Les Blancs qui sont allés le voir chez lui ce soir-là n'étaient pas des policiers. Il n'y a pas eu de poursuites judiciaires, pas d'enquête. Après ce jour là, le cousin de papa n'a plus jamais marché."
"- Souviens-toi, dit-elle. Quand c'est trop dur, pense au Seigneur. Aie la foi. Il veille sur nous.
Je hoche la tête. Elle a raison, bien sûr.
N'empêche, j'ai souvent l'impression que le Seigneur veille sur nous d'un peu trop loin."
"C'est la première personne de couleur que le fréquente. Je croyais qu'ils étaient tous les mêmes, comme ceux dont parle papa - les fainéants trop bêtes pour entrer dans notre lycée, les criminels que l'on doit tenir à distance des femmes blanches.
Je ne savais pas qu'il y avait d'autres genres de Noirs. Des gens comme elle.
A part la couleur de sa peau, je ne pense pas que Sarah soit vraiment différente de moi."
"- [...] Et en parlant d'avoir quelque chose dans le crâne, tu trouves que détester des gens simplement à cause de la couleur de leur peau est une preuve d'intelligence ?"
"Intelligents et ségrégationnistes, c'est possible ça ? Où est la logique ? Où a germé l'idée de séparer les gens en fonction de la couleur de leur peau ?"