« La toile souveraine »
RENUCCI François-Xavier
(Albinia)
Le Lecteur eut à subir un handicap majeur lors de sa découverte de cet ouvrage. En raison du sous-titre que François-Xavier Renucci y accola: « Pour un Saint-Exupéry ». Lui qui n’a plus fréquenté Saint-Exupéry depuis plus d’un demi-siècle et qui n’a jamais manifesté le moindre désir de revenir vers lui. Or, quasiment d’emblée, François-Xavier Renucci lui imposa la lecture d’un poème (page 33), une « Ode à la Corse » dont la paternité est (serait ?) attribuée à l’auteur du « Petit Prince ». Un poème mal fagoté dont quelques vers laissent toutefois penser qu’ils auraient pu être libellés par un aviateur (« … Et découverte sur un ciel de mer… Avec quelle allégresse je piquais vers toi Dans le vrombissement de mes mille chevaux ! Alors je coupais les gaz… »). Du pompier, a priori fort éloigné du style de Saint-Exupéry (qui par ailleurs ne « poétisait » plus depuis belle lurette), ce qui insinue le doute chez Jacques, l’ami de Benjamin, le narrateur. Même si l’écrivain séjourna quelques jours à Bastia avant de disparaitre en mer lors d’un vol de reconnaissance le 31 juillet 1944.
Jacques enquête. Jacques interpelle via son blog à lui d’éventuels témoins, des gens susceptibles de lui fournir des indications, de lui ouvrir des portes. Et, puisqu’il enseigna brièvement à l’université de Corte, il associa même quelques étudiants à ses infructueuses recherches. Avant que d’entreprendre un reportage, filmé par un autre de ses amis, reportage qui le conduisit jusqu’à Marseille et ses calanques, à quelques encablures du lieu où furent retrouvés des restes de l’avion que pilotait Saint-Exupéry. Soit donc trois moments de sa quête dont il transmet à son ami Benjamin des récits détaillés des différentes étapes. Lequel Benjamin (le narrateur) entraîne sa maîtresse dans la découverte des récits/témoignages que lui lègue Jacques.
Lors de sa découverte, le Lecteur dut également surmonter un second handicap, accessoire celui-là, mais qu’il serait malhonnête de ne pas mentionner : il a entretenu de brefs échanges épistolaires avec François-Xavier Renucci. Sur les questions de la littérature corse. Or la littérature est au cœur du livre. Mieux même, elle en est l’aliment. Avec la Corse en toile de fond, ses convulsions et tout ce qu’elles génèrent. Donc le point de vue du Lecteur, en raison de ces échanges antérieurs, risque d’en être altéré.
Sinon, voilà une œuvre « intelligente ». Avec ses probables faiblesses (que le Lecteur situe dans les dialogues entre le narrateur et sa belle et sensuelle maîtresse mais aussi dans la partie qui contient la reproduction du contenu des rencontres aléatoires qu’effectue Jacques sur Internet et qui concernent la question de la paternité de l’Ode à la Corse). Ce qui lui paraît toutefois secondaire. En s’emparant « à bras le corps » du questionnement sur le pourquoi de la création littéraire, François-Xavier Renucci propose une œuvre originale, qui ne déçoit pas et qui a obligé le Lecteur à poser un regard neuf sur une autre œuvre, celle du père du Petit Prince.